Les Parisiens pourront se chauffer au bois grâce à une nouvelle chaudière biomasse XXL Par Pierre Monnier Usine Nouvelle le 11 mars 2016
La compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) a inauguré, jeudi 10 mars, à Saint-Ouen, une plate-forme logistique pour l'approvisionnement en granulés de bois de sa centrale de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Désormais, le chauffage urbain parisien proviendra pour plus de moitié des énergies renouvelables et de récupération. La plate-forme logistique biomasse de CPCU à Saint-Ouen, inaugurée le 10 mars. Crédits : Antoine FévrierDans la zone d’aménagement concerté des Docks de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), la nouvelle plate-forme logistique biomasse construite par la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) sort du lot. Sous les panneaux laissant imaginer des bureaux de travail se cachent en réalité cinq silos de bois sous forme de granulés ainsi qu’un bâtiment de déchargement. "Nous avons voulu que cette plate-forme s’inscrive dans le tissu urbain", assure Frédéric Martin, le président de CPCU.
Une chaleur issue majoritairement des énergies vertesLa Compagnie parisienne de chauffage urbain est une entreprise publique locale, filiale de la Ville de Paris et du groupe Engie, qui fournit du chauffage à 500 000 logements chaque année. Pour embrasser les objectifs fixés par le Plan climat de Paris,
75 millions d’euros ont été investis pour construire la plate-forme logistique biomasse de Saint-Ouen. Testée depuis la fin janvier 2016, elle devrait entrer en fonction au cours des prochaines semaines.
En réduisant de moitié l’utilisation du charbon, l’arrivée de cette nouvelle installation évitera un rejet de 300 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année. Le charbon sera désormais remplacé par de la biomasse, sous la forme de granulés de bois. Cela fait entrer la biomasse dans le mix énergétique de CPCU à hauteur de 10%. La compagnie voit ainsi l'utilisation d’énergies propres devenir majoritaire dans sa création de chaleur.
Dans le détail, le mix énergétique de CPCU se composera désormais pour 41% de la valorisation des déchets, 10% de biomasse, 2% de biocombustible et 1% de géothermie pour les énergies vertes, auxquels il faut ajouter 16% de charbon et 30% de gaz.
Comment ça marche ?Le chargement de granulés arrive à Saint-Ouen par train, grâce à des rails acheminant les wagons dans le bâtiment de déchargement. Il faut deux trains pour approvisionner les quelque 1 300 tonnes nécessaires quotidiennement à l’alimentation des chaudières.
A l’intérieur du bâtiment, les wagons sont ouverts pour remplir les fosses situées en sous-sol. Une trémie emporte ensuite le granulé jusqu’aux cinq silos pouvant contenir 15 000 tonnes du combustible.
Le déchargement se fait directement des wagons dans une fosse reliée aux silos. (Antoine Février)Une galerie d’un kilomètre relie la plate-forme biomasse à la chaudière de CPCU située à l’opposé de la ZAC des docks. C’est seulement quelques mètres avant l’entrée dans le brûleur que le charbon est amené et mélangé aux granulés. Car certaines chaudières ne sont pas encore compatibles au tout-biomasse. "Nous sommes pour le moment à 50-50, mais nous allons tenter de passer à 60% de biomasse, explique le président de CPCU, Frédéric Martin. Le prochaine objectif est de supprimer la seconde moitié du charbon de notre mix énergétique."
L’absence de la filière bois françaiseBien que le projet soit assez intéressant pour pousser une délégation japonaise à visiter le site pour reproduire le modèle au pays du Soleil-Levant, l’histoire aurait été trop belle sans aucun raté. "Pour le moment, nous faisons livrer notre granulé par bateau des États-Unis, avoue Frédéric Martin. Il est ensuite transporté par train depuis Rouen jusqu’au site."
La filière bois française n’a pas pu répondre favorablement à l’appel d’offres de CPCU. "
Nous avons besoin de 140 000 tonnes de granulés chaque année, alors qu’en France nous ne pouvions en avoir que 40 000 tonnes pour un prix plus élevé de 30%, détaille Marc Barrier, directeur général de CPCU. Nous lancerons un nouvel appel d’offres en avril 2017 pour prendre le relais d’approvisionnement en 2019, et nous espérons que la filiale française pourra en être." Ce retard est dû au faible usage de granulé en France, le plus souvent à usage domestique.
La filière du bois française doit maintenant prendre en compte l’usage industriel du granulé, au risque d’être à nouveau délaissée au profit des États-Unis.
Pas si loin du granulé des particuliers CPCU utilisera un granulé fabriqué par l’entreprise américaine Zilkha Black Pellet. La particularité de ce granulé : sa couleur noire. C’est d’ailleurs la seule différence avec un granulé utilisé par les particuliers dans leur chaudière domestique. Cette couleur est due à une étape supplémentaire rendant hydrophobe le granulé : un passage de 10 à 15 minutes sous une vapeur à 180°. Cela permet de réduire les poussières émises par les granulés lors de leur manipulation. Ce détail insignifiant lorsqu’un particulier rempli son silo avec un sac de 15 kg devient vite un problème lorsque l’on manœuvre les granulés par tonne.