Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue

Agriculture et sols. Pollution, contrôles, dépollution des sols, humus et nouvelles techniques agricoles.
sicetaitsimple
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par sicetaitsimple » 28/11/16, 20:36

Ahmed a écrit :Mis à part le cas du verger dans lequel une couche conséquente (10 à15 cm) peut être épandue, la pratique du BRF constate les meilleurs résultats avec des épaisseurs plus réduites et il n'est nul besoin de "capitaliser" (sic), dès lors qu'il est possible de renouveler l'apport.


C'est un peu ce que je pense, que ce soit pour du BRF ou autre biomasse: il me semble que des apports réguliers sont préférables à des apports massifs, si on pense "organismes du sol" les gaver une année et les affamer l'année d'après (c'est une image) est-ce vraiment optimal?
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 28/11/16, 22:02

Alors je vais laisser "ouverte" la question de savoir s'il y a un "too much" pour le BRF. Même si je ne suis pas nécessairement convaincu... Même si des études ont montré... Il faut, dans une étude, toujours se baser sur le protocole ("qu'est-ce qui a été mesuré et comment ?")... Mais joker, ne connaissant pas l'étude, je ne vais pas la contester a priori.

Deux précisions encore :

1) Quand je parle d'overdose, je parle de l'azote en priorité et accessoirement d'autres éléments minéraux (pour lesquels c’est bien plus théorique : P, K, etc...). Cela n'a rien à voir avec les substances humiques, qui ont une dynamique tout autre... Je pense que pour les matières organiques, et particulièrement sa part la plus stable, les substances humiques, il n'y a pas de "maxi". De toute façon, dans la réalité, vu que la minéralisation augmente, on ne tend pas vers un pic, mais à un nouvel équilibre, où apports (réguliers, très élevés) s'équilibrent avec la minéralisation. C'est "mathématique". Il y a un stock énorme dans un sol, même pauvre. De sorte que même des apports "pharaoniques" ne bougent les taux que de l'épaisseur du trait...

2) Quand je parle de "capitaliser", donc de stocker, bien entendu cela n'a aucun sens s'il s'agissait de développer cela comme une pratique "normale".

On se situait bien là dans une situation, comparable à celle que j'ai connue en découvrant un "gisement" de sciure en me promenant il y a deux ans (ou, plus récemment, les déchets du dessouchage d'un chantier d'abattage le long de la route tout près de chez moi). Ou encore l'automne dernier, quand mon voisin a élagé sévèrement ses bouleaux et allait nous enfumer...

Ou si devant chez vous, on abat des arbres... Bref, il y a des situations où un gisement anormalement important se présente.

Dans ce cas, je pense qu'on peut "charger" la mule. En corrigeant les effets négatifs. Et en en profitant pour "stocker" des substances humiques durables... Donc "capitaliser de la fertilité". Cela est complètement différent des autres éléments, notamment solubles.

Ces "à coups" se situe alors en plus des apports réguliers, "normaux". Cet hiver, je vais encore rabattre mes haies, couper un noisetier qui périclite pour je ne sais quelle raison (rat-taupiers ?), et je vais bien entendu broyer ça en plus. Et l'utiliser.

Pour des raisons pratiques autant que techniques, dans les cas courants, il vaut bien entendu bien mieux faire son chantier régulièrement, chaque année. Aussi parce que ces apports réguliers entretiennent les champignons et leur activité. Là-dessus, je ne voudrais pas qu'il y ait de doutes. Et je n'en ai pas.

Encore une fois, j'écrivais en rapport à une situation où julienmos avait un "gisement" important, visiblement, et qu'il l'a mis. Et s'inquiète maintenant...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 28/11/16, 22:29

Julienmos a écrit :
ceci me fait penser au compost, où l'on conseille de mélanger du "vert" et du "brun", feuilles mortes, petits branchages même...



d'ailleurs mettre des trucs trop ligneux ne me semble pas une bonne idée, puisque la déc de la lignine est aérobie je crois ? mais du bois, il y en a pas seulement en surface du tas, donc mauvaises conditions pour les champignons.


Je vais essayer de t'expliquer :

- les substances humiques stables ont un rapport C/N voisin de 10 ; c'est comme ça (comme un homme non diabétique à une glycémie de 1 g/l) ; un "choix" de la nature lié au fonctionnement de ces substances, à leur "composition"...

- la matière organique que tu "décomposes", va connaitre un double sort : a) une partie va se détruire complètement" donc se "minéraliser" ; elle va donner l’énergie aux organismes qui bossent (comme quand tu brules ton bois, pour dégager l'énergie, tu déglingues les molécules jusqu'au bout, pour faire du CO² et de l'H²O) ; il restera aussi les "cendres" dont les organismes n'ont que faire, en l’occurrence ce sont les minéraux (N, P , K and Co) ; b) une autre partie, issue de la décomposition de la lignine, va commencer par être démantibulée, mais finalement, va prendre un autre chemin : les organismes vont se servir de ces débris pour fabriquer quelque chose de nouveau, des "grosses molécules", qu'on appelle les substances humiques (et qui ont plein de propriétés particulières, toutes très favorables à la fertilité des sols)...

Pour prendre une image, c'est comme si on cassait un quartier pour en construire un nouveau ; une partie des débris, on les brule (les lambris, les huisseries trop compliquées à réutiliser, etc). Mais une partie, on recyclerait : les poutres, des briques encore en bon état, une belle cheminée...

- lorsque le mélange de départ a un rapport C/N voisin de 25, on constate qu'il y a juste "ce qu'il faut" ; une partie des molécules carbonées vont être "flambées" pour fournir l'énergie, et le reste va servir de briques pour construire, avec l'azote, les substances humiques. Donc grosso modo sur les 25 (par rapport à 1 d'azote N), 10 vont servir de briques (te on aura donc bien C/N = 10) et 15 vont servir de "combustible" et se retrouver dans l'air sous forme de CO²...

Par ailleurs, seules les substances dérivées de la lignine vont prendre la seconde voie. D'où l'importance de ne pas mettre que des "déchets verts" riches en azote, très pauvres en cellulose et sans lignine...

Voilà pourquoi pour faire un "bon compost", avec des substances humiques dans le produit final, il faut un bon mélange, avec des substances "brunes" (donc cellulosiques et ligneuses). [je rappelle que "brune" est abusif, mais communément utilisé : le foin, par dessèchement, est "brun" mais n'est pas une "substance brune"]


Tous les processus de décomposition "efficaces", ou "utiles", sont aérobies... La minéralisation aussi. C'est bien pour ça qu'il faut "retourner" les tas, les andains... Et c'est bien pour ça que je pense qu'une décomposition de surface, avec une large surface de contact avec l'air, est plus efficace et mois contraignante. Que le carton est une mauvaise idée. Qu'enterrer des déchets fermentescibles, une catastrophe. Et que je disais qu'il y avait sans doute une "limite" aux couches de bois ou de BRF, même si elles sont naturellement très perméables.

Les champignons sont tous "aérobies".

Mais chez les bactéries, il existe des familles qui peuvent se passer d'oxygène. Qui ont inventer d'autres formes de "réactions chimiques" que les oxydations, pour se fournir en énergie. Par exemple les bactéries anaérobies qui décomposent les biomasses en méthane (bactéries méthanogènes). Ou le soufre en hydrogène sulfuré H²S (le gaz qui pue). Que ce soit dans un méthaniseur ou... dans notre colon (où cela va conduire à nos flatulences - c'est comme ça qu'on dit proprement je crois ! Eh oui, je tiens mes promesses !). Donc ne l'absence d'oxygène l' activité ne s'arrête pas, mais "bascule" vers des procédés non souhaitables (le méthane relâché est 22 fois plus puissant question "effet de serre" que le CO² ; c'est donc une catastrophe "écologique"). Les bactéries qui digèrent la cellulose du foin dans la panse des ruminants font la même chose. Et du coup, les ruminants, qui eux éructent (oh que cela est bien dit !), sont une grosse source de gaz à effet de serre, au grand dam de la Nouvelle-Zélande !

Pour ne revenir au compost, il faut donc bien aérer si on veut "inhiber" les bactéries anaérobies et éviter cela. Et ne favoriser que les aérobies, qui font le "bon boulot", en rejetant du CO²...

Bon, c'était un peu plus long que prévu...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par sicetaitsimple » 28/11/16, 22:46

Did67 a écrit :On se situait bien là dans une situation, comparable à celle que j'ai connue en découvrant un "gisement" de sciure en me promenant il y a deux ans (ou, plus récemment, les déchets du dessouchage d'un chantier d'abattage le long de la route tout près de chez moi). Ou encore l'automne dernier, quand mon voisin a élagé sévèrement ses bouleaux et allait nous enfumer...

Ou si devant chez vous, on abat des arbres... Bref, il y a des situations où un gisement anormalement important se présente.

Dans ce cas, je pense qu'on peut "charger" la mule. En corrigeant les effets négatifs. Et en en profitant pour "stocker" des substances humiques durables... Donc "capitaliser de la fertilité". Cela est complètement différent des autres éléments, notamment solubles.


Oui, bien entendu des apports "opportunistes" ne doivent pas être négligés. Ils rentrent dans le système ( le potager) . tu sembles dire qu'ils viendraient "en plus". de mon point de vue, ils devaient plutôt venir "à la place de".
Tout cela étant un peu théorique car dépendant de la situation initiale.
Dans ton cas, je ne pense pas que ton sol manque de MO, il faudrait peut-être lever un crow-funding sur le blog pour te payer une bonne analyse de sol!
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 28/11/16, 23:13

sicetaitsimple a écrit :Dans ton cas, je ne pense pas que ton sol manque de MO, il faudrait peut-être lever un crow-funding sur le blog pour te payer une bonne analyse de sol!


C'était sans doute, comme toute ancienne prairie, un taux tout à fait correct : 3 à 4 % ????

Cela a dû monter très légèrement en 3 ou 4 ans... Mais à mon avis, guère plus qu'un point après la virgule ! Toujours se rappeler que le stock est énorme et que même des apports pharaoniques ne font bouger le taux que très très lentement...

Dans 10 ou 20 ans, je serais surement à 5 %, ce qui est un taux jugé généralement comme "très bon", ou "nettement suffisant" pour la stabilité structurale, etc... C'est même, pour un agriculteur conventionnel, un "taux de rêve"...

Mais je pense qu'on peut encore monter au-delà de 5 %, peut-être sans plus gagner grand chose comme "effets directs". Mais en augmentant son "capital"...

Oui, je regrette de ne pas avoir d'analyses. J'aurais aimé suivre quelques paramètres (dont le taux de MO, taux d'humus et les principaux éléments minéraux). Pour l'instant, mes arbitrages financiers font que le potager n'est pas prioritaire (je suis déjà payé le luxe du Nikon pour filmer les vidéos). Pour le "point de départ", il me reste toujours la prairie naturelle, semblable à celle que j'ai convertie, des deux cotés de la parcelle en potager... Si mon activité "conférence" ou "formation" se développe, où si mon (futur) livre se vend, je pourrais ré-injecter cela dans ce type de dépenses... C'est dans cet esprit qu'actuellement, je me "décarcasse"...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 28/11/16, 23:16

sicetaitsimple a écrit :
Oui, bien entendu des apports "opportunistes" ne doivent pas être négligés. Ils rentrent dans le système ( le potager) . tu sembles dire qu'ils viendraient "en plus". de mon point de vue, ils devaient plutôt venir "à la place de".



Oui, tout à fait. Je pourrais "sauter" une année de BRF. Je vais surement en faire moins. Mais je constitue une bordure de frênes taillés tous les deux ans (et quelques autres arbres dans mes haies). Si je les laisse, l'année d'après, les branches sont trop grosses et ne passent plus dans le broyeur...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Julienmos » 28/11/16, 23:21

Did67 a écrit :

Tous les processus de décomposition "efficaces", ou "utiles", sont aérobies... La minéralisation aussi. C'est bien pour ça qu'il faut "retourner" les tas, les andains... Et c'est bien pour ça que je pense qu'une décomposition de surface, avec une large surface de contact avec l'air, est plus efficace et mois contraignante.

Les champignons sont tous "aérobies".



tes explications sont toujours très intéressantes, même si là dedans il y a des choses que je sais déja, grâce à mon assiduité à lire ce sujet :)

mais pourquoi cette longue explication ? ce que je disais n'était pas faux, me semble-t-il ?

d'ailleurs tu dis pareil: "les champignons sont tous aérobies"

je disais qu' en mélangeant le tas, les branchages se répartissent un peu partout, aussi bien en surface qu'en profondeur, au milieu du tas, où la décomposition de la lignine par les champignons ne se fait pas, ou se fait mal, par manque d'air ???

c'est pas pour rien que quand je sors mon compost plus ou moins "fini", parmi les débris non décomposés qui s'y trouvent, je retrouve beaucoup de morceaux de bois... voila pourquoi je ne vois pas l'utilité d'incorporer des branches, qui n'ont pas le temps de se décomposer de toute façon, et trouvent dans le tas de mauvaises conditions pour cela.
ou alors ajouter seulement quelques branchettes très fines.

Comme matériau "brun", également ligneux, mais plus vite et facilement décomposable, je verrais mieux davantage de feuilles mortes...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Julienmos » 28/11/16, 23:51

sicetaitsimple a écrit : il faudrait peut-être lever un crow-funding sur le blog pour te payer une bonne analyse de sol!


oui, absolument ! ou une canne à planter ?

mais faudrait être plus de deux à participer :D
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par izentrop » 29/11/16, 00:41

Did67 a écrit :
izentrop a écrit :Dans la forêt, l' arbre s'auto-fertilise. La litière permanente de feuilles et branches mortes abrite les micro-organismes recycleurs qui la transforme en nutriments pour les racines.
Un peu simpliste : "auto-fertiliser" mériterait des précisions.

Là où la boucle se boucle, c'est que c'est le "carburant" des champignons, qui justement sont des "extracteurs de minéraux" formidables. C'est l'association des deux qui permet en effet, à la forêt de relativement bien fonctionner... Une symbiose typique entre deux catégories d'êtres qui "compensent" mutuellement leurs faiblesses en collaborant sur la base de leur "points forts" respectifs. Presque magique !

Et on rejoint là mon obsession de "cultiver" des champignons dans mon potager...
Les fixateurs libres d'azote ont aussi un rôle important
On sait maintenant que la propriété de fixer N2 est strictement limitée aux procaryotes2,3 et n’a jamais été montrée chez les champignons filamenteux. La fixation de N2 mesurée par la réduction de l’acétylène (C2H2) en éthylène (C2H4 ou CH2=CH2) par une racine mycorrhizée ne devrait pas être imputée au champignon lui-même mais aux bactéries associées de la mycorrhizosphère. Cette activité de fixation de N2 est d'ailleurs encore plus importante dans la litière forestière que dans la mycorrhizosphère elle-même4.
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Mixieer56 » 29/11/16, 08:33

Did67 a écrit :Fais la pub à ton conseiller dans cette jardinerie, ils sont peu nombreux à avoir cette honnêteté !


La phénoculture progresse....au moins dans les cerveaux ou dans quelques applications :
une conversation avec les jardiniers-horticulteurs municipaux montre que le foin est utilisé dans la plantation des arbres en motte, celle-ci serait entourée de foin, enserrée dans un grillage pour éviter les rongeurs.....ou autres.
Quant au brf il leur est livré en sacs ( broyé depuis quand ? ) et sert de paillage et de décoration accompagné de paille de lin, chanvre et pouzzolane.
En revanche, la terre est copieusement retournée à la bêche et/ou au motoculteur.
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" Mets le désordre dans ton jardin et de l'ordre dans tes idées !" Didier Helmstetter

 


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