En clair tu considères que le chômage causé par les délocalisations est de la responsabilité des investisseurs qui préfèrent aller voir ailleurs. Je ne peux pas te suivre dans cette voie. Pour moi elle est des employés et de leurs représentants qui ont ont rendu eux-mêmes les conditions d'investissement inintéressantes.
J'ai eu entre les mains une petite monographie traitant des premiers temps de la colonisation de la Martinique, vu par un "béké" (blanc appartenant à la classe dominante): il rapporte que les indigènes, les caraïbes, étaient un peuple indépendant et fier; refusant de travailler pour les européens, ils préféraient la mort à la soumission.
Notre auteur de conclure en toute innocence: "Les caraïbes
nous ont obligés à faire venir des esclaves d'Afrique" (c'est moi qui souligne). Sans commentaires.
Plus loin, sur la question de la responsabilité, il est certain que si l'on se place d'un point de vue légal ou bien de celui des règles économiques, les conséquences sont indifférentes. Ce n'est évidemment pas mon avis: nous sommes
de facto prisonniers de ce système, inutile de l'intérioriser en plus.
La politique économique moderne ne cherche qu'à optimiser les résultats macro-économiques au détriment des vies individuelles.
La foi est aveugle, dit-on, celle en le "progrès" nous conduit à minimiser ses conséquences, aveuglés que nous sommes par l'éclat de promesses futures.
Il n'y a pas que les vies individuelles de concernées: la destruction qui est à l'œuvre dans tout process industriel est proportionnel à la "création de richesses".
En fait, je soupçonne que c'est justement la perte de vue des éléments micro-économiques qui nous mène au désastre.
Oui et non:
Oui, car le micro-E. conserve malgré tout un côté humain inexpurgeable, (ce qui fait apparaitre un paradoxe: c'est grâce à l'imperfection à ce niveau du système E. qu'un fonctionnement est possible!).
Non, car cette incomplétude qui n'a pas totalement exclu l'humain est soumise aux mêmes lois que la macro-E., dit autrement, il subsiste des restes de fonctionnement pré-capitalistes enchâssés dans une logique mécaniste qui est opposée à l'humain.
...la perte de spiritualité au sens large est, pour moi aussi, la cause première du malaise sociétal actuel.
Les diverses sociétés ont fonctionné suivant leur représentation idéelle du monde, autrement dit selon une certaine spiritualité; la nôtre s'est détachée des spiritualités antérieures pour s'en forger une nouvelle, irréductible aux précédentes: la religion du progrès et de son corrélat, la marchandise.
Processus sans fin et sans contrôle, soumis à sa seule logique interne, indifférent aux hommes et à tous les êtres vivants, nouveau
Moloch voué à la destruction de ses adorateurs.
Une promotion des valeurs de l'esprit, en particulier les connaissances, arts, les morales et philosophies me semble bien plus nécessaire, tant la vie humaine se restreint de plus en plus à l'assouvissement de désirs matériels.
Cette promotion ne serait qu'un divertissement (au sens pascalien) destiné à nous aider à supporter une mécanique impitoyable, une façon de refuser de voir la réalité et donc de nous empêcher de faire acte de résistance.
Peut-être que la raréfaction des matières premières et la baisse forcée du niveau de consommation que cela entrainera sera salutaire, si pas trop tardive.
Tu prend acte de la démission des hommes devant la puissance de ce qu'
Ellul appelait "le système technicien".
Tu sous-estimes la faculté d'adaptation du capitalisme: un temps lié à la démocratie représentative (démocratie+croissance), il est en train de tenir compte de la raréfaction des ressources et de mettre en place d'autres mécanismes plus directement oppressifs, permettant de restreindre l'accès aux biens à une oligarchie.
Le système de la "dette" qui a si bien fonctionné dans les pays pauvres se retourne maintenant contre les populations occidentales.