Prenez le temps de lire si la Chine vous intéresse:
"On ne s’en sortira donc jamais !"
Le cri de désespoir de ce titre ne concerne pas la situation de la Chine mais la piètre compréhension (inconsciente ou maligne) des observateurs étrangers face à la Chine en développement.
Une amie de France m’écrivait récemment son inquiétude face à l’avenir de la Chine, son « écœurement » même devant les « dégâts causés par le libéral-communisme en Chine et ailleurs ». Trop de publications sur la Chine ne cherchent que les bêtes noires, les problèmes, les lacunes. Oui, la Chine est remplie de problèmes, mais puisque le progrès est continu, rapide et tangible, il y a lieu d’être optimiste. Puisque de nouveaux pas sont effectués chaque jour, la Chine est plus à admirer qu’à plaindre.
__________________________________
Voici ma réponse.
Par mon travail, je suis au cœur de l’actualité et par ma vie, je vois de l’intérieur ce qui se passe au sein de ce pays « monstrueux » par sa population géante.
Pensez-y : chaque petit problème en Chine est multiplié par 1,3 milliard d’individus ! La population rurale forme encore 58 % de l’ensemble du pays. Le mouvement de réforme et d’ouverture ne date que d’un quart de siècle. Toutefois,
la Chine, en cinquante ans seulement, a sorti de la pauvreté la presque totalité de sa population. Il ne reste plus que 25 millions de pauvres. Quel pays occidental en aurait fait autant ? Quel régime démocratique, libéral, socialiste ou autre aurait fait mieux ?
Vous parlez de dégâts, il s’agit de succès ! Mais de succès dont les aspects négatifs sont cherchés à la loupe par la propagande anti-chinoise et magnifiés pour faire peur au monde !
« On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. » Le monde occidental voudrait que la Chine saute de plain-pied dans « sa » façon de voir, qu’elle adopte « sa » forme de démocratie, mais dès que la Chine réussit un progrès, il se met à craindre le « péril jaune » et la maltraite, l’accusant de tous les maux.
Le monde craint qu’une Chine puissante développe une envie d’hégémonie. Mais quand la Chine réduit son armée, on crie à la mise à pied des soldats.
On craint d’être obligé de nourrir une Chine surpeuplée, mais on l’accuse d’enfreindre les droits humains par sa politique d’un enfant par couple.
La Chine impose des normes à l’industrie du bâtiment de façon à diminuer l’usage du charbon et d’améliorer l’environnement naturel. Mais l’Occident l’accuse de faire grimper les prix du pétrole par sa consommation croissante. Si elle manque d’électricité et met à profit les ressources des Trois Gorges, on l’accuse de le faire aux dépens de la population et des trésors culturels (alors que l’un et l’autre ont été fort bien protégés).
La Chine compte 60 millions d’infirmes selon un rapport récent. Ils reçoivent une allocation de bienfaisance, tout comme les orphelins placés dans des foyers ou les vieillards sans famille, mais insuffisante. Tout le système de sécurité sociale est à réformer et il est actuellement en voie de réforme. Qu’on laisse le temps au pays qui regroupe le cinquième de la population du globe d’accumuler les sommes nécessaires et de les répartir équitablement !
Autrefois, l’État-providence voyait à tous les besoins. Dans la vague de la réforme, tout est décentralisé. Les entreprises d’État non rentables ont été fermées, fusionnées ou vendues aux employés. Les mises à pied ont été très nombreuses depuis une décennie. Cette année, parmi les 25 millions de nouveaux travailleurs qui se disputeront le marché de l’emploi, on compte plus 3 millions de ruraux convertis en ouvriers urbains et 13 millions de chômeurs ou de nouvellement mis à pied. Mais la Chine ne pourra créer que 11 millions de nouveaux emplois en 2006. L’emploi est un autre des grands problèmes et le gouvernement s’en occupe. Ces travailleurs licenciés sont encouragés et aidés à fonder leurs propres entreprises, ou recyclés ailleurs. D’autres sont invités à suivre une formation en vue d’un nouvel emploi. Des ONG subventionnent spécialement les femmes qui se lancent en affaires. Les autres, ceux qui ne peuvent se réinsérer dans le marché de l’emploi, sont mis au chômage - pas à la rue - et reçoivent une allocation (minimum vital). De même, les habitants de taudis que l’on démolit pour le bien du peuple sont-ils relogés convenablement. Quant aux typiques maisons basses appelées siheyuan dans la capitale, il en reste encore quelques milliers, rénovées et protégées, bien assez pour montrer aux touristes l’image de la ville ancienne.
Autrefois, l’État-providence pourvoyait à tout : logement, nourriture, éducation, divertissement, soins médicaux, retraite, sépulture. Les unités de travail aujourd’hui comptent parfois plus de retraités que de travailleurs actifs, une lourde charge. Il faut trouver les moyens de leur verser la pension due et d’assurer les soins médicaux de tous. Ici, les compagnies d’assurance (une nouveauté en Chine) entrent en jeu. L’employé comme l’employeur versent leur quote-part. La Chine est un pays vieillissant. L’enfant unique - un « mal nécessaire », en est à la fois une cause et une victime.
Autrefois, l’État-providence subventionnait totalement l’éducation, mais combien difficile d’entrer à l’université ! Aujourd’hui, plus de jeunes, des millions de plus, le peuvent, mais il faut payer soi-même. Tous les étudiants actuels ne sont pas des enfants de riches. Encore aujourd’hui il y a des étudiants pris en charge par le gouvernement en vertu de leurs résultats extraordinaires ou par des entreprises qui les emploieront à la fin de leurs études. De plus, le système de prêts et bourses a été mis en place. En juillet cette année, les universités du pays déverseront encore 4,1 millions de nouveaux diplômés d’université dans la société. Malgré tout, le nombre d’universités est encore insuffisant pour un pays de 1,3 milliard d’habitants.
La scolarité obligatoire de neuf ans est à peu près généralisée dans tout le pays. Mais cela ne veut pas dire que l’enseignement et les conditions matérielles d’étude sont de qualité. Le secteur de l’éducation consomme de l’argent mais n’en produit pas. On se retrouve face à un cercle vicieux : les sommes investies ne suffisent pas à attirer de jeunes enseignants qualifiés, et les personnes qui font le travail avec bonne volonté mais sans formation adéquate ne peuvent être payées comme le serait un enseignant diplômé.
Le gouvernement central a pris en charge les frais d’études pour les neuf ans de scolarisation obligatoire dans les campagnes, mais les gouvernements locaux des régions pauvres manquent d’argent pour assurer l’application du programme.
Par ailleurs, les fermiers en surnombre qui partent pour les villes comme « travailleurs migrants » ont souvent des enfants (et plus d’un !) qui jusqu’à l’an dernier ne pouvaient fréquenter les écoles urbaines établies faute de place et d’argent. Les frais ont été abolis, et les enfants de migrants peuvent enfin jouir d’un enseignement de qualité.
Pourtant, on a de la difficulté à s’imaginer (à l’étranger) les chiffres que représente la population chinoise. La seule province du Shaanxi compte 25 000 enseignants sous-qualifiés qui enseignent à 500 000 enfants pour 130 yuans (16 USD) par mois. Et dans le seul district de Longxiang, si le gouvernement local verse 100 yuans de plus aux 260 enseignants de ses 44 écoles rurales, il lui en coûtera 39 000 USD par an - une somme impossible à pourvoir.
Autrefois, l’État-providence voulait qu’un travailleur appartînt à son unité de travail et jouisse du logement gratuit. Aujourd’hui, ces logements ont été vendus aux employés pour une somme fort inférieure au marché du logement. La construction ne s’arrête plus et les logements marchands - et la voiture - sont achetés par la population des villes, tandis que dans les campagnes des provinces de la côte orientale, les premières à s’enrichir, les fermiers avaient commencé bien avant les citadins à construire leurs propres maisons. Seulement, ils utilisaient la terre agricole à cet effet et il a fallu que le gouvernement intervienne pour réglementer l’utilisation du terrain, et par ailleurs pour imposer des normes de sécurité à la construction.
Par contre, les fermiers n’appartiennent pas à une « unité de travail » et ne sont pas couverts par le système de sécurité sociale. Il ne faut pas croire que le gouvernement n’en est pas conscient, mais Rome ne s’est pas érigée en un jour !
La population rurale ressent donc très amèrement les « si da nan » (quatre grandes difficultés) soit : le logement, l’instruction des enfants, les soins médicaux, les vieux jours.
Les salaires sont bas ? D’une part, le coût de la vie en Chine l’est aussi ; d’autre part, ils augmentent d’année en année. Ne mettons pas la charrue devant les bœufs.
La Chine est actuellement la « manufacture du monde » ; ce n’est pas par charité que les investisseurs et les industriels étrangers viennent s’implanter ici et faire fabriquer par les « esclaves » chinois (comme on les appelle en Occident pour se déculpabiliser, peut-être ?) leurs produits - qu’ils revendront avec on sait combien de profit sur le marché européen ou nord-américain.
____________
Auteur : Lisa Carducci
Source :
http://www.bjinformation.com/fw-2005/20 ... -comm1.htm
Nous récoltons ce que nous semons...