Guerre en Ukraine. “Il s’est coupé du monde” : témoignage d’un ancien officier de la garde rapprochée de Poutine
Gleb Karakoulov est un officier du Service fédéral de protection (FSO), chargé de la sécurité rapprochée de Vladimir Poutine, qui a fait défection en octobre 2022. Dans un long témoignage publié par le “Centre Dossier” de l’opposant en exil Mikhaïl Khodorkovski, il dénonce la guerre en Ukraine et la “paranoïa” du maître du Kremlin.
Gleb Karakoulov était, jusqu’au 14 octobre 2022, un officier du Service fédéral de protection (FSO), chargé de la protection rapprochée des hautes personnalités en Russie, et plus précisément de celle de la première d’entre elles – Vladimir Poutine. Militaire de formation, il était chargé des communications sécurisées lors des déplacements du chef de l’État russe et avait le rang de capitaine.
Il est, à ce jour, l’officier le plus haut gradé des services de sécurité russes à avoir fait défection et condamné vivement la guerre en l’Ukraine, souligne le Centre Dossier, site d’enquêtes fondé et financé par l’opposant en exil Mikhaïl Khodorkovski. Le Centre Dossier l’a longuement interviewé – plus de dix heures – en vérifiant et recoupant ses dires. Le site précise également qu’il a attendu que le capitaine Karakoulov et sa famille soient désormais “en sécurité” (dans un pays non nommé) pour publier ton témoignage, recueilli fin 2022.
Né en 1987, Gleb Karakoulov raconte tout d’abord en détail sa fuite, assez dramatique, du FSO : il profite de quelques heures de battement dans son emploi du temps lors de la visite officielle de Poutine au Kazakhstan, en octobre 2022, pour fausser compagnie à ses collègues. Direction Istanbul, où il est rejoint par son épouse et leur fille. Il affirme, à la différence des autres membres du FSO, ne pas soutenir l’invasion de l’Ukraine, qu’il juge “criminelle”. Pour les hommes du FSO, Poutine est un “dieu”, poursuit-il, alors que Karakoulov n’hésite pas à le traiter de “criminel de guerre”.
Pas de téléphone ni Internet
Même si Gleb Karakoulov ne faisait pas partie de l’unité la plus prestigieuse du FSO, le service de protection présidentielle – dont les membres avaient un accès direct au maître du Kremlin –, il n’en avait pas moins quelques observations personnelles sur ses habitudes et sa façon de travailler. Il parle d’un Vladimir Poutine qui s’est “coupé du monde extérieur” au début de l’épidémie de Covid-19. Il n’utilise pas Internet et Gleb ne l’a pas vu non plus avec un téléphone “normal” dans la main.
“Il vit dans une sorte de vide communicationnel”, poursuit l’ex-officier, ne s’informant que par les rapports quotidiens des services secrets. Méfiant, voire paranoïaque, il n’utilise que les moyens de communication ultrasécurisés du FSO pour échanger avec ses proches, ministres ou membres des services. Lorsqu’il est en voyage officiel, le FSO achemine une sorte de “box sécurisé”, son bureau de travail, qu’il a utilisé même lorsqu’il était sur le territoire de l’ambassade russe à Astana.
Quant à sa sécurité rapprochée, c’est une véritable petite armée que déploie le FSO à chacun de ses déplacements (le service compte quelque 50 000 hommes), n’hésitant pas à faire décoller son avion présidentiel vide alors que Vladimir Poutine se trouve, par exemple, toujours dans une de ses nombreuses résidences – que Karakoulov appelle des “bunkers” – ou à bord de son train blindé. Enfin, concernant les spéculations sur la santé de Vladimir Poutine, l’ancien officier le trouve “en pleine forme pour son âge”.
Gleb Karakoulov est désormais recherché en Russie et une procédure pénale a été engagée contre lui pour désertion en temps de guerre, poursuit le Centre Dossier, qui a pu consulter la base de données du ministère de l’Intérieur.
Courrier international
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