Éoliennes domestiques Arrêtez tout !
Les éoliennes de toit ou de pignon produisent tellement peu d’électricité qu’elles ne se rentabilisent jamais. Le crédit d’impôt qui leur est accordé constitue un piège redoutable pour les acquéreurs et un gâchis pour les finances publiques.
La production d’une éolienne de pignon Le Sepen, site expérimental du petit éolien national, est le seul organisme d’évaluation indépendant des constructeurs en France. Il teste les machines et mesure leurs performances. Installé dans l’Aude avec deux centres d’essais, l’un près de Narbonne, l’autre de Castelnaudary, il a notamment évalué une éolienne de 600 watts (voir graphique ci-dessous), très souvent vendue comme éolienne de pignon, sur le site où les vents turbulents sont très similaires à ceux qu’on retrouve à proximité des maisons. « Les résultats ont été catastrophiques, on est à moins de 500 kWh/an, commente Franck Turlan, de Pôle Énergies 11. La machine est désorientée en permanence par les turbulences. On croit qu’elle produit parce qu’elle tourne mais, comme beaucoup de petites machines, elle régule en tout ou rien. Il y a des coupures dès que le vent change, de façon presque incessante dans cet endroit représentatif d’un milieu urbain ou périurbain générateur de turbulences. La production est hachée, elle s’effondre à partir de certaines vitesses de vent et la mécanique souffre énormément. »
Production électrique annuelle d’une éolienne de 600 watts La courbe la plus optimiste est calculée à partir des données fournies par le constructeur.
Suivi sur compteur en Rhône-Alpes : deux installations sur dix fonctionnent« L’éolienne doit être placée dans un environnement dégagé à une distance maximale du sol. Mettre une éolienne trop bas revient à peu près à installer un panneau solaire à l’ombre et, de plus, les turbulences de l’air vont induire des efforts supplémentaires sur les pales, ce qui les fera vieillir prématurément. » Ou encore : « En se plaçant à une hauteur de 12 mètres, on perd 57 % de la puissance disponible à 30 mètres de haut. » Voilà quelques-unes des conclusions tirées par Rhônalpénergie-Environnement, l’agence de l’énergie et de l’environnement en Rhône-Alpes, à l’issue du suivi de production de dix éoliennes ayant participé à l’appel à projets lancé par la région. « Sur ces dix installations, seules deux fonctionnent bien, souligne Catherine Premat, chargée de mission éolien à l’agence. Il y a eu des implantations sur des sites qui n’étaient pas propices. Ils étaient proches de maisons, ou à proximité d’arbres, voire d’une forêt, autrement dit dans des milieux très turbulents. On a eu aussi de bons sites, mais avec des mâts de moins de 12 mètres de haut, les acquéreurs ne voulaient pas avoir à demander de permis de construire ; la production était décevante. » Exemple avec les performances, le compteur faisant foi, d’une éolienne de 1,9 kW installée sur un mât de 11 mètres, dans un jardin exposé aux vents mais bordé d’une haie : une production de 1 600 kWh par an. Soit un revenu annuel de 192 € et un temps de retour sur investissement de… 50 ans, pour une machine censée durer environ 20 ans si tout va bien ! Un nouvel appel à projets a été lancé cette année, avec cette fois des exigences minimales renforcées. « Nous demandons une hauteur de mât d’au moins 12 mètres et des machines testées par le Sepen, détaille Catherine Premat. L’idéal serait une étude de vent sur site mais ça coûte cher. Nous étudions les photos de l’endroit et de son paysage environnant. On n’a aucune chance d’avoir un vent régulier si la hauteur de l’éolienne n’est pas deux fois supérieure à la hauteur des obstacles environnants. On élimine par conséquent ces cas-là. L’objectif est de parvenir à un petit éolien de qualité. Il suppose de bonnes machines, un bon potentiel de vent, des installateurs compétents et un contrat de maintenance. »
La courbe la plus basse correspond à la production réelle, celle qui a été enregistrée sur le site du Sepen. « La production énergétique générée est nettement inférieure à 80 % de la production calculée à partir de la courbe de puissance du constructeur pour toute la gamme des vitesses de vent », conclut le rapport.
Éoliennes domestiques N’achetez pas !
Les éoliennes de toit et de pignon font l’objet d’un démarchage très agressif mais elles ne se rentabilisent jamais. Après les mises en garde de Que Choisir l’automne dernier, la Répression des fraudes (DGCCRF) épingle des pratiques commerciales trompeuses. « Arrêtez tout », titrait Que Choisir il y a quelques mois dans une enquête sur les éoliennes domestiques. « Elles produisent tellement peu d’électricité qu’elles ne se rentabilisent jamais. » De son côté, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vient d’enquêter sur les pratiques commerciales du secteur et le tableau n’est pas brillant. « La technicité des dispositifs et de l’énergie éolienne ne semble pas maîtrisée par les professionnels contrôlés, notent les enquêteurs. Certaines entreprises produisent des études fantaisistes, surévaluées, ne reposant sur aucune documentation scientifique sérieuse. Elles induisent les consommateurs en erreur sur les économies d’énergie réellement possibles. »
Incompétents sur les éoliennes, les professionnels savent en revanche protéger leurs intérêts : « Les sociétés qui usent de pratiques commerciales trompeuses visent une durée de vie relativement courte et utilisent la législation sur les entreprises en difficulté afin d’échapper à toute poursuite. Une nouvelle société est alors créée par un des commerciaux de la précédente entreprise », décrypte la DGCCRF.
Mais au-delà de ces pratiques commerciales scandaleuses, c’est la notion même d’éolienne domestique qui pose problème. Tous les experts contactés par Que Choisir l’ont confirmé, aucune éolienne ne peut produire d’électricité quand elle est posée en pignon ou sur le toit des maisons. Ce n’est d’ailleurs pas le matériel qui est en cause, mais sa position et la configuration des lieux.
Pour qu’une éolienne produise, elle doit être placée sur un terrain dégagé à une distance importante du sol, avec un rayon de 30 mètres minimum sans aucun obstacle. Fixée sur un pignon de la maison ou sur son toit, une éolienne domestique ne répond jamais à ces impératifs minimaux. Elle a beau tourner, il y a trop de turbulences dans l’air pour qu’elle produise de l’électricité.