Energie et croissance économique: UNE BRÈVE SYNTHÈSE ! par Remi Guillet. 3ieme et dernière partie: les taxes sur l’énergie.
Lire la 2ere partie.
Les taxes sur les carburants
Traditionnellement, le business des carburants constitue une aubaine pour les gouvernements qui y trouvent une importante recette budgétaire et un levier stratégique leur permettant de soutenir ou au contraire de contraindre davantage telle ou telle activité…
Les taxes sur les carburants dans le monde (% du coût à la pompe) :
Classement par ordre décroissant (Source OCDE /2006)
En savoir plus sur la taxation et marge des carburants pétroliers en France.
Les exceptions !
Mais pendant ce temps on en est toujours à la convention de Chicago qui après la seconde guerre mondiale et afin de développer le transport aérien a interdit la taxation du kérosène (disposition à méditer quand on connaît la consommation des aéronefs par kg déplacé: 10 fois plus que le train !)
D’autres secteurs d’activités sont également concernés par des détaxes, conjoncturelles, partielles etc… C’est par exemple le cas de la pêche, de l’agriculture, des taxis….
Il est aussi fait appel à la détaxe pour lancer le développement de telle ou telle filière de production de substituts au pétrole : huile végétale, éthanol…
Nous voyons actuellement que la fin de ces détaxes et défiscalisations diverses peut être dangeureuse pour la survie d’une fillière énergétique (exemple du diester et bioéthanol allemand)
L’enjeu de la taxe « carbone »
La taxe carbone (ou taxe CO2) est, dans son concept, et avec d’autres « écotaxes », une taxe destinée à couvrir les frais induits par les nuisances du CO2 et, dans le même temps, à favoriser les options pour les énergies alternatives renouvelables.
Ainsi, la décision de mettre en œuvre la taxe carbone devient aujourd’hui un enjeu planétaire dans la mesure où elle peut avoir un impact sur l’évolution de l’effet de serre dont on constate que l’ensemble des conséquences, s’appuyant les unes sur les autres, engendre un dérèglement climatique qui s’accélère (dépassant de beaucoup les prévisions les plus pessimistes faites il y moins de 10 ans !).
Pour le transport terrestre, on comprendra que la taxe carbone pourrait être « récoltée » aux différents passages douaniers et ainsi servir de régulateur aux échanges internationaux, donc au bout du compte, pourrait avoir un double impact : direct, écologique –sa première raison d’être- mais aussi social, avec ses répercussions indirectes sur les délocalisations et autres transports de marchandises…
Le lecteur intéressé par la Taxe Carbone pourra lire cette discussion.
Croissance et énergie : l’aspect dynamique
L’évaluation des années de consommation « restantes » vue dans la 1ere partie a été faite sur la base de la consommation 2005. Mais nous ne pouvons ignorer plus longtemps l’émergence de nouvelles puissances économiques (Chine, Inde, Brésil…), avec une croissance à deux chiffres depuis une dizaine d’années pour ce qui concerne la Chine (même si aujourd’hui la conjoncture touche ce pays comme les autres, ses velléités sont intactes !).
a) Augmentation de la consommation de pétrole dans différentes régions du monde entre 1965 et 2003 (source: bp).
Consommation de pétrole dans différentes régions du monde entre 1965 et 2003 (source: bp).
b) Evolution de la consommation de pétrole de la Chine.
Consommation de pétrole de la Chine depuis 40 ans (source: bp).
Elle a été multipliée par 11 en 38 ans !
Conclusion; et maintenant…qu’allons-nous faire ?
Bien sûr, vouloir faire mieux, inscrire notre démarche individuelle et collective dans le sens de ce que nous croyons être notre « mieux-être » perdurera : c’est un défi spécifique à l’intelligence, à la nature humaine !
Mais ne plus appuyer nos choix stratégiques sur l’existence de la manne des énergies fossiles gracieusement offerte par Dame Nature est devenu un impératif environnemental… qui nous contraint, dès aujourd’hui, à aller vers un autre modèle de développement (On pourra consulter l’article de Rémi Guillet « Plaidoyer pour une autre croissance » sur le site des éditions l’Harmattan).
Probablement contraint par les circonstances plus que par choix délibéré nous devrons de plus en plus produire l’énergie dont nous aurons besoin pour relever nos défis ou plus précisément nous devrons investir, construire, exploiter des infrastructures ayant à produire une énergie réputée « propre ». Ceci en lieu et place d’une énergie préexistante, longtemps offerte et à profusion.
Mais cette « conversion » ne sera pas gratuite au sens économique : une nouvelle « charge » figurera au bilan de nos activités…Pour les adeptes du profit, celui-ci sera -toutes choses égales par ailleurs- amoindri d’autant, la production de richesses capitalistiques réduite d’autant…
En toute probabilité, cette conversion sera d’autant moins facile à accepter qu’elle engendrera une croissance appréciée comme (très ?) modérée par rapport à ce qui a été observé à la fin du siècle passé.
Ce faisant, des interrogations nouvelles quant au réel intérêt d’échanges mondialisés à propos de tout (par exemple à propos du yaourt qui parcourt 9000 kms avant d’arriver dans notre assiette !) vont apparaître !
Cette conversion aura cependant son versant ensoleillé : compte tenu de ce que vont devenir les coûts du transport, beaucoup moins de délocalisation seront à craindre, les vertus de proximité entre production et consommation seront redorées ! « Manufacturer » une part importante de l’énergie dont nous aurons besoin devrait (normalement) constituer un nouveau et bienvenu gisement d’emplois !
Au final, la question qui nous semble aujourd’hui être la plus pertinente concerne les modalités du « passage » du modèle actuel au modèle suivant. Ce dernier devant intégrer la rareté là où il y avait abondance, donc beaucoup plus économe, en eau, en énergie, devant engendrer et répondre à des défis radicalement nouveaux.
Ce ne sera pas le fait de couper l’eau la durée du brossage des dents, l’extinction de tous les feux quand on dort qui suffiront : si c’est mieux que rien, nous craignons que ces « petits gestes » nous donnent bonne conscience et en cela l’endorme !
Les discours politiques nous enjoignent de rejoindre le business du « développement durable ». Mais il s’agit d’un business comme un autre dans la mesure où on y adjoint le même défi de rentabilité, de profitabilité, avec les mêmes difficultés à réussir…dans un contexte de mondialisation, de délocalisation, d’iniquité (que penser de panneaux solaires made in China et installés en Provence ?).
Plus généralement, les discours officiels sur le « changement climatique » restent plutôt rassurants (peuvent-ils être autres ?) Nous aurions encore 15 ans pour réagir dit-on ! Mais cela fait déjà au moins 10 ans qu’on le dit : c’est comme l’horizon qui avance comme nous marchons !
Alors, faut-il attendre encore 15 ans pour envisager quelque changement d’importance !
Non ! Il faut prendre le problème à bras le corps…et partout, dès aujourd’hui ! Donc trouver une formulation ou un encadrement aux enjeux économiques pour que le monde s’inscrive « naturellement » dans « l’après pétrole ». Pour être plus explicite, nous allons changer notre propre formulation pour déclarer qu’il nous faut désormais remplacer le « défi économique traditionnel » par un « défi sociétal », marquant ainsi notre volonté d’aller vers un modèle de développement plus humaniste, plus équitable, visant un meilleur partage dans l’espace et dans le temps, au sein d’une même génération, avec les générations suivantes, marquant notre volonté de respecter le patrimoine naturel.
Cela, redisons-le, dès maintenant ! Alors on ne peut que se tourner vers les responsables politiques qui doivent intervenir avec beaucoup de détermination, et ensemble, pour « changer le cap » dans l’urgence. La crise actuelle peut les y aider !
Si on réagit vite, on aura évité le pire des chaos environnementaux, on aura eu la sagesse d’en garder un peu de cette manne d’énergie fossile pour les générations qui suivront…Et ce sera bien pour elles, car nous devons savoir que pour certains usages, l’énergie fossile et plus particulièrement le pétrole n’auront pratiquement pas de substituts économiquement viables pendant encore très longtemps !
Alors, après la question que posait G. Bécaud (le titre de ce dernier développement), on pourra méditer sur diverses interprétations du texte de G. Brassens quand il chantait…
« Mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lente…D’accord, mais de mort lente ! »
Puisque notre propos voulait être une « brève synthèse », alors on retiendra de ce texte – plus long qu’initialement pensé ! – qu’avec la matière énergétique fossile nous avons eu le meilleur, mais à vouloir trop jouer avec le feu… nous avons préparé le pire ! A nous de jouer différemment, dès maintenant et dans l’urgence, pour montrer notre capacité à mieux maîtriser la suite de notre saga avec l’énergie.
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