Vu de Chine. Droits de douane : Pékin prêt à “combattre les États-Unis jusqu’au bout”
Frappée par plus de 50 % de taxes douanières pour ses produits exportés vers les États-Unis, la Chine est désormais menacée du double par Donald Trump. Mais Pékin réagit promptement en révélant, carte après carte, ses atouts dans le jeu qui l’oppose au président américain.
“Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête”, annonçait l’éditorial du Renmin Ribao, ou “Quotidien du peuple”, en date du 7 avril. L’organe officiel du Parti communiste chinois a réagi en ces termes à l’augmentation des droits de douane états-uniens à 54 % imposée à la Chine. Le même jour, de l’autre côté du Pacifique, Donald Trump a menacé de monter ces taxes de 50 points, portant le total à 104 %.
“Si les États-Unis insistent dans cette voie, la Chine les combattra jusqu’au bout”, a réagi dans la foulée le ministère du Commerce, cité dans un autre article du Renmin Ribao. Le journal reconnaît que ces “abus” douaniers “auront un effet négatif sur les exportations chinoises à court terme et augmenteront la pression à la baisse sur l’économie [du pays]”. Et de fait, les Bourses chinoises ont dévissé à la suite du fameux “jour de la libération” décrété par Donald Trump, mercredi 2 avril.
Pékin demande aux multinationales de “faire entendre la voix de la raison”
Dimanche 6 avril, le vice-ministre du commerce chinois Ling Ji s’est entretenu avec les responsables de plusieurs entreprises américaines, dont Tesla et GE Healthcare, rapporte le South China Morning Post. Selon le quotidien hongkongais, Pékin a imploré les multinationales de “faire entendre la voix de la raison” dans le contexte de la guerre commerciale déclenchée par le président américain Donald Trump.
Lundi 7 avril, ce dernier a qualifié la Chine, dans un message posté sur son réseau Truth Social, de “plus grand profiteur de tous”, lui reprochant de ne pas “pas avoir pris en compte [son] avertissement aux pays profiteurs de ne pas répliquer” à son offensive commerciale. Courrier International
Mais la Chine “est une économie extrêmement vaste” et “dispose d’une forte capacité à résister à la pression”, se rassure le quotidien, qui rappelle que les exportations chinoises vers les États-Unis, en pourcentage des exportations totales, sont passées de 19 % en 2018 à 14,7 % en 2024. Et que Pékin reste “le principal partenaire commercial de plus de 150 autres pays et régions du monde”.
“Je te tiens, tu me tiens”Pour compenser la réduction des exportations vers les États-Unis, la Chine compte “donner la priorité à l’expansion de la demande intérieure comme stratégie à long terme”. À cet effet, Pékin se targue du reste d’une “marge de manœuvre suffisante” pour déployer des politiques monétaires – réductions du ratio de réserves obligatoires et des taux directeurs de la Banque centrale. Et le Renmin Ribao d’asséner :
“Nous pouvons transformer cette crise en opportunités et avancer avec résolution.”De son côté, le quotidien nationaliste Huanqiu Shibao assure le service après-vente de la décision de Pékin de riposter aux droits de douane imposés par Trump en fixant un taux supplémentaire réciproque de 34 % sur les exportations états-uniennes vers la Chine, tout en refusant de se soumettre à la menace des 104 %.
“Des mesures prises par la Chine seulement pour sauvegarder sa souveraineté, sa sécurité et ses intérêts en matière de développement”, veut se dédouaner le journal, qui se lance dans un étonnant panégyrique des relations entre Pékin et Washington : en quarante-cinq ans, les échanges bilatéraux ont été multipliés par plus de 200, autour d’une “relation mutuellement bénéfique du type ‘je te tiens, tu me tiens’”.
Les terres rares, l’arme atomiqueAu reste, le Huanqiu Shibao reconnaît volontiers que les États-Unis sont confrontés à certains problèmes, comme le manque de compétitivité de l’industrie manufacturière. Mais il estime que Washington fuit unilatéralement ses responsabilités et les rejette sur les autres, avec une expression toute chinoise :
“Donner un traitement de cheval aux autres pour soigner ses propres malades.”Or non seulement ce type de restrictions radicales “ne résout pas les problèmes [de l’économie états-unienne], mais il affecte aussi largement le marché mondial et les relations économiques et commerciales internationales”.
Finalement, compte tenu de l’excédent commercial chinois, le surplus de droits de douane sur les produits américains vers la Chine aura moins d’effet que les taxes imposées par Trump. Mais, comme le rappelle le magazine financier Caixin, la Chine a aussi dégainé l’arme atomique dans sa relation commerciale avec Washington : elle a annoncé “des mesures de contrôle des exportations sur sept catégories de terres rares moyennes et lourdes”.
Ces métaux, dont 80 % des ressources raffinées se trouvent en Chine, “sont de plus en plus recherchés pour leur utilisation dans les domaines de haute technologie tels que les communications, l’aérospatiale et la défense nationale”. Et de fait, entre 2020 et 2023, 70 % des importations américaines de terres rares provenaient de Chine. En d’autres termes, Pékin dispose d’une carte sérieuse dans le deal que Donald Trump voudrait passer : sans terres rares, pas de radars.
Daniel Bastard