Les 14 travaux de Lecornu pour libérer la méthanisation en France
Aurélie Barbaux Usine Nouvelle le 26/03/2018
Le groupe de travail sur la libération de la méthanisation a rendu ses conclusions. Il préconise 14 actions pour aider les agriculteurs à compléter leurs revenus, professionnaliser la filière méthanisation et accélérer les projets. Pas de secret, pour atteindre l’objectif de 10% de gaz d’origine renouvelable dans la consommation en 2030 par la loi de transition énergétique de 2015, la France a besoin de ses agriculteurs. C’est en effet la méthanisation, soit la production de biogaz après fermentation des déchets agricoles, qui est le meilleur moyen aujourd’hui pour produire du gaz renouvelable en France. Les autres technologies, comme la gazéification ou le power-to-gas sont encore en développement. Or aujourd’hui la France produit moins de 1% du gaz qu’elle consomme. Comme pour l’éolien fin 2017, le groupement a donc lancé en janvier 2018 des ateliers de libération de la méthanisation. On attendait les conclusions pour le Salon de l’agriculture, mais le secrétaire d’Etat à la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecronu, n’a dévoilé le résultat que ce lundi 26 mars. Le groupe de travail préconise 14 actions pour aider les agriculteurs à compléter leurs revenus, professionnaliser la filière méthanisation et accélérer les projets tout en développant un filière française.
1 – Lancer un appel d’offres pour les projets atypiques.L’idée est d’intégrer des projets de méthanisation avec injection qui n’entrent pas dans le cahier des charges des appels d’offres existants, qui se concentrent actuellement exclusivement sur l’installation de méthaniseurs. Ces projets permettront d’accroître la production de biogaz sur des sites existants.
2 – Créer un tarif de rachat hors appel d’offres pour les petites installationsL’État va simplifier les règles de soutien tarifaire avec la création d’un tarif de rachat à guichet ouvert pour les installations de taille moyenne de 500 kW à 1 MW plutôt que des appels d’offres trop lourds pour cette taille de projet. Cette mesure sera prise par arrêté.
3 – un fonds de garantie BPI de 100 millions d’eurosPour faciliter l’accès au crédit pour les agriculteur ayant un projet de méthanisation, le ministre de l’Agriculture a annoncé qu’il consacrera 100 millions d’euros sur le Grand Plan d’Investissement (GPI) pour financer un fonds de garantie BPI au bénéfice des projets de méthanisation agricole.
4 – Ne plus considérer les digestats comme des déchetsPour faciliter la valorisation organique des digestats (résidus de la méthanisation qui peut servir d’engrais) et sécuriser les approvisionnements des agriculteurs, une norme adaptée et dédiée aux digestats sera élaborée avec la profession, comme il en existe déjà une sur les composts.
5 – Autoriser l’utilisation du bioGNV par les engins agricolesL’utilisation du bioGNV par les engins agricoles sera rendue possible sur le territoire national à l’issue d’un travail en cours au niveau européen sur les modifications du règlement 167/2013 relatif à la réception des véhicules agricoles et de ses actes délégués (règlement 2015/96 et 2015/504).
6 – Financer les méthaniseurs alimentant des stations GNVUn soutien financier sera mis en place pour les méthaniseurs qui alimentent les véhicules (bus, camions) afin de développer un nouvel usage direct local du biométhane, notamment dans les zones éloignées du réseau de gaz.
7 – Former aux bonnes pratiques Des formations seront mise en place pour l’ensemble des acteurs, avec un pilotage du ministère de l’Agriculture en ce qui concerne la formation destinée au monde agricole. Ce plan de formation permettra d’aider les porteurs de projets à présenter des desseins limitant les nuisances et favorisant le dialogue local.
8 – Pousser la filière à la certificationLa structuration de la filière doit permettre à chaque acteur de la chaîne de valeur (investisseurs, porteurs de projets, bureaux d’études, équipementiers, opérateurs) de s’adapter au contexte français multi-intrants et de s’insérer dans un modèle économique pérenne. L’une des clefs de cette structuration est l’initiation d’une démarche de qualité (guides, chartes, labels, certification, normes...) permettant de favoriser un développement efficace des projets, de rassurer les investisseurs et de diminuer les coûts de production.
9 – Simplifier la réglementation des installations classées (ICPE)L’État va réduire les délais d’instruction de 1 an à 6 mois et augmentera le seuil applicable à la déclaration ICPE (100 tonnes/jour contre 60 tonnes/ jour). Ce régime d’enregistrement, plus souple, sera étendu à l’ensemble de l’activité de méthanisation ICPE, en plus du régime de déclaration possible pour la méthanisation agricole.
10 – Créer un guichet unique d'instruction des dossiers réglementairesChaque préfet désignera un service de l’Etat "guichet unique" pour recevoir les différents dossiers réglementaires relatifs aux méthaniseurs (dossier ICPE/IOTA ou d’agrément sanitaire).
11 – Simplifier la réglementation « loi sur l’eau »Les méthaniseurs soumis à l’enregistrement ou à la déclaration ICPE seront désormais soumis au régime de "l’enregistrement", ce qui aura pour conséquence de supprimer l’étude d’impact et l’enquête publique.
12 – Autoriser les mélanges d’intrantsPasser à une échelle plus large suppose de développer des méthaniseurs de grande taille et de diversifier les gisements à méthaniser (déchets d’industries agro-alimentaires, biodéchets, biogaz de décharge, boues de stations d’épuration). Le gouvernement en escompte une baisse progressive des coûts de production (de 100 à 80 euros/MWh) et le développement d’une filière française et européenne des matériels de méthanisation.
Les mélanges d’intrants deviendront donc possibles mais seulement dans des conditions de sécurité renforcées pour les terres agricoles en cas d’épandage du digestat. Par défaut, le mélange appliquera les règles d’épandage les plus strictes s’imposant à ses composants et une règle générale de traçabilité sera définie.
13 – Généraliser la méthanisation des boues de grandes stations d’épurationSeules 22% des boues de stations d’épuration sont méthanisées. Pour le généraliser, un travail avec les collectivités et les professionnels démarre pour préciser le calendrier et les soutiens. La méthanisation réduit sensiblement les volumes de boues et facilite aussi les autres usages que l’épandage.
14 - Créer un "droit à l’injection"Le groupe de travail propose la création d’un "droit à l’injection" dans les réseaux de gaz naturel dès lors que l’installation de méthanisation se situe à proximité d’un réseau existant pour éviter que des projets ne soient bloqués faute de capacités. Les gestionnaires de réseau seront chargés d’effectuer les investissements nécessaires pour que cela devienne possible.