Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue

Agriculture et sols. Pollution, contrôles, dépollution des sols, humus et nouvelles techniques agricoles.
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Did67
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 05/01/18, 10:19

Julienmos a écrit :qu'est-ce qui tombe encore, aujourd'hui... la flotte stagne ou coule de partout, prairies, champs...

la moindre rigole est un torrent ! exemple, champ labouré récemment... voyez la couleur de l'eau.

Celle qui coule dans les prairies est propre.

Avec tout ce qui est déja tombé ces dernières semaines, et tombera encore cet hiver... ça va faire une sacrée "lixivation" (pardon pour le gros mot!) :lol:
que restera-t-il comme reliquat d'azote au printemps ?


1) Là, ce n'est pas la lixivation, mais l'érosion...

[Je rappelle : quand la pluie tombe, une partie de l'eau s'écoule en surface, le reste pénètre et traverse plus ou moins le sol ; dans ce qui qui pénètre, une partie est retenue - elle remplit la RU réserve utile - du sol, et une partie le traverse et va dans les nappes. L'eau qui traverse est appelée percolation. Elle entraîne une partie des éléments dissous dans la solution du sol et pas ou peu retenue : cet entrainement s'appelle lixivation. En surface, l'érosion entraine les particules fines, d'où le fait que l'eau est boueuse. Elle enlève donc de la "matière", et parmi elles, les particules les plus fines - argiles et limons. Ces particules "fixent" les éléments nutritifs retenus. Donc il y a un peu d'éléments minéraux de surface, retenus, qui s'en va. Ce qui fait la richesse naturelle des deltas -Gange- et des vallées inondables - Nil !]

2) Ta photo est très intéressante. Elle montre parfaitement la faible pertinence du travail du sol qui a été effectué (labour). L'agriculteur à certes, temporairement, amélioré la "structure" de son sol sur 25 cm d'épaisseur (au prix d'une consommation de carburant non négligeable). Mais en-dessous, comme le sol est "peu vivant", car il a aussi tué les vers depuis le temps qu'il laboure et travaille le sol, le garde nu, l'imperméabilité reste. Pas ou peu de galeries profondes. Et les 25 cm sont vite saturés. L'eau s'écoule. L'érosion s'installe, car ces 25 cm de sol nu sont très fragiles. Insuffisamment "collé" par manque d'organismes vivants, donc de glus (colloïdes). Sa fertilité s'en va.

Un des regards que nous devons changer absolument, c'est de "croire" qu'un sol cultivé, c'est 25 cm. Mais bien de considérer toute l'épaisseur jusqu'à la roche-mère. Et y compris les couches caillouteuse. Il y a là, en situation naturelle, un "continuum", avec, en effet, ce qui trompe l'homme, de moins en moins de matières organiques, de substances humiques... Il faudrait qu'au moins une fois dans sa vie, tout agriculteur déterre un pied de luzerne sans casser les racines... Et s'interroge : pourquoi cette luzerne va-t-elle si profondément, dans cette terre qu'il croit "stérile" ? Et observe que cette luzerne pousse en plein été, en pleine sécheresse... Et mette en liaison ces deux faits, qui ne sont donc plus du hasard... De même, les organismes vivants ne sont plus les mêmes... Et de plus en plus rares.

Je n'ai toujours pas trouvé de réponse à une question qui me taraude : les champignons (hétérotrophes aérobies strictes) peuvent-ils "transporter" l'oxygène que le réseau peut absorber en surface à l'autre bout du réseau, qui va "fouiller" dans les zones plus profondes, où l'oxygène manque. Y chercher l'eau. Y dissoudre des minéraux.

Je le crois. Partant du principe qu'il est avéré que les plantes (arbres) communiquent entre elles par ce réseau de filaments. Si telle molécule "signalétique" circule, pourquoi pas les molécules "oxygénées" ?

Sans cette conviction, je n'arrive pas expliquer la résistance à la sécheresse et la survie de mes légumes cet été, alors qu'en surface, c'était sec (et temporairement dur) !
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Did67
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 05/01/18, 10:27

Julienmos a écrit :
Celle qui coule dans les prairies est propre.



Oui, l'herbe, comme toute couverture du sol, protège le sol contre le "bombardement" que constitue une forte pluie. Cela éclate les agrégats. On appelle cela "l'effet splash". Et cela veut bien dire ce que cela veut dire. Eau et argiles+limons ainsi dispersés forment cette sorte de café au lait, prêt à s'écouler.

Ainsi "bombardé", l'érosion peut s'installer sur des pentes assez faibles, car pour décanter, ces particules fines mettent beaucoup de temps dans une eau calme. Les premières particules à se déposer, ce sont les sables, qui, justement, "n'emportent rien" (ils n'ont pas de "pouvoir adsorbant"). C'est pour cela que les hauts de pente, dans les champs cultivés, se décolorent : les particules fines, qui sont associées aux substances humiques ("complexe argilo-humique) s'en vont, laissant la place à des sols plus sableux, plus clairs. Pour maintenir les rendements, reste la perfusion d’engrais ! CQFD.

La couverture limite très fortement cela.

Par ailleurs, elle constitue un obstacle, qui ralentit la vitesse de l'eau, qui doit s'écouler entre des chicanes que constitue les brins. Tout le monde sait qu'un slalomeur va bien moins vite qu'un descendeur ! Or la capacité qu'a l'eau de transporter des particules dépend de la vitesse (de mémoire, avec le carré de la vitesse de l'eau, je crois).

Donc : bombardement qui explose les agrégats (effet splash) + descente "tout schuss" de l'eau en terrain nu = érosion.

Et couverture du sol = les agrégats sont protégés (pas d'effet splash) + l'eau doit slalomer et est ralentie = pas d'érosion, même s'il y a excédent d'eau et écoulement de surface.

Si tu repasses par là, sous fortes pluies, baisse-toi au ras du sol et tu pourras voir ce que je raconte.

[J'aborde cela dans mon livre, même si j'ai simplifié ce que j'avais écrit dans la version antérieure, dans le volume "comprendre"]
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Julienmos » 05/01/18, 11:41

Did67 a écrit :
1) Là, ce n'est pas la lixivation, mais l'érosion...

L'agriculteur à certes, temporairement, amélioré la "structure" de son sol sur 25 cm d'épaisseur (


oui, je sais que la photo c'est l'érosion, mais je me demandais aussi si un hiver très pluvieux ne lessivait pas beaucoup plus de nitrates (par lixivation) qu'un hiver plutôt "sec" ?

le grand flanc de colline de la photo a été labouré i y a une 15 zaine de jours, et je crois bien que c'est par endroits plus que 25 cm de sol qui ont été retournés, tant les sillons sont profonds, tant il y a des endroits où on voit beaucoup d'argile en surface ! sans doute l'objectif était de labourer au début de l'hiver, en espérant que l'action du gel casserait les mottes ?

auparavant, il y avait un engrais vert partout, (du seigle, déja assez haut d'ailleurs)...

il aurait pu attendre au moins 3 semaines de plus pour labourer ! sachant qu'on est dans une longue période pluvieuse...
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 05/01/18, 12:05

Julienmos a écrit :
je me demandais aussi si un hiver très pluvieux ne lessivait pas beaucoup plus de nitrates (par lixivation) qu'un hiver plutôt "sec" ?



Là, tu as parfaitement raison !

D'abord, c'est la "réserve utile" du sol qui se remplit : le sol "retient" l'eau qui pénètre (celle qui ne ruisselle pas).

Ce n'est qu'une fois que cette réserve est pleine que cela va "percoler" et générer la lixiviation...

Ce n'est pas aussi "mécanique" cependant : s'il pleut très fort, le sol peut avoir du mal à retenir l'eau (il y a une certaine vitesse de diffusion dans les agrégats, et notamment dans les substances humiques), alors que la même quantité tombée doucement va être entièrement stockée. Tout le monde a pu remarquer que si on arrose brutalement un pot de fleur sec, l'eau ne fait que "traverser"... Si on le trempe dans la même quantité d'eau, elle finira par être absorbée.

Chez nous, en moyenne (mais "il n'y a plus de saison !"), il pleut plus que ce que le sol peut retenir. Il y a donc toujours lixiviation : les précipitations hivernales représentent environ 500 mm. Le RU du sol (très variable, on en a parlé : d'un facteur 1 à 10) est d'environ 200 mm. Donc 300 mm percolent. Et heureusement : cela recharge les nappes dans lesquelles nous puisons notre eau !
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par sicetaitsimple » 05/01/18, 12:40

Did67 a écrit :
- du point de vue "indépendance énergétique de la France", transition énergétique, développement des EnR, ce serait indispensables ; hélas, nous avons un retard énorme en France (quelques centaines de méthaniseurs contre 10 000 en Allemagne) ; conséquence : ceux qui voient dans le développement des EnR et notamment de la méthanisation un "gisement" d'emploi et de développement industriel se trompent beaucoup : question technologie, les allemands sont rois, avec des solutions techniques irréprochables ; la place est prise ; reste l'emploi au niveau du fonctionnement, non négligeable...



Pour ceux que ça intéresse, je suis tombé sur une étude (très bourrative!) de l'Ademe qui évalue le potentiel "raisonnable" de production de biogaz en France. Le "raisonnable " tenant essentiellement au fait que pour chaque catégorie de matière organiques, ils appliquent à l'inventaire un coefficient représentatif de ce qui serait "collectable" compte-tenu d'usages existants, de contraintes économiques ou de pertes.

J'ai été un peu déçu, ils arrivent à 56TWh de biogaz ( pour mémoire la consommation francaise de gaz c'est entre 450 et 500TWh selon les années).

Précision importante (par rapport aux questions sur le modèle allemand): c'est sans prise en compte de cultures énergétiques (ni d'un développement exponentiel de la phénoculture! :lol: .).

http://www.ademe.fr/sites/default/files ... sation.pdf
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 06/01/18, 11:23

Oui. Les "biomasses fermentescibles" (cela exclue le bois) sans "autre valeur" ne sont pas si nombreuses : c'est d'abord notre nourriture et celle de nos animaux.

Par ailleurs, beaucoup de "déchets" sont extrêmement aqueux : je ne cesse de rappeler que les "déchets de cuisine" qu'on composte, c'est peu de chose (à l'échelle de la famille). Ce n'est que la concentration urbaine qui en fait des amas.

Dans les cultures énergétiques, il y a un petit gisement de CIPAN : cultures intermédiaires entre deux cultures principales. Cela ne prend pas la place de la culture nourricière, cela entretient la vie du sol, le protège et au final, les éléments minéraux retournent au champs. Seule différence : l'énergie solaire, qui aurait été perdue dans un champs resté nu, va dans le biométhane.
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par sicetaitsimple » 06/01/18, 12:17

J'ai été quand même un peu déçu, je n'avais jamais réfléchi au potentiel mais j'attendais plus.

Raison de plus pour en faire un usage intelligent (ce n'est pas toi que je veux convaincre!):

- soit par injection fil de l'eau après traitement dans le réseau de gaz (biométhane) quand c'est possible, le réseau jouant le rôle de stockage.
- soit, quand le biogaz est directement converti en énergie électrique, en favorisant par des tarifs d'achats adaptés son utilisation aux moments les plus judicieux de la journée.

Le meilleur usage des matières organiques "fatales" n'est décidément pas un sujet simple!
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 06/01/18, 12:40

Et il faudrait donner une priorité plus grande à la valorisation des chaleurs fatales dans le cas de la cogénération. Sans planification, on continuera d'installer un méthaniseur à gauche, une industrie consommatrice de chaleur à droite, et la piscine de la comm comm dans un troisième endroit, sans liens. Mais depuis l'Union Soviétique, qui veut encore entendre parler de "planification" ??? Et pourtant !

[Dans le cas du projet dont je parle, nous avons eu la chance d'avoir de l'autre coté de la clôture une industrie agroalimentaire grosse consommatrice d'eau chaude, avec, à la tête, un chef d'entreprise qui a joué le jeu - il y gagne : la chaleur lui est vendue nettement moins cher que le coût du gaz qu'il achetait pour la produire, tout en étant indexée ; pour nous, c'est un revenu annexe non négligeable, à investissement minime : un échangeur de chaleur et quelques conduites isolées. La contrepartie a été une enquête publique ardue, une réunion publique très houleuse, etc pour un méthaniseur situé entre une ZI et un lotissement, modification du PLU nécessaire, etc...].

Malheureusement, le filtrage du gaz avant injection, très couteux, favorise les grosses unités. Donc la "concentration". La cogénération est plus accessible.

Nous avons étudié la possibilité d'injection, ayant une conduite de gaz naturel qui passe le long du boulevard. Mais hors de prix pour une petite unité ! [Les techniques évoluent, cependant].
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par Did67 » 06/01/18, 12:41

sicetaitsimple a écrit :J'ai été quand même un peu déçu, je n'avais jamais réfléchi au potentiel mais j'attendais plus.


La biomasse-énergie par excellence reste le bois ! Peu de minéraux mobilisés, presque que du C,H et O, donc presque que de l'énergie solaire "en barres", fabriquée par une usine qui s'auto-construit : l'arbre... à partir de déchets : CO²
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Re: Le Potager du Paresseux : Jardiner plus que Bio sans fatigue




par sicetaitsimple » 06/01/18, 12:56

Did67 a écrit :
La biomasse-énergie par excellence reste le bois ! Peu de minéraux mobilisés, presque que du C,H et O, donc presque que de l'énergie solaire "en barres", fabriquée par une usine qui s'auto-construit : l'arbre... à partir de déchets : CO²


Oui pas de doute, je parlais bien d'une relative "déception" sur le potentiel du biogaz.
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