JL Butré remet le couvert...
Paris le 27 juin 2016
Eolien offshore français : un scandale d’Etat
Par décision du Ministère de l’Environnement six chantiers éoliens en mer ont été programmés le long des côtes de la Manche et sur la façade atlantique : Le Tréport/Dieppe, Fécamp, Arromanches/Courseulles, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire/La Baule, les îles d’Yeu et Noirmoutier.
Pourtant les quatre débats et enquêtes publiques qui ont déjà eu lieu, ont montré une très large opposition de la population qui s’est interrogée sur les enjeux environnementaux, sur les problèmes de sécurité de navigation maritime, et surtout sur l’avenir de la pêche professionnelle et du tourisme, autant d’arguments pourtant en accord avec les préoccupations avancées par le Ministère de l’Environnement, de l’Energie, et de la Mer.
Le plus choquant a été l’absence totale d’une analyse économique de ces programmes outrageusement coûteux dans des régions où les principales ressources économiques proviennent du littoral. Combien d'emplois en mer et à terre perdus, pour combien d'emplois gagnés ? Quel sera le montant global en milliards d’euros que l'Etat et les régions devront verser pour réaliser les aménagements portuaires et construire les nouveaux réseaux électriques nécessaires à l'implantation de ces complexes industriels ? Enfin et surtout, quelles en seront les conséquences sur le montant des factures d’électricité des Français ?
En dépit de l’absence d’études économiques, les commissaires enquêteurs ont rendu des avis favorables (en attente à St-Brieuc et Yeu-Noirmoutier) et les autorisations préfectorales tombent les unes après les autres, montrant qu’en réalité ce programme d’Etat avait été « ficelé » à l’avance dans les ministères, que les consultations n’étaient que de façade, s’apparentant en fait à une vaste opération de désinformation et d’enfumage pour tromper élus, citoyens et médias, afin d’obtenir leur adhésion à des projets industriels que les enjeux énergétiques français ne justifient pas. Tout était joué à l’avance, au mépris de la vraie démocratie et au prétexte de produire une énergie propre, non polluante, gratuite. Il était question de développement économique, de soutien à des investisseurs français tels AREVA, ALSTOM, EDF, et surtout de création de dizaines de milliers d’emplois.
Quel est le bilan aujourd’hui ?
De la propreté de cette énergie et de son incidence sur la santé des populations
Energéticiens, experts, scientifiques, tous reconnaissent aujourd’hui que l’électricité intermittente et aléatoire produite par les éoliennes doit être relayée par des centrales thermiques polluantes à charbon, lignite, gaz, et même gaz de schiste dans le futur.
Une publication récente dévoile que la pollution par les particules de carbone causerait 48.000 décès en France. 3000 MW d’éoliennes en mer vont contribuer à augmenter les risques sanitaires pour la population. Sans oublier la dissolution dans les eaux marines des anodes sacrificielles des éoliennes, soit 15 tonnes d’aluminium et de zinc par éolienne, qui vont contaminer aux métaux lourds toute la chaîne alimentaire. Une éolienne du type Adwen contient 430 kg de terres rares.
Des conséquences sur l’environnement marin
L’effet cumulé et transfrontalier des emprises éoliennes et de leurs installations connexes sur les écosystèmes, les ressources halieutiques, les mammifères marins et les oiseaux pendant les périodes de construction, d’exploitation et de post exploitation, n’ont pas été étudiés. Les complexes éoliens en mer vont dresser une barrière industrielle sur plusieurs milliers de km de linéaire côtier. Aucun examen global des nuisances, pollutions et autres perturbations n’a été fait : les études d’impacts environnementaux obligatoires sont réalisées projet par projet, sans prise en compte des projets en amont ou en aval. Aujourd’hui, personne ne peut garantir que l’effet cumulé de ces usines électriques en mer ne sera pas catastrophique pour l’environnement et les hommes.
De la gratuité
Les consommateurs français ayant légitimement cru à une électricité du vent propre et gratuite, ne vont-ils pas se révolter lorsqu’ils apprendront qu’EDF sera dans l’obligation d’acheter sur ordre de l'Etat cette électricité offshore à plus de 22 centimes d’€uro le kWh ? 22 centimes d’€uro signifie qu’EDF la revendra aux particuliers plus de 30 centimes d’€uro le kWh, alors que sur le marché spot, le prix de l’électricité se négocie au jour le jour en dessous de 3 centimes d’€uro le kWh, soit 10 fois moins. Cette manipulation de l’opinion pour dissimuler la réalité du coût de l’éolien en mer, est porteuse de conséquences sociales très graves. Qu’adviendra-t-il des 8 millions de ménages les plus défavorisés dont le nombre augmente jour après jour, quand leur facture d’électricité sera si élevée qu’ils ne pourront plus la payer ?
Des emplois et des usines créés en France
Depuis plus d’une décennie pour imposer ce programme, l’argumentaire des gouvernements successifs relayés, par l’agence de maitrise de l’énergie (ADEME), est basé sur le développement d’une filière industrielle française et sur la création d’emplois : « qu’il permettrait à une ou plusieurs sociétés de notre pays de fabriquer industriellement en France des éoliennes, que ces usines seraient implantées sur le sol de notre pays et qu’elles créeraient des dizaines de milliers d’emplois »
Aujourd’hui le pire scénario s’est produit : les deux sociétés qui devaient relever ce défi, ALSTOM et AREVA, ont fait fiasco : (1)
ALSTOM, un des plus remarquables fleurons de l’industrie française a été vendu à l’américain General Electric. AREVA a fait faillite dans l’éolien maritime.
Des infrastructures portuaires et annexes pour les usines éoliennes
Qu’en est-il du développement de plateformes portuaires à Cherbourg et au Havre qui devaient accueillir l’implantation d’usines éoliennes ? Aujourd’hui, tous les élus qui ont mis en avant la création de ces usines et des emplois associés pour faire accepter les projets éoliens sur leur territoire, peuvent en effet être inquiets. Tel le président de la région Normandie qui s’interroge à juste titre du respect des engagements pris par le gouvernement en 2012. « Qu’en sera- t-il des rêves normands de création de 10.000 emplois ? ». A quoi servira le lycée à vocation éolienne de Fécamp inauguré par Hervé Morin pour tenter de déjouer la supercherie ? Depuis plus de 15 ans, les industriels de l’énergie du vent, regroupés dans les puissants et omniprésents syndicats France Energie Eolienne (FEE) et Syndicat des Energies Renouvelables (SER), ont promis la lune et pratiqué le chantage à l’emploi, pendant que sur le terrain, les riverains des projets constatent des mensonges perpétuels et les dénoncent sans relâche.
Des nouvelles décisions gouvernementales ubuesques
En dépit de l’opposition maintes fois réaffirmée des économistes, des défenseurs d’une vraie écologie, des marins pêcheurs, de nombreux élus, des associations, et des riverains, Madame la ministre Ségolène Royal maintient son engagement acharné à la réalisation du projet Dieppe / Le Tréport arguant de l’opportunité de faire émerger une filière industrielle en France qui entrainera des retombées économiques pour tout le littoral. Quelle perspective industrielle ? Quelles conséquences économiques au moment où AREVA s’étant retiré de l’éolien cherche désespérément un repreneur étranger pour sa participation dans ADWEN ? Plus surprenant encore, Madame la ministre annonce le lancement d’un troisième appel d’offres éolien en mer, alors que tous les feux sont rouges.
La France n’a aucune expérience dans la production d’énergie électrique en mer, AREVA et ALSTOM sont hors course. Ubu roi n’aurait pas fait mieux. La première zone retenue pour ce nouvel appel se situera au large de Dunkerque en concurrence avec 18 autres. Il en reste ainsi 17 à pourvoir entre Dunkerque et Bayonne d’une part, et le pourtour méditerranéen d’autre part. Quatre seraient déjà en première ligne. Pour gruger des élus il est impossible de faire mieux.
Au moment où de nombreux pays suppriment les subventions aux énergies renouvelables (éolien, solaire), où les critiques de la transition énergétique se multiplient, tant en Allemagne qu’au Danemark ou au Royaume-Uni, le Président de la République François Hollande et le gouvernement du Premier ministre Manuel Valls, ferment les yeux, et continuent à développer aveuglément l’éolien en mer, gouffre financier pour le consommateur français, investissement rentable pour les exploitants allemand, espagnol et américain qui ne créeront pratiquement aucun emploi sur le sol français.
Après avoir programmé le massacre de la France par 20.000 éoliennes terrestres géantes importées d’Allemagne et du Danemark, nos dirigeants ont désormais décidé de saccager un littoral jusqu’ici préservé, au mépris de l’économie locale et de la protection indispensable de l’océan. La pêche professionnelle, le tourisme balnéaire, la plaisance, la biodiversité, sont ignorés. Le charme vivant, pittoresque, ressourçant, des rivages, des plages, des ports, des falaises, des dunes, des côtes rocheuses, des grands horizons marins, va être irrémédiablement détruit par des barrières de structures métalliques surdimensionnées et polluantes et sans âme. L'espace marin libre va être privatisé. La démocratie est niée. Quand les Français prendront conscience que le pouvoir politique s’est joué de leur confiance, l’équilibre social sera rompu et les citoyens ne lui pardonneront pas que l’argent prélevé sur leurs factures d’électricité ait servi à faire tourner des usines et des emplois hors de France.
Le gouvernement n’en est pas à son premier diktat. Il s’agit ici d’un véritable « 49.3 » maritime.
Hervé Texier
Vice-président Fédération Environnement Durable
Président de Belle Normandie Environnement
Jean-Louis Butré
Président Fédération Environnement Durable
(1) Fiasco des industriels français de l’éolien offshore
- ALSTOM avec l’accord du gouvernement a été vendu à l’américain General Electric. Un nouveau pan entier de l’industrie française est passé sous contrôle étranger.
- AREVA s’est lancé dans l’éolien en abandonnant son core busines et on peut se demander pourquoi. Ce groupe fleuron français de l’industrie nucléaire s’est lancé dans l’éolien. Cette décision prise par son ex présidente Anne Lauvergeon était aussi incompréhensible que si l’on avait demandé aux céréaliers de cultiver des tomates.
Le scandale éolien AREVA a commencé dès 2007 quand le groupe a repris 51% du fabricant d’éoliennes allemand Multibrid, avant d’en acheter la totalité sous le nom de WIND AREVA. Avec GDF-Suez, AREVA s’est positionné en 2011 sur les sites du Tréport, Fécamp et Courseulles. Durant cette même période, AREVA et ALSTOM s’affrontaient sur les sites de St-Brieux et
St-Nazaire.
AREVA s’était par la suite associé en 2014 à Gamesa dans l’entreprise ADWEN pour mettre au point un prototype éolien de 8 MW destiné aux projets du Tréport, de St-Brieuc, de Yeu-Noirmoutier.
Aujourd’hui, les deux associés du nouveau leader mondial des turbines éoliennes, l’allemand Siemens et l’espagnol Gamesa vont probablement se partager les restes d’AREVA (ce que la Fédération Environnement Durable avait d’ailleurs prédit). Dans ce consortium, Siemens détient les activités d’éolien maritime en Allemagne et au Danemark. Ses capacités industrielles sont gigantesques et suffisantes pour fabriquer et exporter toutes les éoliennes susceptibles d’être implantées le long du littoral français sans se doter de nouveaux sites de production dans notre pays.
Le groupe AREVA a pratiquement fait faillite et a été repris par EDF.
Une période noire se profile, car l’avenir d’EDF est lui-même en cause et des suppressions d’emplois massives sont probables. L’énergéticien français a perdu 50% de son capital et vient d’être exclu du CAC 40. La FED a publié le 17 juin 2016 un article dans le journal Capital « Les énergies renouvelables conduisent EDF à faire faillite » (2) Une des principales conclusions montre que les énergies renouvelables ont détourné EDF de ses activités majeures et que ce fleuron mondial de l’énergie va suivre le même chemin que celui d’AREVA. On peut s’étonner qu’en moins de 3 ans le géant français EDF se soit effondré en bourse sans que l’Etat actionnaire majoritaire n’intervienne. En fait, les derniers gouvernements français ont toujours privilégié pour des raisons électoralistes, les divagations énergétiques de partis écologistes incompétents pour conduire la stratégie énergétique de la France, l’orientant massivement vers les énergies dites renouvelables en sacrifiant l’intérêt général à une somme d’intérêts privés.
Concernant les projets maritimes, la filiale EDF Energies Nouvelles (EDF EN) de son côté est maintenant séparée de son partenaire danois, Dong Energy un des leaders mondial de l’éolien maritime. Cet évènement n’est pas anodin et ne préjuge rien de bon des problèmes tenus secrets. EDF EN a annoncé dans le même temps un nouveau « partenariat à 50% » avec le canadien Enbridge, pourtant inexpérimenté en matière d’éolien offshore. L’accord franco-canadien porte sur le développement, la construction et l’exploitation d’éoliennes offshore précise Antoine Cahuzac, directeur général d’EDF EN tout en rappelant que la France est très en retard sur l’Allemagne, le Danemark, le Royaume-Uni qu’il s’agisse de construire ou d’exploiter les éoliennes en mer. Ces changements de caps précipités et incompréhensibles sont inquiétants pour l’industrie française.
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Fédération Environnement Durable