par Did67 » 30/08/14, 14:57
Dans le journal Le Monde aujourd'hui :
La catastrophe de Fukushima plus coûteuse que prévu
Le Monde.fr | 30.08.2014 à 10h57 • Mis à jour le 30.08.2014 à 11h38 |
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Combien aura coûté la catastrophe nucléaire de Fukushima ? Deux fois plus que prévu, selon Kenichi Oshima, de l’université Ritsumeikan (Kyoto) et Masafumi Yokemoto, de l’université d’Osaka. Selon les calculs dévoilés le 27 août par ces spécialistes de l’économie et des politiques environnementales, la facture de ce drame commencé en mars 2011 et dont la résolution doit prendre officiellement quarante ans dépassera les 11 000 milliards de yens (81 milliards d’euros). L’estimation officielle du gouvernement faite en décembre 2011 est de 5 800 milliards de yens (42 milliards d’euros).
Le professeur Oshima – ancien membre du comité consultatif du gouvernement sur les énergies renouvelables et l’énergie – et son collègue ne remettent pas en cause les calculs officiels. Ils les reprennent en ajoutant des coûts indirects, estimés selon des données de différentes administrations et de la Compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco, responsable de la centrale endommagée).
DÉCONTAMINATION ET DÉDOMMAGEMENTS
Selon eux, les travaux nécessaires pour adapter les réacteurs aux nouvelles normes de sûreté, fixées en juillet 2013 en s’inspirant de la catastrophe de Fukushima, devraient coûter près de 2 200 milliards de yens (15 milliards d’euros). La décontamination des 2 400 km² – quasiment la taille du Luxembourg – de zones polluées aux substances radioactives reviendrait à 2 480 milliards de yens (18 milliards d’euros). Une somme complétée par 1 060 milliards de yens (7,7 milliards d’euros) pour le stockage temporaire des déchets générés par cette décontamination.
A cela pourraient s’ajouter 2 170 milliards de yens (15,8 milliards d’euros) pour démanteler la centrale sinistrée, ainsi que 4 910 milliards de yens (35,7 milliards d’euros) pour dédommager les victimes et les personnes ayant perdu leur emploi à cause de la catastrophe,.
Le professeur Oshima souligne par ailleurs que son estimation est un minimum car les coûts devraient encore augmenter. La hausse serait due au traitement des éléments radioactifs produits par le démantèlement des réacteurs endommagés et à l’évolution des dédommagements. Sur ce dernier point, aucune limite financière n’a été fixée.
Pour ces compensations, Tepco utilise l’argent d’un fonds spécial créé en septembre 2011, alimenté par le gouvernement et les autres compagnies d’électricité et qui restera en place après la résolution de la catastrophe de Fukushima. Ce fonds a vu son plafond de crédits disponibles relevé en décembre 2013 de 5 000 à 9 000 milliards de yens (36,4 à 65,6 milliards d’euros). Tepco doit rembourser l’argent utilisé, accordé sous forme de prêts sans intérêt.
RELANCE DU NUCLÉAIRE
L’entreprise n’a pas souhaité commenter l’étude du professeur Oshima. Le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie, qui s’occupe notamment de la promotion du nucléaire mais qui a officiellement perdu le contrôle de la sûreté après la catastrophe de Fukushima, n’y voit qu’une « étude parmi d’autres ».
La presse nippone est restée étonnamment silencieuse sur les annonces des deux chercheurs. Leurs travaux sont dévoilés alors que le gouvernement du premier ministre Shinzo Abe, soutenu par la principale fédération patronale, Keidanren, cherche à relancer les réacteurs nucléaires à l’arrêt. En avril, l’administration Abe a fait du nucléaire un « élément de base important de la production d’électricité ». En 2015, les autorités annonceront la part de l’atome dans la politique énergétique du Japon.
En juillet, l'Autorité de régulation du nucléaire (ARN) a validé les critères de sécurité appliqués par la Compagnie d'électricité du Kyushu aux deux réacteurs de sa centrale de Sendai, dans le département de Kagoshima (sud-ouest). Une première étape qui pourrait se traduire par une relance à l’automne, au plus tôt et à condition d’avoir obtenu l’accord des autorités locales.
Dans le même temps, la perspective d’une forte hausse des coûts de sortie de la catastrophe représente un nouveau fardeau potentiel pour les finances publiques nippones. La dette de l’archipel dépasse déjà les 200% du PIB. Mais, comme le rappelle le professeur Oshima, « les coûts de l’accident seront assumés par la population, par l’impôt ou en réglant les factures d’électricité ».
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