Nucléaire: "Il est encore temps de changer de modèle"
Par L'Express, publié le 23/03/2011 à 12:05
Proche de Nicolas Hulot, Dominique Bourg, cet universitaire coauteur, en 2010, de Vers une démocratie écologique, au Seuil, invite à revoir nos habitudes de consommation.
"La catastrophe japonaise remet en question notre modèle de société, extrêmement sophistiqué, marqué par une prétention à dominer la nature, par une urbanisation excessive et par une division du travail très raffinée, sur les plans aussi bien industriel que géographique. Elle en révèle l'extrême fragilité. Le rat s'adapte à l'environnement changeant. Nous, nous sommes comme le requin, dont la vie dépend de quelques facteurs, au premier rang desquels l'abondance de poissons. Si le poisson vient à manquer, le requin disparaît.
Aujourd'hui, un pays comme la France ne survivrait pas à un événement tel que la Seconde Guerre mondiale: à l'époque, 40 % de la population vivait à la campagne, c'est ce qui nous a sauvés. Dans notre société, si l'environnement devient violent, tout déraille. Or le risque climatique s'accroît, la biodiversité s'affaiblit, l'espace habitable va se rétrécir et la tension est très forte sur l'ensemble de nos ressources, pour certaines se profile une pénurie à l'horizon de dix ans! Dans ces conditions, quand le cadre naturel devient instable et que les ressources manquent, le système ne peut que s'effondrer.
Nous sommes en outre dans un modèle de surpuissance technologique, d'accumulation de richesses, qui augmente sans cesse notre besoin en matières. Entre 1970 et 2009, nous avons réduit de 30% la consommation d'énergie par point de croissance.
Mais, dans le même temps, comme la production globale a augmenté, nous consommons plus d'énergie. Les énergies renouvelables ne sont pas pour autant la panacée: hors l'hydroélectricité et la biomasse, elles représentent moins de 2 % des énergies disponibles à l'échelle mondiale. Et le bilan carbone de l'éolien ne sera pas satisfaisant tant qu'on ne saura pas stocker l'électricité.
La solution? Il faut tirer les conclusions du caractère non viable et non durable de notre modèle. Il faut apprendre à vivre de manière plus sobre. Sortir de la culture de l'obsolescence, qui pousse au renouvellement accéléré des biens matériels. Revoir le système de production: aujourd'hui, une marchandise peut faire deux fois le tour de la planète avant de parvenir au consommateur. Lancer un grand programme de réhabilitation du bâti, qui absorbe 46% de notre consommation d'énergie. Réformer la fiscalité en la liant à l'utilisation des ressources.
Il faut écrire un autre scénario social
En clair, mettre un terme à cette course effrénée vers plus de richesses, qui nous coûte très cher: le bilan environnemental du siècle dernier est désastreux, le bilan social et individuel est aussi très lourd. Nous nous imposons des modes de vie très durs. Des études ont montré qu'au-delà de 15 000 dollars de PIB par personne et par an (la France est à 32 000) il se produit un décrochage entre l'amélioration du sentiment de bien-être et l'accroissement des richesses. Il s'agit non pas de revenir à la lampe à huile, mais d'écrire un autre scénario social, dans lequel on réunirait la nature et l'homme, la nature et l'économie. Il est encore temps de changer de modèle. Cela prendra trente ou quarante ans et passera probablement par une période de surchauffe, une transition nécessaire. Mais cela est possible."
Source: http://www.lexpress.fr/actualite/enviro ... 75017.html