Qu'est ce qu'un super-organisme?
Définition Wikipédia:
Un superorganisme est une colonie d'individus travaillant de concert pour produire un phénomène gouverné par la collectivité, le phénomène incluant toute activité « voulue par la colonie » comme collecter de la nourriture ou choisir un nouveau site de nidification1. C’est un concept sociobiologique selon lequel une organisation sociale, comme une communauté, transcende les organismes biologiques qui la composent.
A l'origine utilisé pour définir les colonies d'animaux eusociaux(fourmis,abeilles,termites), le concept de superorganisme est également extrapolable à la société humaine,il permet des explications particulièrement pertinentes quant aux phénomènes sociaux constatés,notamment en ce qui concerne l'écologie et l'impuissance des sociétés quant à la mise en place de véritable mesures permettant la sauvegarde de la biosphère.
Cette notion permet également à travers la cybernétique d'apporter un nouveau regard sur des phénomènes tel que le suicide dans nos sociétés contemporaine (qui est assez maladroitement abordé par la psychiatrie),ainsi que la politique,l'économie,et les phénomènes sociaux en général.
Un articles intéressant de Jean Paul Baquiast sur la question:
Les super-organismes sont-ils dotés de conscience ?
Howard Bloom ne s’interroge pas vraiment sur les aptitudes à la conscience que pourraient manifester les super-organismes. Pourtant, dès que l’on est en présence d’un groupe d’animaux ou d’hommes, on est tenté de lui prêter des formes au moins primitives de conscience. S’agit-il d’une illusion de type anthropomorphique ? Les sociétés au contraire n’ont-elles pas effectivement la possibilité d’entretenir des consciences collectives plus ou moins proches de ce que sont les consciences individuelles ? Nous avons vu (voir Chapitre 3) que la conscience supérieure, caractérisant presque exclusivement (semble-t-il) les humains en société, était intimement liée au langage. La conscience primaire est différente. C’est une propriété du corps en situation. Elle exprime l’unité du moi organique au sein des différentes perceptions externes et internes qui informent le système nerveux. Mais elle ne s’accompagne pas de la conscience de soi. On la retrouve sous des formes plus ou moins sophistiquées chez tous les animaux (sinon plus largement encore).
Mais les super-organismes humains sont composés d’hommes eux-mêmes capables de langage. Ils ont la possibilité de transmettre des informations symboliques éclairant les autres membres du groupe sur certains des contenus de la conscience primaire. L’énonciation d’un contenu conscient par un locuteur entraîne des réponses de la part de ses interlocuteurs, si bien que se construisent progressivement des échanges en miroir, qui se complexifient au cours du temps. Nous avons précédemment indiqué que l’émetteur initial est conduit à prendre conscience de son existence en tant que Je, en s’assimilant à ceux auxquels il s’adresse et qui lui répondent. Le Je caractéristique de la conscience supérieure se serait donc ainsi construit au cours de l’échange. On peut le constater dans la vie courante. Le modèle de moi autour duquel s’ordonnance ma conscience supérieure est constamment construit par les informations que je reçois du monde extérieur. Ce que me disent de moi mes interlocuteurs, les modèles que des tiers me proposent et plus généralement tout ce que je vois ou que je lis, je me l’applique à moi-même. C’est pour cela que les méméticiens sont, comme nous le verrons, tentés de considérer que le Je n’est pas autre chose qu’un complexe de mèmes ou mèmeplexe, en reconfiguration permanente, grâce auquel prend sens l’ensemble de mes références conscientes. Ces mécanismes peuvent-ils contribuer à la naissance d’une conscience collective qui ne soit pas seulement faite d’une sorte de moyenne des consciences individuelles ?
Qu’il s‘agisse d’une colonie bactérienne, d’un essaim d’abeilles, d’une meute de loups ou d’humains habitant un territoire auquel ils sont attachés, les super-organismes sociaux présentent une certaine cohérence. Cela permet de les analyser comme des organismes au lieu de les considérer comme des regroupements occasionnels d’individus isolés. Chacun obéit à des règles sociales complexes, dont la plupart demeurent d’ailleurs encore mystérieuses au regard des scientifiques. Ce ne sont en tous cas pas des organismes assimilables à celui d’un animal isolé, avec ses caractères anatomiques et ses processus physiologiques de mieux en mieux identifiés par la science. Il n’y a pas de raison cependant de leur refuser l’aptitude à la conscience, au moins à la conscience primaire qui paraît inséparable de toute constitution biologique organisée. Mais les bases corporelles et les substrats neurologiques d’une telle conscience primaire ne sont évidemment pas ceux que les neurologues attribuent à la conscience primaire de l’organisme animal ou humain individuel. Il faut les rechercher au cas par cas, cela étant d’autant plus difficile qu’il est logique de postuler que la conscience primaire d’un essaim d’abeille n’est pas celle (au moins dans les formes, sinon dans ses logiques profondes) d’une communauté villageoise humaine.
On pourrait évidemment éviter toute difficulté en évacuant l’hypothèse que de tels super-organismes disparates puissent disposer de consciences primaires éventuellement comparables à celle de l’homme. Mais on se priverait alors des nombreuses occasions permettant d’étudier et peut-être de mieux commencer à comprendre des comportements collectifs inexplicables autrement, par exemple les paniques. On se priverait sans doute aussi de la possibilité de mieux comprendre la conscience primaire humaine.
Si nous nous limitons ici aux seuls groupes humains, peut-on faire l’hypothèse que les étudier en utilisant l’acquis des études de la conscience primaire individuelle réalisées par les neuro-physiologistes peut apporter des éléments différents et plus instructifs que ceux fournis par la sociologie ou la psychologie sociale ? Allant du simple couple jusqu’à l’humanité entière, ces groupes humains sont si variés qu’il paraît difficile d’y observer quelques substrats communs permettant l’émergence d’une conscience primaire collective. Mais il est certains domaines où la sociologie traditionnelle reste à court de théories explicatives, tels l’inconscient collectif (1), les pulsions de foules allant de l’agression jusqu’à l’adhésion sans nuance, et bien d’autres phénomènes qui révèlent l’existence d’un corps social « physique » situé dans le temps et dans l’espace. Ce corps serait déterminé par d’autres facteurs que les réflexes génétiquement programmés des individus, mais il adopterait des états bien définis dont la supposée conscience primaire collective serait à la fois l’émanation et l’agent coordonnateur.
Les sociobiologistes, nous le verrons, font l’hypothèse que la plupart des comportements inconscients collectifs sont provoqués par l’héritage génétique des individus. Il en serait ainsi par exemple de l’agressivité qui obéit à des réflexes ancestraux visant à la défense du territoire. Pour leur part, les généticiens hésitent maintenant à faire le lien entre tel gène et tel comportement précis, surtout si celui-ci n’est pas individuel mais collectif. Ils soupçonnent des relais multiples qui ne peuvent être analysés avec les outils actuels. Expliquer une réaction de foule comme la panique par l’influence des gènes commandant les réflexes de fuite chez les individus serait un peu rapide. Ce serait comme expliquer le réflexe de fuite d’un individu par le système de commande d’un de ses groupes musculaires. Il faut donc rechercher un mécanisme plus global. Dès lors de vastes champs d’investigations sont aujourd’hui ouverts, qui conduiront à mieux étudier comment la conscience primaire se manifeste chez les individus, animaux compris, puis à rechercher si de telles manifestations se retrouvent au niveau des groupes. Une réponse affirmative pourrait faire penser à l’existence d’une véritable conscience primaire collective.
Extrait de son livre :"Pour un principe matérialiste fort" dont je recommande vivement la lecture!(éditions Jean-Paul Bayol).