Le problème de Pékin: réduire ses émissions de NOx (oxydes d’azote) des chaudières pour la santé publique. Des limites strictes sur les émissions de NOx des chaudières ont été introduites pour lutter contre le smog à Pékin. Dr Gregory Zdaniuk, Joël Moreau et Lu Liu se penchent sur l’utilisation de la combustion humide, sujet évoqué depuis longtemps sur Econologie.com notamment via les travaux de Rémi Guillet qui publie ses idées et travaux régulièrement.
Pékin souffre de la pollution et cherche des solutions
La croissance industrielle très rapide de la Chine a conduit à des niveaux importants de pollution de l’air, ce qui impacte évidement sur la santé des Chinois, dans les grandes villes plus particulièrement et depuis de nombreuses années! Les causes sont le trafic routiers, les industries du charbon et le chauffage des bâtiments. La municipalité de Pékin veut améliorer la qualité de l’air et est à l’avant-garde de la lutte contre la pollution atmosphérique. Elle fait de gros efforts pour y remédier, notamment en interdisant les nouvelles installations au charbon, en limitant le trafic et en appliquant de nouvelles technologies pour améliorer la combustion et réduire les NOx notamment. La combustion humide est une de ces techniques d’avenir!
« War on Smog »: la municipalité de Pékin a introduit une série de mesures de recherche pour lutter contre la pollution de l’air:
Une interdiction du charbon pour les nouvelles installations
Une rénovation progressive et obligatoire des installations au charbon existantes
Restrictions sur l’immatriculation des voitures neuves et sur le trafic quotidien
Promotion de la mobilité électrique
Promotion des taxis alimentés au gaz naturel (méthane) et du transport au GPL (propane-butane)
Développement de l’autopartage et du vélo
Limites strictes pour les NOx dans les chaudières à gaz neuves et existantes
Depuis le 1er avril 2017, les installations doivent respecter des limites NOx pour les chaudières à gaz neuves et existantes, qui sont même supérieures (!!) aux normes de l’Union européenne. La municipalité a également mis en place des incitatifs pour réduire les émissions de NOx des chaudières à gaz ; par conséquent, 1 500 chaudières ont été modifiées en 2016.
La réduction des NOx dans les chaudières est possible en injectant de l’eau ou de la vapeur dans la zone de flamme ; c’est ce qu’utilise et veut développer Pékin, en utilisant un système développé en Europe au cours des 15 dernières années notamment sur les travaux de Rémi Guillet. Les méthodes de post-traitement par exemple, la réduction catalytique sélective SCR ou la réduction sélective non catalytique – traitent les émissions de NOx après la formation. Les techniques de contrôle de la combustion empêchent la formation de NOx.
Les méthodes de post-traitement ont tendance à être plus coûteuses et ne sont généralement pas utilisées sur les chaudières d’une puissance inférieure à 10 MW.
Les limites strictes de NOx de Pékin pour les chaudières
Suivant la norme sur les rejets de polluants atmosphériques pour les chaudières (DB11 / 139-2015), les nouvelles installations et les combustions charbon-gaz doivent maintenant respecter une limite de NOx de 30mg/Nm3 , tandis que les installations existantes ont une limite de 80mg/Nm3. En comparaison ici en Europe, la limite équivalente de NOx fixée par la Directive Européenne est de 100 mg NOx/Nm3…c’est 3 fois plus qu’en Chine!
En plus des limites légales strictes, Pékin a mis en place un programme d’incitation économique à la réduction des NOx pour les chaudières gaz existantes. Les projets de rénovation sont récompensés en fonction de la quantité de NOx qu’ils économisent. 1 500 chaudières à gaz ont été modifiées en 2016. En 2017, Pékin a modifié l’équivalent de 7 GW de puissance thermique de chaudière gaz cumulé, soit environ la puissance thermique de 2 réacteurs nucléaires!
La formation de NOx varie quasi exponentiellement avec la température de la flamme. La principale méthode de contrôle des NOx consiste à réduire la température de la flamme. Cela peut être réalisé de plusieurs façons:
- Amélioration de la distribution de la flamme pour réduire les points chauds
- Modifier le rapport air/carburant ou combustible et réduire l’excès d’air
- Ajout de la recirculation des gaz de combustion (EGR): les chaudière mazout à flamme bleue
- Combustion stratifiée (HCCi)
- Injecter de l’eau ou de la vapeur lors de la combustion
Le défi pour les ingénieurs consiste donc à abaisser la température de la flamme, tout en maintenant la stabilité de la flamme et l’efficacité de la chaudière. La sécurité est également critique, en particulier lorsqu’il s’agit d’EGR, en raison du risque d’explosion du monoxyde de carbone (CO) potentiel présent dans les gaz d’échappement!
Le système de combustion humide par pompe à vapeur d’eau (PAVE)
L’injection d’eau ou de vapeur entraîne la modification de la stœchiométrie (la relation quantitative entre oxydant et oxydé) – et donc de la température de la flamme adiabatique – du mélange air-carburant. L’ajout d’eau « disperse » également les calories générées par la combustion. Les deux phénomènes provoquent une diminution de la température de combustion – la couleur de la flamme de gaz, logiquement bleue, devient sensiblement jaune orange. Si la température de la flamme est suffisamment réduite, les NOx ne se formeront quasi plus et les performances thermique de la chaudière seront conservées.
Figure 1: Même brûleur fonctionnant en mode de combustion humide (en haut) et en mode de combustion sèche (en bas)
Le système de pompe à vapeur d’eau (Water Vapour Pump, WVP, ou Pompe A Vapeur d’Eau, PAVE) est un procédé de combustion humide du Ph.D Rémi Guillet développé et breveté en 1979 , de la société CIEC basée à Paris et qui fait partie du groupe ENGIE depuis 2004. Il consiste en un préchauffage et une saturation en humidité de l’air de combustion avec récupération de la chaleur sensible et latente des gaz de combustion. Pour ce faire, deux pulvérisateurs sont placées dans le flux d’air: une dans l’entrée d’air frais et l’autre entre le condenseur et la cheminée, comme le montre la figure 2. Tous les composants sont en acier inoxydable et le brûleur est fait pour gérer l’air de combustion saturé d’humidité. La géométrie du brûleur à injection d’eau n’a rien à voir avec celle d’un brûleur typique à faible émission de NOx (une simple double paroi)
Comme le point de rosée des gaz de combustion entrant dans le condenseur est, bien évidement, augmenté (de ~ 58 ° C dans le cas d’une combustion régulière à ~ 68 ° C dans le cas d’une combustion humide), beaucoup plus de chaleur latente est récupérée dans le condenseur. Ceci en comparaison d’une chaudière à condensation ordinaire fonctionnant aux mêmes températures de départ et de retour d’eau. En outre, la récupération de chaleur supplémentaire qui se produit dans la tour de pulvérisation d’échappement refroidit les gaz de combustion à des températures beaucoup plus basses par rapport à une chaudière ordinaire. En conséquence, le système PAVE est beaucoup plus efficace qu’une chaudière à condensation ordinaire.
La figure 3 compare l’efficacité du système de combustion PAVE et d’une chaudière à condensation régulière en fonction de la température de retour de condensation. Il montre que le début de la condensation est décalé à une température de retour plus élevée, rendant le système PAVE un candidat idéal pour les applications de rénovation où il n’est pas facile de réduire la température de retour du bâtiment (radiateur conventionnels à haute température)
Le système PAVE est caractérisé par des températures de flamme très basses, il est donc capable d’atteindre de très faibles productions de NOx. La limite des 30mg/Nm3 est facilement atteinte tant que l’air de combustion est préchauffé à 60°C et réglé à une température optimale. En revanche, les brûleurs «secs» à faible émission de NOx et à très faible NOx ne peuvent atteindre des niveaux comparables d’ émissions de NOx qu’en utilisant une proportion élevée de EGR et, potentiellement, de chambres de combustion surdimensionnées.
Dans un système de combustion classique (avec l’air atmosphérique), la réduction de la température de la flamme en-deçà d’une certaine température peut entraîner la formation de CO mais ce n’est pas le cas pour une chaudière PAVE qui brûle du gaz naturel donc un combustible qui a priori accède aisément à sa combustion complète.
Par ailleurs, les performances du cycle PAVE ne sont ni enclines à faire chuter aussi bas la température de combustion par le biais d’un recyclage d’eau trop important ni même à amoindrir le taux d’O2 dans le comburant par ce même biais : et le risque de la formation du CO est a priori écarté par le cycle PAVE.
Diminution de la production des NOx et diminution du risque de panache d’eau en sortie de cheminée (via une moindre humidité dans les fumées) ont pour heureuses conséquences: moins de risques de smog (qui est dans le cas de la combustion du gaz naturel le résultat de la combinaison panache d’eau + NOx) en même temps que les performances thermiques du cycle qui sont maximales…
Premier projet de Pompe A Vapeur d’Eau en Chine par CIEC
Au cours des 15 dernières années, la société CIEC a déployé le système PAVE dans plusieurs pays européens, principalement en France, mais aussi en Allemagne et en Italie. Les limites de NOx étant moins strictes en Europe, le système est installé en tant que mesure d’économie d’énergie.
En 2016, Beijing United Gas Engineering and Technology a obtenu un contrat d’une université de Pékin pour renouveler sa chaufferie. Il s’agissait de changer la chaufferie au charbon et d’installer un nouveau système au gaz. Il a été décidé de mettre en place le système PAVE en Chine pour la première fois.
Le système comprend deux chaudières à gaz à condensation de 5,6 MW chacune pour chauffer le campus sur environ 160 000 m2 de surface de chauffe. Le système a été dimensionné pour une capacité de 200000 m2 en prévision de futurs travaux d’agrandissement. Le réseau de distribution de chaleur est conçu pour une température de départ et de retour de 70°C/50°C. Toutes les unités terminales sont commandées par des vannes trois voies, ce qui rend la température de retour variable. Une seule des 2 chaudière est équipée pour le moment en PAVE, la seconde chaudière est équipée d’un brûleur standard à faible émission de NOx. Ceci permettra de faire des tests comparatifs sur la durée.
La mise en service a été faite en mars 2017, les émissions de NOx étant testées à 23 mg/Nm3 (corrigé à 3,5% d’O2), bien en deçà de la limite de 30 mg/Nm3. L’efficacité globale de la chaudière était de 107% – à une température de retour de 45 ° C et les émissions de CO étaient mesurées à 0 mg/Nm3!
Un bel avenir pour les chaudières à pompe à vapeur d’eau…
La PAVE est une technologie de combustion capable d’atteindre des émissions de NOx ultra-faibles et à des rendements considérablement élevés (109% sur le PCI) et des coûts de maintenance inférieurs aux chaudières à condensation conventionnelles. La PAVE peut être installée sur une chaudière existante sans perte significative de capacité, alors que les rénovations typiques du brûleur à faible émission de NOx peuvent la diminuer significativement. Face à un grave problème de smog, Pékin est à l’avant-garde de la lutte contre la pollution de l’air et ces actions devraient être observées par les décideurs politiques du monde entier…
On participé à l’élaboration de cet article:
Dr Gregory Zdaniuk , directeur principal de l’ingénierie, Engie China
Joël Moreau , directeur général adjoint de la CIEC
Lu Liu , ingénieur en chef adjoint chez Buget
Traduction par Christophe Martz, ingénieur et responsable éditorial du site Econologie.com
Texte d’après cette source en anglais
Pour information une PAVE de 10 MW construite par CIEC est en cours d’installation sur l’Université de Louvain en Belgique.
Elle sera mise en service courant Mars 2018.
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