Les mesures technologiques et le mythe de la voiture propre
La réduction des émissions unitaires de CO2 grâce aux améliorations technologiques se jouent à plusieurs niveaux : le moteur et les carburants bien sûr mais également l’aérodynamique, le poids, la résistance au roulement, la récupération de l’énergie du freinage, la consommation des accessoires, etc. et constructeurs et ingénieurs nous promettent régulièrement des véhicules « propres » dans un avenir proche. Ce qualificatif, quelque peu galvaudé, s’applique mal à l’enjeu du changement climatique. Car, si des avancées scientifiques et technologiques existent bel et bien, leur bilan en ce qui concerne les gaz à effet de serre est mitigé. En tout état de cause, à la lecture des chiffres, on voit mal comment la technologie pourrait résoudre à elle seule le problème. Les mesures nouvelles du PNLCC que l’on peut classer dans la catégorie « améliorations technologiques » ne comptent que pour 7 % de l’effort de réduction à effectuer (objectif PNLCC : – 4 MteC pour 2010).
En 1998, un accord a été décidé entre l’Europe et l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (accord ACEA) dans lequel les constructeurs implantés dans l’UE se sont engagés à abaisser les émissions moyennes de leurs voitures neuves à 140 g de CO2 par km à l’horizon 2008 (contre 185 g/km en 1995). La mesure se fait sur un cycle de conduite standard officiel excluant l’usage des accessoires de sécurité (renforts, freins ABS, etc.) et de confort, en particulier la climatisation et donc dans des conditions éloignées de l’usage réel. Aujourd’hui, le seuil à atteindre est encore loin puisque les émissions moyennes européennes s’élèvent à 164 g/km en 2002 et que la baisse escomptée est freinée par l’entrée en force sur le marché des tout terrains et des véhicules spacieux type break ou monospace. A cet engagement s’est ajoutée dès 2000 la promesse de lancer des gammes de voitures rejetant moins de 120 g/km. A titre indicatif, aujourd’hui en France, 2,7 % des voitures vendues émettent moins de 120 g de CO2/km. Enfin, rappelons que cet accord ACEA est inclus dans la comptabilisation du scénario de référence du PNLCC (celui même qui ne permettra pas à la France d’atteindre ses objectifs de réduction) et que donc cette mesure ne s’intègre pas dans le scénario avec l’ensemble des mesures nouvelles et dans l’effort de réduction des – 4 MteC pour 2010.
Les progrès technologiques sont à double tranchant.
Les consommateurs jouent un rôle important dans l’acceptation des progrès technologiques. Mais, s’ils adoptent les petites voitures de ville (type SMART), ils se laissent aussi tenter par des modèles démesurés et très polluants, comme les 4×4 urbains très à la mode. Ainsi, on note depuis 2001 pour la France, un fort ralentissement de la baisse des émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs (162 g de CO2 par km en 2000, 156 en 2001, 155 en 2002 et en 2003) dû vraisemblablement à l’augmentation de la vente des véhicules spacieux et des tout-terrains 37 (voir aussi chapitre précédent)
Les recherches portant sur les motorisations traditionnelles s’attachent à optimiser la consommation de carburant. Une réussite ? En 10 ans, la consommation moyenne du parc automobile français a diminué de 9,2%, toujours selon le cycle normalisé. Mais cette évolution est essentiellement due au succès commercial du Diesel, un peu plus sobre que le moteur à essence. Et elle cache mal une autre réalité : si les moteurs fonctionnent mieux, les véhicules neufs voient leur puissance, leur cylindrée et leur poids augmenter. A cela s’ajoute la multiplication des équipements embarqués (climatisation, systèmes de guidage, etc.) qui entraînent un surcroît de consommation significatif de plus de 20%. La consommation réelle des véhicules est d’un litre au 100 km au-dessus du cycle normalisé et cet écart s’accroît : les voitures sont de plus en plus puissantes et procurent un (illusoire) sentiment de sécurité ce qui pousse les automobilistes à rouler de plus en plus vite.
La climatisation automobile : un problème d’envergure
Les estimations avancent que les HFC pourraient être responsables de 7 à 13 % des émissions de GES en 2050. En 2001, le GIEC a conclu que les concentrations de HFC-134a (réfrigérant couramment utilisé dans l’air conditionné automobile) croissent de manière quasi exponentielle. Le boom de l’utilisation de la climatisation dans les automobiles (passage de 9% à environ 80% en Allemagne en une décade) menace d’engager des niveaux élevés d’utilisation de HFC d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet de méconnaissance total de la part des consommateurs. Il faut savoir qu’à ce jour même les systèmes améliorés d’air conditionné laissent fuir les HFC après seulement 5 ans d’utilisation.
Autre élément essentiel dont il faut tenir compte : le temps de renouvellement du parc automobile. En effet, la durée de vie médiane d’une voiture étant d’environ 15 ans, il faut donc tenir compte du temps d’inertie pour l’utilisation réelle des technologies nouvelles. Concernant les avions, des annonces similaires (mais de moindre ampleur) ont été entendues : par exemple une réduction de 10% dans les 10 prochaines années de la consommation de kérosène. Le temps de renouvellement du parc d’avions se situe quant à lui à plusieurs dizaines d’années.
Le développement des motorisations alternatives (Véhicules électriques et alternatifs).
Certains constructeurs nous annoncent pour bientôt le passage à l’ « ère de l’hydrogène » avec des moteurs à piles à combustible. Ceux- ci ne rejetant localement que de l’eau, ils amélioreront la qualité de l’air en ville. Mais, en terme d’effet de serre, la prudence s’impose : car cet hydrogène qui remplace l’essence devra être produit quelque part, et certaines technologies se révèlent peu efficaces et tout aussi émettrices de CO2 ! Cela requiert une analyse rigoureuse du cycle de vie. A moins d’opter pour la voie du nucléaire, qui émet très peu de gaz à effet de serre mais pose d’autres soucis environnementaux, et/ou les énergies renouvelables, qui risquent fort de ne pouvoir répondre à la demande actuelle sans un vaste programme d’économie de l’énergie. En l’état actuel des techniques, le rendement global de la filière électrolyse-pile à hydrogène est inférieur à celui des filières classiques essence ou diesel. Seules les filières à moteur hybride ou à pile à méthane ou à méthanol semble pouvoir offrir un meilleur rendement.
Les carburants.
Essence et gazole sont les deux carburants les plus couramment utilisés mais également les plus émetteurs de CO2. Pour 15 000 km parcourus, une voiture essence rejette en moyenne 2 700 kg de CO2, en gazole 2 400 kg de CO2 et
en GPL 2 300 Kg de CO2. Même s’il s’agit de rester très prudent sur les progrès techniques qui à eux seuls ne pourront
résoudre le problème du réchauffement climatique, il ne faut pas non plus ignorer ou laisser pour compte des alternatives au véhicule thermique conventionnel.
Ainsi, après les errements de la voiture électrique (pas de percée sur le marché français : 132 véhicules électriques vendus en 1995 contre 113 en 2003), des constructeurs proposent des véhicules hybrides (combinant moteurs à essence et électrique) et des véhicules au gaz. Ces modèles, qui entraînent des émissions de CO2 plus faibles recueillent peu de succès dans notre pays. Pour le gaz, la nécessité de stocker à haute pression et de mettre en place des infrastructures assez lourdes constitue un frein notable excepté dans le cas des collectivités qui souhaitent équiper
leur flotte de véhicules amenée à effectuer de nombreux déplacements en centres urbains.
Les biocarburants.
Leur utilisation à grande échelle date des années 70 pour le Brésil et 90 pour l’Europe. En 1992, la politique agricole européenne a imposé le gel de 15% de la surface céréalière, pour maîtriser le volume de production. Les cultures sur jachères à des fins non alimentaires étant acceptées, celles-ci peuvent donc servir à des fins énergétiques, par le biais des biocarburants ou des biocombustibles. Les biocarburants sont issus de la biomasse (énergie en provenance des végétaux) et font partie de la famille des énergies renouvelables. Ils apparaissent aujourd’hui comme une alternative aux carburants classiques présentant un potentiel intéressant puisque leur utilisation permettrait de réduire les émissions de GES et de certains polluants. A l’étranger, ils sont parfois utilisés purs mais en France, ils sont mélangés à hauteur de 2 à 5 % des carburants classiques essence et diesel (sauf 30 % pour le diester pour les véhicules lourds). On peut distinguer deux grandes filières : la filière huile végétale – ester issue des oléagineux (colza et tournesol) et la filière alcool – éthanol provenant des cultures de betterave, canne, blé.
Le CO2 rejeté lors de la combustion des biocarburants correspond à la quantité absorbée lors de la croissance des végétaux. En terme d’émissions de CO2 du « puits à la roue » (donc sur l’analyse du cycle de vie), les biocarburants ont des niveaux nettement moins élevés que les carburants classiques. L’utilisation d’ester (tournesol et colza) est préférable à celle de l’éthanol (blé et betterave).
Les huiles végétales pures (tournesol et colza) sont, quant à elles, les moins consommatrices d’énergie. De plus, la présence d’oxygène dans les molécules de biocarburant améliore leur combustion et diminue le nombre des particules issues des hydrocarbures imbrûlés, ainsi que le monoxyde de carbone. En revanche, une extrême vigilance s’impose sur les conditions de culture des terres agricoles et des jachères. En effet, une utilisation irraisonnée d’engrais azotés entraînerait un dégagement de N2O ainsi qu’une pollution des sols et des eaux pouvant contrebalancer le bilan écologique positif lié à la combustion des biocarburants.
Ce texte est extrait du rapport: Transports et changements climatiques: un carrefour à haut risque publié par le Réseau Action Climat en avril 2004.
Vous pouvez télécharger le rapport dans son intégralité ici: Transports et changements climatiques