Quelques notions d’inflation, de monnaie et de finance…(2/3)
Mots clés : argent, coût, Friedman, Keynes, chicago boys, ordre monétaire, banque centrale, BCE, taux directeurs
1er point : Lutte contre l’inflation ? Oui mais laquelle ?
Vous êtes vous déjà intéressé à savoir comment la Banque centrale ou nos gouvernements interprétaient « l’inflation » et la mesuraient ?
Si l’inflation se définit normalement comme une hausse durable du niveau général de tous les prix ( c’est-à-dire des prix de tout ce qui s’échange -s’achète et se vend- dans une économie ), dans les faits, les chiffres d’inflation communiqués en boucle dans les médias correspondent en fait à la « hausse des prix à la consommation ». C’est ainsi que tous les prix de tous les produits échangés ne sont pas pris en compte. Sont ainsi soigneusement exclus des calculs les prix de ce l’on appelle fort à propos « l’investissement ».
Refléchissez y bien : un bien de consommation, par définition, perd de sa valeur avec le temps ( vous le revendrez sans doute moins cher dans un an qu’au moment de son achat ), alors qu’un investissement est par définition ( ou par convention ? ) supposé correspondre à l’inverse. Mais pourquoi cela ? Je répondrai par une boutade : parce que pour que certains soient riches, ils est indispensable que d’autres soient moins riches, voire plus pauvres ( n’oubliez pas: par définition, la richesse est relative ).
Ceux qui vont investir seront ( dans un système qui n’euthanasie plus les rentiers ) plus riches que ceux qui ne font que consommer! Ce qu’il fallait démontrer.
Vous ne comprenez pas pourquoi les prix de l’immobilier flambent et que l’inflation officielle ne dépasse pas les fameux 2 %? Ne cherchez pas plus loin: le prix d’achat des logements ( neufs ou anciens ) n’est pas pris en compte dans l’inflation ! Normal, répondent les économistes, on considère que c’est de l’investissement! Or 55% des français sont « propriétaires » de leur logement ( en fait, souvent locataires de leur banquier qui leur a prêté l’argent! ). Du coup, et en douce, la part « Logement, eau, gaz, électricité » est réduite à la portion congrue dans le calcul de cette pseudo inflation.
Vous voulez savoir à quelle hauteur elle est prise en compte ? La réponse est sur le site de l’INSEE, cliquez ici
Eh oui, s’il vous arrivait de dépenser pour votre logement, votre eau, votre gaz et votre électricité, tout cela réuni, plus de 13,4% de vos dépenses totales, alors…vous devriez commencer à écouter d’une oreille critique les chiffres d’inflation donnés au JT de 20 heures. Et surtout ne pas tirer de conclusions trop définitives quant à l’ampleur de votre dernière augmentation!
Dans le numéro 2879 de Juillet 2005 de la très sérieuse revue Problèmes économiques, un article publié à l’origine dans The Economist s’intitulait sobrement « La mesure de l’inflation reste controversée ». Controversée est un faible mot! On y apprenait qu’une étude avait été réalisée aux Etats-Unis par un économiste de la banque HSBC, en affectant à l’immobilier une pondération de 30% de l’indice global des prix à la consommation (à comparer avec nos maigres 13,4 %). Résultat, l’inflation sautait à plus de 5,5% par an, soit plus de… deux fois le niveau d’inflation officiel à destination des foules. Soit une très légère différence! Bien entendu, je laisse imaginer ce que serait le chiffre de l’inflation si l’on y intégrait en outre le prix de tous les actifs fianciers, en particulier celui des actions et des produits de la sphère financière…
Car cette interprétation restrictive de l’Inflation (avec un grand I), qui exclut tout ce qui est investissements (ou supposés tels), n’est pas sans conséquences. Exclure les prix de l’immobilier, mais aussi tous les prix des actifs financiers (actions, placements divers, produits financiers, et…) dans une période où la sphère financière est devenue dominante n’est pas une paille : c’est une poutre ! Et manifestement une poutre porteuse du capitalisme financier actuel…Autrement dit : c’est ( presque ) n’importe quoi !
Ce que rappelle par ailleurs l’article de Problèmes économiques cité ci-dessus:
« L’idée que les Banques Centrales devraient suivre l’évolution du prix des actifs ne date pas d’aujourd’hui. Dans un ouvrage intitulé « Le pouvoir d’achat de la monnaie », l’économiste américain Irving Fischer faisait valoir en…1911 que les responsables de la politique monétaire devraient arrêter un indice des prix basé sur un large panier de biens et services qui comprendraient également les valeurs financières et les biens immobiliers ».
Ainsi, 95 ans après 1911, on ressort timidement la question pour ne surtout, surtout pas l’aborder, car d’une telle supposition, le capitalisme moderne n’en veut toujours pas, pas plus qu’il y a près d’un siècle. La soit-disant lutte contre l’inflation biaisée par la mesure actuelle ( délibérée ) est une véritable escroquerie qui n’ose dire son nom.
Comme le précise ensuite l’article, l’idée d’établir un tel indice des prix supposerait implicitement de la part d’une Banque Centrale ( réellement indépendante, y compris des marchés financiers et des milieux « investisseurs » ) que la hausse des prix de ces actifs, en créant de l’inflation, pourrait être « préjudiciable ». Or, cette inflation là ne semble pas trop déranger certains, même ceux qui s’auto-proclament indépendants des marchés financiers. Mais le sont-ils vraiment, culturellement et personnellement ? La supposée indépendance des cabinets d’audits financiers, comme Arthur Andersen, n’a pas résisté longtemps aux copinages et aux intérêts croisés, entre autres dans l’affaire ENRON…
Oui, mais non…Car il y a inflation et inflation, mon cher Monsieur. Que l’immobilier grimpe au ciel ou que Jean-Pierre Gaillard s’étrangle de joie parce que le CAC 40 a grimpé de 25% en 2005, ceci n’est pas de l’inflation ! Enfin, pas de la mauvaise, non celle-là, c’est de la bonne, mon Bon Monsieur. Celle qui n’euthanasie pas les rentiers quoi, et pour cause : celle là crée de la rente !
La mauvaise, c’est celle que voit le bas peuple, qui le fait grogner et réclamer des hausses de salaires pour maintenir son pouvoir d’achat. Celle-là est mauvaise, on vous dit. N’insistez pas, c’est ainsi, et ça se comprend bien finalement…
2ieme point : contrôle de la masse monétaire : ne pas mettre trop d’argent dans l’économie, car en tous temps et en tous lieux, l’inflation est d’origine monétaire.
Il est décidément des choses bien étranges dans des domaines aussi rigoureux et supposés aussi scientifiques que les politiques économiques et monétaires. Prenons l’exemple de la BCE. Lancée officiellement en 1998, elle s’était fixée comme objectif ( outre la maîtrise de l’inflation sous 2%, dans les conditions de mesure que l’on sait ) une évolution programmée et fixe de la masse monétaire, c’est-à-dire de la quantité d’argent en circulation en zone euro, conformément aux préceptes de Milton Friedman : faire croître la masse monétaire d’une valeur constante et prévisible, égale à l’inflation visée additionnée de la croissance visée. Ainsi fut défini l’objectif de faire croître cette masse monétaire ( appelée M3 ) d’environ 4,5% par an ( 2% d’inflation + 2% de croissance + 0,5% terme correctif ).
En 2005, il m’a pris d’aller jeter un oeil ( certes, il faut le vouloir, car tout ceci n’est ni très médiatisé ni très compréhensible au premier abord, il est vrai ) sur les données en la matière. Et devinez ce que l’on découvre : en 2005, la masse monétaire a grossi en Europe de près de 8%.
Cas isolé me direz vous? Que nenni. Car depuis son lancement, jamais une année, je dis bien jamais une année, la BCE n’a tenu son objectif de 4,5% ! Toujours au dessus, et pas qu’un peu.
Résultat : par rapport à la progression théorique visée en 1998, ce sont environ 20% d’euros « en trop » qui ont été créés et mis en circulation, soit près de 1000 milliards d’euros sur une masse monétaire totale d’environ 6000 milliards.
En savoir plus
– Le site de l’auteur
– Qu’est ce que l’indice des prix à la consommation ?
– Le site de la Banque Centrale Européenne