Fonctionnement de l’inflation 3

Quelques notions d’inflation, de monnaie et de finance…(3/3)

Mots clés : argent, coût, Friedman, Keynes, chicago boys, ordre monétaire, banque centrale, BCE, taux directeurs

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La encore, une paille en forme de poutre ! Regardez les belles courbes que cela nous fait (tirées d’un document BNP Paribas Resarch) : celle de l’écart par rapport à l’objectif de 4,5%, et celle de l’écart cumulé depuis 98 (l’écart par rapport à l’objectif est appelé money gap). Ces courbes sont en bas de cet article.

Mais me direz vous, puisque depuis que vous avez lu Friedman et adopté sa belle théorie, si de tous temps et en tous lieux, l’inflation est dû à trop de monnaie, alors de deux choses l’une : soit on a eu une croissance plus forte que les 2% prévus, soit on a eu une terrible inflation tueuse de rentiers au delà des 2% visés…

Perdu, et re-perdu. En moyenne 2% de croissance environ, et une « inflation » inférieure à 2%. Alors la question à 1000 milliards d’euros est : mais où est donc passé cet argent?

Allez je vous aide : rappelez vous…la manière dont les gouvernements et les Banques Centrales calculent l’inflation exclut bizarrement… le prix des actifs immobiliers ainsi que celui des actifs financiers. Bizarre? Vous avez dit bizarre?

Quant on écoute un peu les milieux financiers, ou qu’on lit les ouvrages de certains experts, il semblerait que la réponse soit limpide. Oui, c’est vrai, la planète (car il n’y a pas que l’Europe, ce fut la même histoire aux Etats-Unis, et dans le monde entier) croulerait sous l’excès de liquidités… c’est-à-dire d’argent ! Au point ne plus savoir qu’en faire ! Au niveau mondial, la base monétaire (c’est-à-dire la monnaie émise par les Banques Centrales) augmente à un rythme de…20% par an ! En clair, et ceci fera sans doute faire un salto arrière de surprise à tout habitué du JT de 20 heures ayant bien intégré le « Ca va mal, on est presque en faillite, y’a plus assez d’argent, la France vit au dessus de ses moyens ». De l’argent, y’en a, et même y’en a trop, à tel point qu’il ne sait même plus où s’investir, le pauvre (bien que son terrain de jeu soit mondial désormais, par la libre circulation des capitaux).

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Etonnant, non ? Au point que certains spécialistes issus du sérail (des banquiers, comme Jean Peyrelevade, ancien président (et redresseur) du Crédit Lyonnais, ou Patrick Artus, économiste en chef de la CDC Ixis) commencent eux mêmes à s’en émouvoir et à tirer la sonette d’alarme. Artus parle même de « capitalisme sans projet », car les bénéfices des grands groupes s’accumulent et ne s’investissent plus… si ce n’est pour racheter pour des sommes considérables leurs propres actions (afin de maintenir artificiellement la rentabilité du dividende pour l’actionnaire). Les grands groupes ne savent plus quoi faire de leurs montagnes d’argent accumulées! Et comme le précise Artus dans son récent livre « Le capitalisme est en train de s’autodétruire », cette situation est largement dûe aux Banques centrales, dont la complicité, pour reprendre le terme employé par l’auteur, est patente pour avoir favorisé la création d’argent facile à l’origine des bulles boursières et immobilières.

Car ne croyez pas que la BCE fasse cavalier seul dans cet étrange paradoxe. Depuis 10 ans, son homologue américaine, la Fed, a juste contribué à doubler la quantité de dollars en circulation dans le monde (soit une hausse moyenne de… 8% par an comme par hasard). Comme le mécanisme n’est pas prêt de s’arrêter, la Fed a trouvé un moyen radical pour qu’on ne vienne plus la titiller sur ce sujet un peu paradoxal : NEW! à partir du 23 Mars 2006, elle ne publie plus les chiffres de la masse monétaire M3! Décision surprenante, annoncée de manière laconique et sans véritable justification… si ce n’est le fait de ne plus montrer ce qui fait tâche : l’augmentation incroyable de la quantité de monnaie créée ces dernières années.

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Pour information, un petit peu gênée aux entournures sans doute, la BCE avait elle annoncé en 2003 que l’objectif de maîtrise de M3 ne serait plus considéré comme un des piliers de la politique monétaire européenne ! Seule reste donc la maîtrise du hochet pour les foules : la fameuse et soi-disant « inflation » (en fait expurgée de ce qui fait tâche la encore : le prix des actifs financiers et immobiliers comme expliqué ci-dessus). Ne soyez pas surpris si un de ces jours, M3 disparaît aussi des tableaux de la BCE…

Alors voilà qui est bien singulier tout de même et nous ramène au début de l’histoire et à Friedman. Pour éviter que l’Etat ne fasse tourner la planche à billet, certains ont réussi à partir de la fin des années 60, mais surtout au cours des décennies suivantes, à retirer la fameuse planche des mains des représentants du peuple pour la mettre dans des mains plus sûres…pour eux. Et voilà que sitôt fait, la planche à billet se remet à tourner de plus belle! Contradiction? Oui, au minimum, mais je dirais bien plus : escroquerie !

Car à qui profite cet argent tout frais dont l’encre (même virtuelle) n’est pas encore sèche ? A ceux qui profitent des bulles spéculatives ainsi générées : immobilier et actifs financiers. Et qu’on ne vienne pas me dire que le primo-accédant à la propriété ou le salarié qui possède trois malheureuses actions de sa société fait partie des gagnants. Ceci n’est qu’un paravent destiné à justifier l’ampleur du hold-up ! Car bien sûr, ce nouvel argent, créé rappelons le ex nihilo (à partir de rien donc) au travers des crédits accordés à certains, rentre dans l’économie par certaines portes bien précises. C’est bien sûr le rôle des organismes prêteurs (banques par exemple) de faire le tri, un peu comme un vigile (un « physionomiste ») à l’entrée d’une discothèque. Et je ne suis pas sûr que le chômeur, le RMiste ou toute une catégorie de la population aient la « tenue correcte exigée » pour rentrer. En revanche, toute l’ingéniérie financière, d’une complexité que l’on n’imagine guère, développée ces dernières années au bénéfice d’une minorité d’investisseurs, se fonde sur un crédit peu cher permettant de spéculer sur les marchés financiers mondiaux d’une manière que le quidam à bien du mal à imaginer. Cette population là, costard-cravate, est bien sûr la bienvenue au banquet du crédit facile.

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Il faut y voir là de manière évidente le dernier avatar en date de la concentration historique des richesses dont l’ampleur ne fait que s’accentuer. Miracle apparent de la finance moderne : plus vous empruntez d’argent, plus vous devenez riche! J’ai du mal à expliquer cela à ma vieille mère… Autres temps, autres moeurs dit-on. Et autre système monétaire, surtout. (…)

Source de l’article.

En savoir plus

L’escroquerie monétaire de la création de l’argent
– Courbe du glissement du M3 zone EU par rapport à l’objectif de 4,5%:


– Courbe de l’ecart cummulé du M3 par rapport à l’objectif:

Le site de l’auteur de ces pages
Ecouter et télécharger des émissions radios « Des Sous et des Hommes » en .mp3
Qu’est ce que l’indice des prix à la consommation ?
Le site de la Banque Centrale Européenne

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