être chafoin a écrit :Puisque la discussion semble être lancée, je voudrais préciser quelque-chose dans ces échanges sur la dangerosité du nucléaire. Il semble qu'il y ait 2 types d'impacts à différencier : les effets des doses excessives, et les effets des faibles doses. Ces derniers sont plus complexes à apprécier pour diverses raisons et notamment à cause de l'influence à long terme.
Mais si l'on en reste à l'aspect létal plus ou moins immédiat, les institutions qui semblent être les uniques sources scientifiques fiables de certains défenseurs du nucléaire (je ne suis pas du tout de cet avis mais pour l'instant contentons nous de cela), à savoir l'AIEA, l'OMS, l'ONU et l'UNSCEAR ont écrit dans leur communiqué de presse du 5 septembre 2005 que le nombre de morts causés par l'exposition aux retombées radioactives de la catastrophe de Tchernobyl atteindrait le chiffre total de 4000. Ce total est constitué de :
50 travailleurs qui sont morts de syndrome d'irradiation aiguë en 1986 ou d'autres causes dans les années suivantes;
de 9 enfants morts de cancers de la thyroïde;
et d'une estimation de 3.940 personnes qui pourraient mourir de cancers contractés par suite de l'exposition aux radiations
.
pr_chernobyl_forum_050905.pdf
Donc si je me contente des sources légitimées comme les seules valables par certains, les experts scientifiques reconnaissent que l'atome a été responsables de morts et de cancers mortels de la thyroïde chez les enfants.
Ce qui signifie :
1) qu'il est possible de donner de manière scientifique comme origine à un cancer, l'exposition aux radiations, contrairement à ce que prétendent certains.
2) que des enfants sont morts à Tchernobyl, à cause de cancers contractés suite à l'exposition aux radiations, contrairement à ce que prétendent certains.
En ce qui concerne l'impact sur les animaux et les plantes, le communiqué parle d'un augmentation de la mortalité chez les conifères, la pédofaune et les mammifères dans une zone de 20 à 30km autour de la centrale.
Merci chafoin de revenir à une tonalité plus conviviale et à un discours rationnel. Nous en avons besoin…
En matière de radiotoxicité et d'effets sanitaires de la radioactivité, les connaissances ont énormément progressé ces dernières décennies, suite à l'expérience acquise lors des trois accidents majeurs de l'industrie nucléaire. Ce sont essentiellement l'OMS et l'UNSCEAR (organismes dépendant de l'ONU, mais n'étant pas l'ONU) qui ont capitalisé les résultats des nombreuses études menées dans le monde. A l'époque de Tchernobyl, les connaissances sur les effets de doses modérées mais prolongées n'étaient connues que par les études consécutives à Hiroshima et Nagasaki, dont les conditions d'exposition (flash bref très intense n'engageant que de faibles quantités de matériau radioactif -quelques kilos-) étaient très différentes de celles de Tchernobyl (radioactivité modérée mais prolongée, fortes quantités de matériau radioactif).
OMS et UNSCAER ont donc produit un rapport d'évaluation en 2005 (revu en 2016) qui a fait consensus dans la communauté scientifique, tout en étant contesté par les organisations anti-nucléaires. Ce rapport chiffrait le nombre de décès directement lié à la radioactivité dégagée par la catastrophe à 59 morts (incluant 15 décès dus au cancer de la thyroïde), chiffre révisé en 2017 (62) et estimait, à partir des connaissances de l'époque (donc incluant la règle "linéaire sans seuil") le nombre des décès à long terme de l'ordre de 4000 (ce n'était donc pas une mesure, mais une probabilité calculée à partir d'expositions radioactives mesurées et de lois hypothétiques). Les études épidémiologiques postérieures à 2005 n'ont pas confirmé ces prévisions de 4000, montrant même des effets paradoxaux d'incidence moindre de cancers (à l'exception d'une légère hausse des leucémies) chez les populations exposées, notamment les "liquidateurs"; l'étude à réintégré 3 cas de décès liés à la catastrophe ("décès attribuables « de façon fiable » au rayonnement produit par l'accident") et a pointé une pathologie "psycho-sociale" liée à l'évacuation. Paradoxalement, les personnes qui avaient refusé l'évacuation ou étaient revenues très rapidement semblaient en meilleure santé que les évacués.
Les mêmes organismes ont aussi publié une étude après Fukushima (plus rapide car des données fiables étaient disponibles, contrairement à Tchernobyl, simplifiant considérablement le travail d'enquête). Les conclusions sont facilement accessibles sur Wiki: « L’UNSCEAR a constaté que l’exposition de la population japonaise était faible, avec pour conséquence de faibles risques d’effets sanitaires dus aux rayonnements plus tard dans la vie. Cette constatation concorde avec les conclusions du rapport de l’OMS sur l’évaluation des risques sanitaires. L’UNSCEAR a eu à disposition une plus grande quantité de données après la période prise en compte par l’OMS, ce qui lui a permis de faire des estimations plus précises des doses et des risques associés ».
On pointera que:
- la plupart des décès avérés de Tchernobyl ne sont pas dus à un cancer (mais à des syndrômes d'irradiation aigue et lésions de la peau), à l'exception des cancers de la thyroïde, dus l'iode 131, dont l'étiologie est bien connue.
- il n'est pas possible, sauf exceptions, de déterminer l'origine exacte d'un cancer en dehors des études épidémiologiques, qui ne fournissent que des estimations collectives (précises cependant); à l'échelon individuel, on n'a qu'une probabilité de risque.
- les estimations diverses (dont celles des organisations anti-nuk), dans l'un et l'autre cas, ne relèvent pas d'études étayées, mais de calculs sommaires sur des chiffres de personnes exposées contestables, et à partir d'hypothèses abandonnées depuis longtemps.
D'une façon plus générale, les risques liés à la radioactivité sont aujourd'hui de plus en plus exactement connus; les risques liés à une exposition intense mais brève sont connus (hélas) depuis Hiroshima (c'était , hélas, une des motivations de ce bombardement) et sont disponibles sur internet; ce sont eux qui sont à l'origine de la règle "linéaire sans seuil".
Les risques liés à une exposition modérée mais de longue durée sont très différents et peuvent s'énoncer, en simplifiant beaucoup, de la façon suivante:
- on distingue la radioactivité engendrée par des sources extérieures au corps humain, et la radioactivité engendrée par des sources intérieures (éléments avalés ou inhalés); les conséquences sont importantes, certains éléments étant totalement inoffensifs à l'extérieur du corps, mais se révélant très radiotoxiques à l'intérieur (c'est le cas notamment du radon et de l'iode)
- la radioactivité "naturelle" ( rayonnement cosmique, sol, radio-diagnostique, interne,...) varie de 1mSv/an (à Paris par exemple) à 6ou 7 mSv/an dans certaines zones granitiques (Bretagne, Limousin, Corse…), voire 200 ou 250 mSv dans certaines régions du monde (Iran, Inde, Brésil…) sans qu'aucune augmentation de la mortalité, ou de cancers, ait pu être mesurée entre les diverses régions. Par contre, dans certaines conditions, la toxicité de certaines émanations de gaz radioactifs peut être redoutable; c'est la cas du radon (en milieu confiné) ou de l'iode 131...
- il parait que des doses de radioactivité inférieure à 100 mSv/an (donc près de 50 fois supérieures aux doses habituelles, et autorisées) n'ont aucun effet mesurables sur la santé humaine; certains disent 200 mSv/an. 100 mSv/an, c'est déjà beaucoup plus que les doses maximales reçues par les travailleurs de Fukushima…
- au dessus de 100, ou 200 mSv/an apparaissent les effets dits stochastiques des rayonnements, c'est à dire l'apparition de maladies ou d'atteintes aléatoires, mais bien réelles, mesurables statistiquement et variant avec la dose reçue; c'est essentiellement la zone des cancers radio-induits et des atteintes génétiques, s'établissant sur le plus ou moins long terme.
- enfin, au delà de 1 Sv, apparait la zone des effets déterministes où il y a induction certaine d'atteintes graves (cancers, mutations génétiques…) puis d'atteintes mortelles à brève ou très brève échéance (doses de 1 Gray ou plus).
De fait, à Fukushima, la dose maximale reçue par les travailleurs impliqués n'a pas dépassé 25 mSv, ce qui situe ces travailleurs dans une zone où nous sommes incapable de mesurer un effet délétère. Peut-être parce que nous en sommes encore incapables, certes. Mais l'honnêteté scientifique consiste à reconnaître qu'aucun effet n'est mesurable, et que l'on ne connait pas la cause des cancers apparaissant chez ces travailleurs; si une étude épidémio montrait qu'il y a plus de cancers chez ces travailleurs que dans la population générale, évidemment, il faudrait attribuer à la radioactivité la responsabilité de ces cancers; mais ça n'est pas le cas aujourd'hui…
Pour ce qui concerne la flore et la faune, je n'ai aucune étude scientifique à disposition; ceci dit, le phénomène de la "forêt rousse" est connu et il semble acquis que les feuillus résistent mieux aux radiations; ça reste quand même une analyse un peu légère.