L’exemple espagnol : Barcelone, chauffe-eau solaires obligatoires
Dans le cadre de son programme d’amélioration énergétique, Barcelone a décidé de rendre obligatoire, en 2000, l’installation de panneaux solaires thermiques pour fournir l’eau chaude de tout bâtiment nouvellement construit ou réhabilité. Une initiative adoptée depuis par une cinquantaine de ville en Espagne, dont Madrid et Séville et qui fera l’objet d’une loi nationale en 2005.
La Catalogne et sa capitale Barcelone ont appliqué leur singularité à l’écologie. Pour réduire le recours aux énergies fossiles et lutter, à sa manière, contre le réchauffement climatique, un arrêté municipal, promulgué au cours de l’été 1999, effectif depuis août 2000, a décrété l’installation généralisée et obligatoire de chauffe-eau solaires dans tout bâtiment neuf ou en réhabilitation, dont la consommation d’eau chaude dépasse les 2 000 litres par jour. L’objectif est qu’il doit représenter 60 % minimum des besoins en eau chaude .
Par « bâtiment », l’arrêté désigne des immeubles résidentiels, mais aussi des casernes, des prisons, des lieux dédiés à la santé, des équipements sportifs (stades, gymnases), certains locaux commerciaux, des constructions industrielles (pour l’eau chaude servant au processus de fabrication ou aux douches du personnel), ou encore toute autre surface disposant de cantines, de cuisines ou de buanderies collectives. Sont donc visés le secteur privé comme le secteur public.
20 000 m2 de capteurs solaires
A ce jour, quatre ans après la promulgation de cet arrêté, qui, s’il a alimenté les débats à son annonce, « n’a pas rencontré de véritable oppostion », souligne t-on à Barcelone, 232 projets sont été déposés. Selon l’Agence de l’énergie de Barcelone, qui propose sur son site un suivi détaillé de l’application de l’ordonnance, ces projets représentent un potentiel (tous ne sont pas réalisés) de 20 000 m2 de capteurs solaires thermiques (en majorité destinés au secteur résidentiel). Avant l’entrée en vigueur de cette mesure, seuls 1 650 m2 étaient installés. Cela équivaut, selon l’Agence, à une économie de 2 756 tonnes de CO2 par an, et de 15 675 MWH de production énergétique par an, soit l’équivalent des besoins d’une population de 30 000 personnes pendant une année. A ce rythme, l’Agence espère voir 100 000 m2 de panneaux solaires thermiques orner les toits barcelonais, à horizon 2010.
2005, l’année du solaire thermique en Espagne
Les panneaux solaires thermiques semblent bien acceptés. » L’installation de ces panneaux est même devenu un argument marketing mis en avant par les promoteurs immobiliers « note avec surprise Victor Almagro, directeur d’Enersoft, cabinet d’ingénierie barcelonais spécialisé dans l’énergie solaire thermique, filiale espagnole d’un des principaux bureaux d’étude français dédié à l’énergie solaire, Tecsol. « Si cela représente un léger cout, les promoteurs l’amortissent grâce à la valeur prise par l’appartement, ironise Victor Almagro, tant le marché de l’immobilier s’est envolé. Du reste, la plupart des projets de chauffe-eau solaires se font sans les aides proposées par l’équivalent de l’Ademe en Espagne, trop compliquées à obtenir. « Aujourd’hui, 25 municipalités de Catalogne (soit 50 % de la population catalane) ont promulgué un tel arrêté, et ce sont, en tout, 50 villes aussi emblématiques que Madrid ou Séville, qui font appliquer ce programme. Une loi nationale est prévue pour 2005 afin de favoriser le développement de l’énergie solaire thermique. » Bien sûr, la loi prévoira peut-être un seuil moins exigeant que Barcelone et ses 60 % de besoins en eau chaude, tempère Victor Almagro, mais elle exprime une volonté politique forte en faveur de ce type d’énergie et cela laisse toujours la liberté à chaque municipalité de fixer son seuil. «
Une mesure non transposable en France
L’autonomie dont dispose les régions en Espagne semble expliquer le succès de la démarche, encore inédite ailleurs en Europe (l’ordonnance a été inspiré par une mesure proposée à Berlin mais qui n’aurait jamais vu le jour). Un tel arrêté est-il transposable en France ? Non, répond-on des deux côtés des Pyrénées. » Il est interdit en France d’imposer à un corps de métier une décision qui aurait pour conséquence une distorsion de la concurrence « explique Fabrice Bordet, chargé de développement chez ENERPLAN, Association de professionnels des énergies renouvelables, basée dans le Var. On en reste donc à l’incitatif en France, avec des municipalités, des communautés de communes, des départements ou encore des régions qui multiplient les initiatives, les incitations financières et les campagnes d’informations à l’instar de la région Rhône-Alpes où les bailleurs sociaux ne construisent plus sans faire appel au solaire thermique. Sur le plan de la volonté politique, le récent projet de loi d’orientation sur les énergies apportera qu’une marge de manœuvre supplémentaire (mais toujours incitative) pour les municipalités, qui pourront » négocier » le recours au solaire thermique moyennant une occupation des sols revue à la hausse.
Sylvie Touboul
Source : www.novethic.fr