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DECOUVERTE TARDIVE D’UN PROBLEME DE CONCEPTION SUR L’EPR
Le 3 novembre 2009
La CRIIRAD demande la constitution d’une commission d’enquête sur les conditions d’autorisation de l’EPR de Flamanville.
Lundi 2 novembre 2009, les autorités de sûreté nucléaire britannique [1], finlandaise [2] et française (ASN) ont publié une déclaration commune pointant un grave défaut de conception dans l’EPR, l’European Pressurized water Reactor.
Ce défaut concerne en effet le système de contrôle-commande, un ensemble d’équipements matériels et informatiques qui permet de réguler le fonctionnement du réacteur. Il s’avère que le système de contrôle en fonctionnement normal est interconnecté, et de façon très complexe, au système qui doit prendre le relais en cas de défaillance. Dès lors, une panne du système d’exploitation en fonctionnement normal pourrait se répercuter sur le système de secours et l’empêcher de jouer son rôle.
L’indépendance d’un système de secours vis-à-vis du système dont il doit pallier le dysfonctionnement est une condition basique de la sûreté. Il s’agit d’un défaut de conception presque grossier et d’autant plus incompréhensible qu’il concerne le système de contrôle commande, un élément majeur de la sûreté qu’un responsable de l’ASN qualifie d’épine dorsale de l’installation.
QUESTION : Comment se fait-il que cette découverte intervienne de façon aussi tardive ?
Sur le site d'Olkiluoto, en Finlande, le chantier de construction a commencé en 2005 ; à Flamanville, dans la Manche, les travaux ont débuté en 2006 (avant même la publication en 2007 du décret d’autorisation). Lorsqu’un réacteur nucléaire est en cours de construction c’est que les études de sûreté ont été réalisées et que la conception de l’installation a été jugée suffisamment sûre pour obtenir l’autorisation de création. Dès lors, comment se fait-il qu’un défaut majeur sur un équipement majeur – « l’épine dorsale de l’installation » selon l’ASN – ait pu passer au travers ?
De fait, les organismes français [3] en charge des expertises et contrôles relatifs à la sûreté de l’EPR ont tous donné leur feu vert à un projet présenté comme une avancée importante en matière de réduction des risques d’accident ! C’est notamment le cas de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui est intervenue tout au long du processus d’élaboration et d’autorisation de l’EPR.
Rappelons que des « objectifs de sûreté renforcés » avaient été fixés dès 1993 par l’ASN et son homologue allemand ;
Rappelons qu’en 2004, sur la base de l’examen réalisé par l’ASN avec l’appui du groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires, les pouvoirs publics ont indiqué qu’ils considéraient que les options de sûreté retenues satisfaisaient à l’objectif d’amélioration de la sûreté.
Rappelons que le 8 décembre 2006, après avoir analysé les dispositions prises pour prévenir les risques d’accidents, la commission interministérielle des installations nucléaires a donné un avis favorable au projet de construction de l’EPR de Flamanville.
Rappelons que le 16 février 2007, l’ASN a remis à son tour un avis favorable sur le projet et ce, sur la base d’un examen technique conduit de 2002 à 2006 en parallèle à l’élaboration du rapport de sûreté par AREVA et EDF.
Rappelons que l’avis de l’ASN ne mentionne aucune réserve et souligne au contraire que l’EPR de Flamanville « a bénéficié d’un examen beaucoup plus large et plus approfondi que précédemment réalisé sur les réacteurs électronucléaires ».
RAPPEL CHRONOLOGIQUES
L’instruction du dossier EPR par les organismes de contrôles a donc duré des années et l’autorisation de création a été délivrée par décret en date 10 avril 2007 [4] sur la base du résultat favorable de ces différentes expertises. Dès lors, comment se fait-il que le problème soit mis en évidence aussi tard, et peut-être même à l’initiative de l’autorité de sûreté nucléaire britannique.
La CRIIRAD demande qu’une commission d’enquête soit mise en place afin de déterminer pourquoi aucune des études effectuées par les experts français n’a permis d’identifier un défaut de conception grossier affectant qui plus est un élément essentiel de l’installation.
Il faut réexaminer les études de sûreté du système de contrôle-commande qui figurait dans les dossiers validés par les organismes de contrôle. Déterminer pourquoi le dysfonctionnement n’a pas été repéré. S’agit-il d’un problème de compétence, de méthodologie, de procédure ? Compte tenu des enjeux économiques, des pressions ont-elles été exercées sur l’ASN afin d’obtenir un avis favorable en renvoyant à plus tard la résolution des problèmes ?
Le réacteur comporte-t-il d’autres défauts de conception mettant en cause sa sûreté ? Faut-il confier à des experts extérieurs un réexamen exhaustif des éléments de sûreté afin de vérifier si d’autres défauts de conception n’ont pas été négligés ?
Par ailleurs, la déclaration commune des autorités de sûreté nucléaire britannique, finlandaise et française suggère qu’elles ont découvert le problème simultanément et chacune de leur côté. Cela paraît peu probable et demande en tout cas à être vérifié, sur la base d’une chronologie fine des expertises et des échanges entre les différents organismes. Lorsque la déclaration indique que « l’Autorité de sûreté nucléaire britannique (HSE/ND), l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) et l’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) examinent actuellement la sûreté du réacteur EPR », il est utile de se rappeler que l’ASN est censée avoir effectué ce travail préalablement à l’autorisation de création délivrée en 2007 par les autorités françaises, alors que l’autorité de sûreté britannique en est à la phase d’étude préalable de la demande présentée par EDF et AREVA pour être autorisée à construire 4 EPR au Royaume-Uni.
La responsabilité particulière d’AREVA.
Les questions relatives à l’efficacité des contrôles ne dispensent pas le concepteur de l’EPR, AREVA, de répondre de ses responsabilités propres. Dans sa « mise au point sur la communication des autorités de sûreté », le groupe AREVA affirme : « La sûreté du réacteur EPR n’est pas mise en cause et AREVA travaille actuellement avec les autorités de chaque pays afin d’apporter des adaptations qui répondent aux exigences locales ». C’est un flagrant délit de mauvaise foi : le défaut de conception du système de sûreté du réacteur ne relève pas d’ajustements à des demandes locales. Il s’agit d’un élément clef pour la sûreté de l’installation. Pour preuve, d’ailleurs, le fait que les autorités de sûreté nucléaire de trois Etats aient jugé nécessaire de faire sur le sujet une déclaration publique commune. La commission d’enquête doit également s’assurer qu’AREVA prenne le problème plus au sérieux que ne l’indiquent ses déclarations publiques. Ainsi que le rappelle AREVA dans son communiqué, l’EPR est actuellement le réacteur le plus puissant au monde (ou du moins le sera dès lors qu’il sera mis en service). Des défauts de conception dans des éléments essentiels pour la sûreté ne sont pas acceptables.
[1] Au Royaume-Uni, l’autorité de sûreté nucléaire est le ND-HSE (Nuclear Directorate of the Health and Safety Executive).
[2] En Finlande, l’autorité de sûreté nucléaire est le STUK (Finnish Radiation and Nuclear Safety Authority).
[3] Outre l’ASN, citons, le groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires, l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et la commission interministérielle des installations nucléaires.
[4] Décret no 2007-534 du 10 avril 2007 autorisant la création de l’installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Manche)
[1] Nuclear Directorate (ND) of the Health and Safety Executive (HSE)
Documents cités en référence :
Déclaration commune des Autorités de Sureté Nucléaire (fichier pdf)
Communiqué Areva du 2 nov 2009 (fichier pdf)
Décret N° 2007-534 autorisant la création de l'EPR de Flamanville (fichier pdf)
Avis de l'ASN Avis n° 2007-AV- 0016 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 16 février 2007(fichier pdf)
Quelques repères chronologiques
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