Un bref retour sur les sols qui bouffent du carbone et chient de l'azote...Je suis tombé sur ce commentaire fait sur internet :
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La phrase relative à la “chiure” d’azote post-ingestion de carbone par le sol vient donc de la bouche de K. Shreiber.
Elle découle des 5 années de relevés de sol réalisés chez un certain nombre de maraîchers membres du groupe “Maraichage sur sol vivant”, notamment chez F. Mullet dans l’Eure (voir une série de vidéos sur youtube où il présente sa ferme et ses itinéraires techniques, c’est passionnant).
Ces relevés démontrent de manière répétée qu’avec un apport de 20 à 25 tonnes de paille de céréales réalisé au début de l’hiver (donc avec un C/N élevé oscillant entre 120 et 150 (!) pour le blé) hé bien les niveaux d’azote présent dans le sol APRES la saison de culture qui suit ont systématiquement augmenté.
Une légère faim d’azote est mesurée au printemps (passage de 110 à 90 unités de N disponible dans le sol), moment où l’activité bactériologique du sol lance le processus d’ingestion de la matière organique carbonnée (et lignieuse) apportée, mais c’est bien une forte hausse du taux d’azote présent dans le sol qui est ensuite mesuré à l’automne (jusqu’à 140 unités), et ce malgré des cultures exigeantes réalisées entre temps.
D’où la phrase “le sol mange du carbone et chie de l’azote”
Autre point intéressant et qui confirme qu’il y a une véritable évolutivité du degrès d’intensité de l’activité bactériologique du sol en fonction de ce qui le nourrit (si si): après 3 saisons à ce régime répété de 25T/ha de paille, on observe une ingestion de cette MO carbonée (et donc une transformation en humus grossièrement) bien plus rapide après 3 ans: 6 mois versus 18 mois pour ingérer le tout premier apport!
Les rendements observés sur la ferme de F. Mullet (66T d’oignons à l’hectare en bio, chiffre assez surréaliste) et d’autres (je pense à la ferme des Rufaux toujours dans l’Eure ou à celle de L. Welsch dans les Pyrénées) ainsi que l’évolution de leur sol semblent clairement démontrer la réalité et le bienfait de cette logique tant d’un point de vue agronomique qu’économique, et ce d’autant plus que tous les éléments sont précisément chiffrés (temps économisé grâce à la maîtrise des annuelles et de certaines vivaces, disparition totale de l’irrigation en plein champ (!!), 4 à 5 relevés de sol par an pour mesure les taux d’azote, de rétention d’eau, de diversité bactériologique, etc.)
Pour rebondir sur ta question relative au comment du pourquoi du process hé bien les membres de ce groupe reconnaissent eux-mêmes ne pas en connaître la clé malgré des indices pour le moins concordants!
Mais comment s’en étonner? Il n’existe aujourd’hui plus aucune chair universitaire de micro-biologie des sols en France, or un processus non étudié scientifiquement restera malheureusement toujours inexpliqué, a fortiori quand il relève d’une telle échelle et d’une telle complexité (comme nous ne connaissons probablement pas une grande majorité de la faune marine, pour des raisons différentes certes).
Des paysans se lèvent en tout cas tous les jours avec cette conscience du sol comme organisme vivant, qui ne doit point être perturbé par un quelconque travail d’une part, qui doit être nourri grâce au carbone d’autre part (comme dans les forêts, écosystème le plus résilient et productif qui soit, où feuilles mortes et branches se succèdent sur le sol).
La question néanmoins sous-jacente à cela est “qui de la résilience et de la durabilité d’un tel système?
Si il faut piller la paille des voisins à hauteur de 25T/ha pour des cultures légumières, ce système là n’est malheureusement pas durable.
D’oû des recherches en cours, que ce soit en culture légumière ou céréalière, pour aller vers une plus grande maîtrise technique des intercultures, des couverts végétaux et autres associations.Comme je n'ai toujours pas regardé les vidéos en question avec attention, ce "résumé" me convient bien.
Pour ma part, il me semble qu'il y a juste un bug : la paille n'est pas du carbone pur ! Elle renferme, selon les calculs que j'avais faits pour mon bouquin, environ 7 unités d'azote par tonne brute de paille (c'est évidemment variable selon les espèces et la culture).
On retrouve ce chiffre dans cette fiche :
https://unifa.fr/fichiers/ferti-pratiqu ... que_14.pdfDans ce tableau, ce serait plutôt 6 :
https://comifer.asso.fr/images/publicat ... 0azote.pdfDonc avec des apports de 25 t/ha, cela représente 150 à 175 unités apportées par ha et par an.
Si on compare avec les exportations, en ne comptant que la partie récoltée et exportée (l'azote contenu dans tout ce qui reste sur place étant recyclé), il sort de la même parcelle (selon le tableau COMIFER ci-dessus) :
- 20 tonnes de têtes de brocoli à 4 kg d'N / t, soit 80 kg
- 80 tonnes de carottes à 1,7 kg d'N / t, soit 136 kg
- 35 tonnes de courgettes à 2,2 kg d'N /t , soit 77 kg
- 60 tonnes de laitues à 1,8 kg d'N / t, soit 108 kg
- 40 tonnes de pomme de terre primeur à 2,8 kg / t, soit 112 kg
- 30 tonnes d'épinards à 3,7 kg/t, soit 111 kg
Etc Etc...
Donc si on évite les lessivages (grâce à des apports d'un matériau pauvre en automne ; c'est une autre tactique), pas besoin de fabuler sur des mécanismes mystérieux : les apports d'azote dans la paille (matériau "assez pauvre" mais
pas dépourvu !!!) sont supérieurs aux exportations de la plupart des cultures légumières (peut-être toutes, j'ai eu la flemme de faire toute la colonne).
Il est donc logique que les analyses d'azote révèlent une augmentation (surtout à l'automne, au moment où la minéralisation est à son apogée - ce que j'ai signalé chez moi aussi).
Il ne faut donc pas confondre "stock et flux". Les analyses donnent un état du stock, à un instant donné. Et pour les cultures, "besoin de la culture" (ce qu'elle va absorber durant son cycle) et "exportations" (ce qu'elle "sort" réellement de la parcelle : un blé ).
Pour moi, il est donc évident que le stock d'azote augmente. Et cela sans recourir à une fixation libre "extra-ordinaire"... C'est juste que si on met plus dans une boite qu'on n'en sort, cela finit par augmenter... Il peut s'agir de chips dans un Tupperware !
Noter que le résumé souligne bien la faim d'azote à la sortie de l'hiver... Comme il note que cela s'estompe au cours des trois ans. Ce que j'avais aussi écrit quelque part. La faim d'azote est surtout critique au début, si on ne travaille qu'avec la paille...