Le fil « Analyses sur le réchauffement climatique anthropique » a été lancé sur la base d'un PDF véhiculant des arguments notablement climatosceptiques, mais bon... on a le droit de douter et je doute moi aussi... surtout de la crédibilité des affirmations climatosceptiques. Alors je me lance, en commençant par décortiquer une « révélation » livrée par ce PDF!
Il s'agit de la théorie voulant que le rôle anthropique dans l’effet de serre ne soit que de 0,33% (page 50 du PDF), dont la « démonstration » commence à la page 48 du PDF.
En préambule, il est peut-être bon de souligner que l'effet de serre n'est pas le Grand Satan, puisque sans lui la température moyenne sur terre oscillerait autour de -18 degrés (http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/contenu/alternative/alter_etape1.html), mais que c'est sa variation qui est à redouter : plus d’effet de serre conduit à un réchauffement, moins d’effet de serre à un refroidissement. Ce n’est donc pas l’effet de serre qui inquiète aujourd’hui l’humanité, mais bien son intensification.
Ainsi, insister sur l'insignifiance du rôle anthropique dans l’effet de serre global est une manipulation, car cela n’a pas de sens dans le débat sur le réchauffement, c’est le rôle anthropique dans l’augmentation de l’effet de serre global qui est en cause, et il est, lui, très significatif!
Sans revenir sur les démonstrations du PDF, émaillées de tours de passe-passe pour arriver au chiffre de 0,33%, je vais simplement utiliser les deux figures publiées par Obamot à la page 3 du fil (désolé, je ne sais pas comment les reproduire ici, mais ce sont les deux premières figures sur la page 3, faciles à retrouver).
La première figure, issue du PDF (p. 50), sans précision sur la période de mesure ni l'année de publication, ce qui n'est pas très scientifique, indique que la nature rejette au moins 772 Gigatonnes par an (Gt/an) (+ 0 à 50 Gt/an de sources indéterminées) de CO2 dans l'atmosphère (97%, la figure oubliant le +0 à 50 indéterminés, je l'oublie moi aussi), et l'humain seulement 29 Gt/an (3%). Comme c'est la NASA qui le dit, l’argument est incontestable. Splendide, bravo, et si l’on réduit par de « savants calculs » ces 3% à 0,33%, l'affaire est close, nous sommes saufs, ce n'est pas notre faute!
La deuxième figure, juste en dessous, The Global Carbon Cycle, provient de skepticalscience.com (le lien en-dessous mène à travers skepticalscience.com au rapport du GIEC de 2007, les chiffres sont fondés sur la moyenne des années 1990, et l'unité est Gt/an), et apporterait un éclairage supplémentaire pour appuyer l'évidence apportée par la première, sauf que... l'article de skepticalscience qui accompagne la figure (https://www.skepticalscience.com/human-co2-smaller-than-natural-emissions.htm) dit tout le contraire et dénonce justement le mythe climatosceptique qualifiant la part anthropique dans l'effet de serre d'insignifiante! Cette figure indique pourtant bien que la nature émet, quasi comme dans la figure précédente, 439+332= 771 Gt/an, mais elle indique aussi qu'elle en absorbe dans le même temps 450+338 Gt/an= 788 Gt/an. Le bilan des émissions de la nature serait donc négatif (771-788 Gt/an= -17 Gt/an); elle aurait absorbé 17 Gt/an de CO2 pendant les années 1990, et donc rien ajouté à la concentration atmosphérique de CO2, mais plutôt retiré!
Reste un petit problème, cette figure indique encore que l'humain rejette 29 Gt/an de CO2 mais n'en absorbe pas... Et si la nature nous faisait au moment de ces mesures le cadeau d'en absorber une bonne part, il reste que 29-17 Gt/an= 12 Gt/an, c'est un excédent d'origine purement anthropique. Si l’on convertit ces 12 Gt/an de CO2 en ppm (environ 7,8 Gt de CO2 pour 1 ppm), cela fait 1,53 ppm/an, ce qui représente plus de 100% de l'augmentation annuelle moyenne du CO2 dans ces années-là! (Selon les chiffres de la NASA elle-même (http://data.giss.nasa.gov/modelforce/ghgases/Fig1A.ext.txt) [CO2 de 1999=368 ppm] - [CO2 de 1990=354 ppm]= 14 ppm, divisé par 10 pour la moyenne annuelle de l’augmentation = 1,4 ppm/an.)
Si elle est simpliste et si on renonce à chipoter sur l’exactitude des chiffres utilisés (dans les figures, ce sont des estimations), cette démonstration est assez parlante, non?
Surfeurseb avait déjà relevé cette faille:
par Surfeurseb » 05/10/16, 16:41
Je me permets d'intervenir sur un point, car j'ai l'impression qu'il n'est pas clair (il ne l'était pas pour moi à première lecture)
L'homme émet seulement 3% du total du CO2 émis, donc 97% est émis par la nature elle-même. Ok
Mais seulement, normalement, la nature est aussi capable de refixer une grande partie du CO2 qu'elle émet, dans un équilibre "naturel".
En fait, les 3% émis par l'homme participent au déséquilibre en cours, et donc ont une grande influence sur l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère.
Ce qu'on voit bien dans le dessin sur le cycle du carbone: en regard des quantités de CO2 naturelles, celles produites par l'homme peuvent paraitre minimes, mais finalement elles font pencher la balance fortement dans le sens de l'augmentation du CO2 atmosphérique.
Et possiblement, l'équilibre ainsi modifié (voir rompu) peut entrainer une réaction du système, qui ira encore en amplifiant le phénomène.
Mais cela n'avait pas intéressé grand monde, et Obamot s'était contenté d'y répondre en répétant la "démonstration" du PDF...
Par l'autre bout de la lorgnette: le CO2 atmosphérique est passé d'un taux relativement stable de 280 ppm (0,028% de l'atmosphère) avant la révolution industrielle à plus de 400 ppm (0,040%) aujourd'hui. Des 0,0%, ça a l'air assez insignifiant, mais pas besoin d'être un scientifique de haut niveau pour faire le calcul soi-même: (400 ppm/280 ppm) x 100% = 143%... Les activités de l'homme seraient ainsi responsables d'une augmentation de 43% du CO2 atmosphérique en environ 150 ans, ça, ce n’est pas insignifiant, et 97-98% des scientifiques du climat s'accordent pour dire que c'est du jamais vu en si peu de temps, et qu'il vaudrait mieux s'en alarmer. (Anderegg, Prall, Harold, et Schneider [2010], https://fr.wikipedia.org/wiki/Positionn ... climatique).
Alors, ce réchauffement, il est largement anthropique ou non?