Les mèmes mènent l'histoire
Le Principe de Lucifer (The Lucifer Principle), livre au titre insolite, lui vaut de se retrouver dans le rayon "ésotérisme" du magasin Virgin, trônant au milieu de traités de méditation transcendantale, du énième "secret des pyramides" ou autres "Mystères de Rennes-le-Château"… !
Dans ces conditions, on se demande qui pourra bien le lire : les ésotéristes n'en voudront certainement pas, les politologues ou analystes politiques n'auront jamais l'idée d'aller le chercher dans ce type de rayon. Décidément, ce Lucifer a le génie de la dissimulation.
Il s'agit pourtant d'un livre fondamental, voire fondateur. Il est en effet à la mémétique(1) ce que fut en son temps à la mimétique le livre de René Girard "Des choses cachées depuis la fondation du monde", éditions Grasset, 1978).
Le Principe de Lucifer est un ouvrage déroutant, à la fois très scientifique dans son approche (très nombreuses références) mais aussi plein d'humour, voire d'espièglerie… Les raccourcis sont saisissants, la densité extrême, les intuitions fulgurantes, les raisonnements implacables, le champ de connaissance immense.
L'étrange personnalité de l'auteur, son style et son comportement parfois primesautier mais toujours très rigoureux lui valent les éloges d'une large partie de la communauté universitaire américaine de Stanford à Harvard, en passant par UCLA et l'université John Hopkins. La très officieuse revue, Foreign Affairs, lui rend également un hommage appuyé. Mais ce n'est pas tout : Le principe de Lucifer est devenu le livre culte des groupes de rock de Broocklyn qui "samplent" des passages entiers de son livre pour l'intégrer dans leur musique… !
Si l'auteur est universitaire, signalons que ce livre a été refusé par trente-deux éditeurs new-yorkais avant d'être finalement publié.
"Nous avons besoin de l'histoire dans son intégralité, mais pas pour retomber dedans mais pour lui échapper " : cette citation d'Ortega Y Gasset placée en début d'ouvrage, vient comme un avertissement de l'auteur, conscient des hypothèses dévastatrices qu'il développe, voire de leur aspect désespérant. Et Bloom d'ajouter : " Les systèmes que je vais décrire ne sont pas mon idée de ce que devrait être le monde, ils sont les conclusions auxquelles j'ai abouti à regret, concernant ce qu'il est vraiment. ". "Il traite de la façon dont, par notre intérêt pour le sexe, notre soumission à des dieux et à des dirigeants, notre attachement parfois suicidaire à des idées, des religions et de vulgaires détails de type culturel, nous devenons les instigateurs inconscients des exploits de l'organisme social."
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2002/fev/principe.html