Chers ami(e)s, ennemi(e)s (au début de l'année l'oecuménisme règne),
collègues, et correspondant(e)s,
Dans les grands maîtres à penser injustement tombés dans l'oubli,
certain(e)s d'entre vous se souviennent peut-être des shadocks,
charmantes petites bestioles pompeuses à la voix criarde et à la
philosophie révolutionnaire (photo ci-dessous pour les nostalgiques).
Pour se garantir des jours heureux toute l'année durant, ils avaient
trouvé bien mieux que les voeux : la concentration de tous les ennuis le premier de l'an, pour en être débarassés une bonne fois pour toutes ensuite. C'est ainsi que, dès l'aube du 1er janvier, nombre de volontaires allaient, l'un derrière l'autre, s'encastrer en voiture dans un platane (à moins que ce n'ai été un sapin ?), jusqu'à ce que le nombre annuel d'accidents de voiture soit atteint, garantissant ensuite 364 jours de circulation routière sans égratignures (mieux que les radars, avouez).
Si on peut le faire avec les accidents de voiture, on peut le faire avec des excuses (proverbe chinois, datant de l'ère confuséenne je crois).
Plutôt que de vous envoyer des voeux alors vous êtes déjà victime de la surproduction de ce côté là (une de plus), j'ai décidé de vous
présenter, en ce début d'année, les excuses que je vous devais, vous dois ou vous devrai bien un jour, afin de garantir des relations
harmonieuses, débarassées de ces petites formalités, jusqu'au 31
décembre prochain (et plus si affinités). Car des excuses, j'en dois un paquet :
- à tous ceux (et pire, à toutes celles) à qui j'ai répondu avec des
semaines ou des mois de retard à leur mél super-hyper-top-méga-urgent qui ne pouvait pas attendre, quand j'ai répondu tout court...
- à tous ceux pour qui je m'apprête à faire de même en 2007, à mon corps défendant évidemment ; je ne suis pas un gougnafier complet quand même,
- aux 3600 inscrits sur ma liste de diffusion à qui, cette année encore, je m'apprête à sabrer le moral à intervalles (heureusement de moins en moins) réguliers, alors que je n'ai pas juré de remplacer Roger Gicquel depuis tout petit déjà,
- aux 7.741 personnes âgées de 4 ans et plus qui ont déprimé lors de l'une de mes conférences en 2006, aux 1.926 pour qui c'est déjà prévu en 2007, et aux 2.641.000 lecteurs moyens du Nouvel Observateur à qui j'ai annoncé que Capri en voiture, c'est fini, non mais sans blague,
- à tous ceux qui, gonflés d'espoir et frémissants d'impatience,
attendaient la grôôôsse catastrophe pour 2006, et qui s'apprêtent à lancer une class action (pardon, une action collective !) contre moi, tous unis derrière Allègre, pour publicité mensongère,
- à tous ceux qui ne supportent pas ma voix à la radio ; j'ai bien songé à un lifting des cordes vocales mais j'attends que la sécu me le rembourse,
- à tous ceux qui attendent une page sur ceci ou cela (la fusion,
l'énergie des mers, pourquoi le pape est quasi-muet sur l'environnement, un commentaire sur le film de Gore, si l'écologie est de gauche ou de droite, et surtout si le gavage bio change le goût du foie gras) et qui n'en ont toujours pas vu le quart de la moitié,
- à tous ceux qui attendent une actualisation d'une des pages existantes de mon site, parce qu'elles le valent bien (ces excuses-là vous sont offertes par l'Oreal), même si
http://www.manicore.com/actualites.html vous montrera que j'ai fait quelques timides tentatives,
- à tous ceux qui voulaient une recette de réveillon climatiquement
correct que je ne vous livre que maintenant (mais ca peut resservir
l'année prochaine, ou pour votre anniversaire) : des huitres
(l'ostréiculture séquestre environ 250 g de CO2 par kg de coquillages, même en tenant compte du transport ; allez-y franco) et du champagne (1 bouteille = la même pollution climatique que 10 km en voiture ; boire ou conduire c'est tout choisi), et en plus mon menu miracle ne fait même pas grossir,
- et pour finir, à tous ceux qui considèrent que les voeux ca s'envoie
le 1er janvier avant minuit, le cachet de la poste faisant foi, et pas
après !
Après cet Everest de contrition, revenons à la philosophie shadokienne qui va rythmer les premiers mois de l'année, puisque je suis sûr que vous allez la reconnaître sous une forme plus ou moins déguisée dans diverses déclarations de campagne, et notamment - mais pas seulement - quand il sera question de changement climatique. Jugez plutôt, puisque voici les préceptes auxquels tout disciple de Rouxel et Piéplu devaient
se conformer :
- Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (nombreuses déclinaisons possibles, et du reste elles ne manqueront pas),
- S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème (quand on creuse un peu, n'est-ce pas comme cela qu'un certain nombre d'élus et d'électeurs prennent les problèmes énergético-climatiques ?)
- Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller.... et le plus vite
possible (la lecture des programmes présidentiels vous montrera que la vision claire de "là où nous devons être dans 50 ans" est une rarissime exception et pas du tout la règle),
- Pour qu'il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours
taper sur les mêmes (en application de ce principe shadokien, quasi 100% des mesures restrictives sur les émissions se concentrent sur les industriels - 33% des émissions nationale production électrique incluse. Tant qu'à perdre une voix, autant la perdre sur un acteur qui émet beaucoup - un industriel - que sur un acteur qui émet peu
- un ménage, en vertu de quoi ce sont souvent "les mêmes" qui sont concernés),
- Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que
mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes (mais on peut aussi tenter de faire les deux, d'aucun(e)s ne s'en privent pas).
Et là-dessus, tout du bon pour 2007 quand même, et bon début (et bonne fin, tant que nous y sommes) d'année nouvelle, en espérant qu'elle vous sera douce quand même, et je ne parle pas que des températures, bien sûr !
Très cordialement à tou(te)s,
Jean-Marc Jancovici