Christophe a écrit :VetusLignum a écrit :Ce serait sans doute mieux que rien.
La question que je me pose, c’est : avec qui fait-on un compromis ? Qui exactement veut que tout soit broyé ? Et pourquoi ça bloque ?
Compromis avec la vie sauvage, avec les voisins et la bienséance qui veut qu'on ait un jardin "propre" et également son patrimoine: une maison au jardin mal entretenu perd clairement de sa valeur (c'est pas moi qui le dit, c'est le "système"...c'est triste pour la biodiversité mais c'est comme ça...)
Je ne suis pas non plus extrême au point de dire qu’il faille laisser les herbes sauvages pousser partout, y compris dans nos cours ou nos allées.
Concernant le fait de laisser pousser la végétation au bord des routes dans les zones agricoles, j'ai trouvé un document avec beaucoup de réponses à mes questions.
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01095674/documentEn fait, quand l'équipement laisse pousser la végétation du bord des routes en vue d'en faire des réserves de biodiversité, ce sont bien souvent les agriculteurs qui viennent la raser, avec un broyeur ou avec des herbicides.
Les agriculteurs n'aiment pas les herbes sauvages, pour diverses raisons, les principales étant la crainte que cette végétation leur cause davantage d'adventices dans leurs champs, la perception que ce n'est pas propre, ou l'idée que cela augmente le risque d'accidents sur la route. Dans l'étude, le seul qui voit vraiment la biodiversité comme un atout est un agriculteur biologique.
En fait, je me dis que laisser de la végétation hors de contrôle peut créer une angoisse et un sentiment d'insécurité chez des agriculteurs pour qui tout contrôler (et en particulier, contrôler les adventices et les ravageurs) est vu comme une priorité vitale.
Est-ce que, factuellement, cette végétation leur cause réellement davantage d'adventices ?
Les adventices craintes par les agriculteurs sont surtout le chardon, le brome, le ray-grass, et le vulpin (ces dernières étant "des graminées qui présentent parfois des résistances aux traitements herbicides actuels et dont les agriculteurs ont du mal à se débarrasser une fois dans leurs parcelles.").
Il faudrait donc regarder ce qu’il en est, et si l’herbicide que les agriculteurs appliquent déjà (parfois, en doublant la dose le long des bandes enherbées) ne suffit pas à gérer le problème.
Est-ce que cette résistance aux herbicides de certaines graminées ne serait pas aussi due à la vieille habitude qu’ont certains agriculteurs de traiter les bandes enherbées ?
La crainte pour la sécurité routière est-elle fondée, ou bien s'agit-il juste d'une excuse ?
Là aussi, c’est à étudier, et la réponse est peut-être au cas par cas.
Il y a aussi l'idée comme quoi plus les herbes sont hautes, et plus les automobilistes sont tentés de jeter des détritus dans l'accotement.
Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est l’idée qu’il est "dégueulasse" de laisser pousser la végétation sauvage.
Les agriculteurs associent les herbes hautes et la présence de mauvaises herbes dans les bordures à un aspect sale et négligé, « visuellement, on voit que ce n’est pas entretenu » (agriculteur 51). Le non-entretien est vécu pour eux comme un travail mal fait, ils le comparent au non-entretien des jachères qui est sanctionné par la conditionnalité des aides PAC (diminution des aides si présence de chardons en graines sur une surface significative de la parcelle). Les agriculteurs se soucient de l’image de leur territoire, « c’est une honte pour les gens qui y habitent, moi je ne me sens pas bien quand je circule et que je vois mes bordures de routes aussi dégueulasses, je me dis quand même, on vit dans un département pauvre ! Ca fait département pauvre qui ne s’entretient pas » (agriculteur 53). Ils ont aussi envie de travailler dans un environnement propre, « si on entretient quelque chose de propre, pour moi c’est un peu plus sympa à regarder tous les jours » (agriculteur 66), « une bordure qui est entretenue c’est aussi un accès à un paysage, tu peux regarder au loin » (agriculteur 16).
Nous pouvons trouver écho à notre travail dans celui de Marie-Jo Menozzi [Menozzi 2007] qui s’est intéressée à la perception des mauvaises herbes en ville. Les critères attendus dans les espaces urbains sont l’ordre et la propreté alors que les plantes spontanées font référence au désordre et à la saleté, qui sont renvoyés au sauvage et à la campagne, par opposition à la ville dans l’esprit des citadins. Les termes utilisés par les citadins sont les mêmes que ceux des agriculteurs pour parler des mauvaises herbes : sale et négligé. Il est intéressant de noter cette ressemblance, qui vient peut-être du fait que la route est un élément urbain dans la campagne et subit les mêmes normes sociales que la ville : elle doit être propre et bien en ordre. Une autre hypothèse est que les agriculteurs n’associent pas la campagne au sauvage.
La campagne est le support de travail des agriculteurs et en même temps, le paysage résulte de leur action. S’ils ressentent le besoin de montrer un travail bien fait au reste de la société, les bordures de route (premier élément du paysage vu par les usagers de la route) est un espace clé qui doit être propre et entretenu.
Pour moi, c’est ici le point sur lequel il me semble le plus important de travailler, celui sur lequel il y a le plus de marge de manœuvre ; d’autant qu’il permet d’expliquer pourquoi il y a autant de broyages et de "destruction de la nature" dans des zones urbaines ou péri-urbaines où les plantes sauvages n’ennuient pas les agriculteurs dans leur travail.
Une autre remarque : l'auteur de l'étude mentionne que certains agriculteurs interrogés sont en TCS (réduction du travail du sol) ; mais on ne sait pas ce qu'ils pratiquent en matière de couverts hivernaux. Ce document date de 2014 ; et il est possible qu'aujourd'hui, certains de ces agriculteurs aient évolué vers l'agriculture de conservation ; ce qui peut impliquer une meilleure conscience du rôle positif de la biodiversité pour leur activité.
Le technique du semis sous couvert peut constituer une autre manière de contrôler les annuelles sauvages, sans herbicide supplementaire.