[…]plus les pressions écologiques s’accroissent, plus elles imposent des restrictions de la liberté individuelle, soit spontanément, soit par l’entremise de l’Etat. L’exemple suivant éclaire concrètement la façon dont se pose la question: dans l’analyse des statistiques d’accidents de la route, en Grande-Bretagne, les spécialites ont constaté que les piétons, en particulier les enfants, fournissaient une part importante des décès. Heureusement, ce taux a diminué dans les dernières années. Pourquoi? Les routes ne sont pas devenues plus sûres, expliquent les experts, mais les familles se sont adaptées au trafic routier: on ne laisse plus les enfants aller à l’école à pieds ou jouer dehors. Et le rapport de conclure: l’augmentation de liberté permise par la généralisation des automobiles « s’est opérée au prix d’une perte de liberté et de choix pour les enfants ».
Ainsi, ce n’est pas la Terre qui est en danger. Mais, par l’effet de la dégradation des conditions de fonctionnement de la biosphère, les valeurs de justice, de liberté et de beauté que nous essayons d’inscrire dans le quotidien. L’enjeu n’est plus de « sauver la planète », mais de modifier une organisation sociale dont l’impact écologique reflète la façon dont elle considère ces valeurs.
Extrait de « La baleine qui cache la forêt« , d’Hervé Kempf.
Edition La Découverte, Paris, 1994.