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Santé

La bible des maladies mentales sème le trouble chez les psy

De nouvelles pathologies ont été recensées dans le DSM, manuel de psychiatrie de référence (photo d'illustration).

De nouvelles pathologies ont été recensées dans le DSM, manuel de psychiatrie de référence (photo d'illustration). - -

Une nouvelle version du DSM, qui classe et répertorie les maladies mentales, est publiée pour la première fois depuis 1994. Mais cet ouvrage de référence est considéré par certains comme une dangereuse fabrique de pathologies.

Dans le monde de la psychiatrie, c’est un événement. À l'occasion de son congrès annuel, qui se tient jusqu'à mercredi à San Francisco, l'Association américaine de psychiatrie (APA) publie la 5e édition du DSM, son encyclopédie des troubles mentaux.

Ouvrage de référence dans la profession, le Diagnostic and statistical manual of mental disorders ("Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux") classe et répertorie l'ensemble des troubles mentaux et y associe des diagnostics. Une bible mondiale de la psychiatrie dont la dernière mise à jour, le DSM-IV, remonte à 1994.

Une influence du lobby pharmaceutique?

Autant dire que le DSM-5 était très attendu. Mais pas forcément avec bienveillance. Car pour toute une frange de la profession, ce manuel étudié dans le monde entier est un outil dangereux: le mouvement anti-DSM accuse ni plus ni moins ses rédacteurs de créer de nouvelles pathologies pour satisfaire les besoins de l'industrie pharmaceutique.

Le collectif français "Stop DSM" souligne ainsi sur son site web que "95 des 170 experts qui ont participé à l'élaboration du DSM-IV en 1994 avaient des liens financiers avec l'industrie pharmaceutique au moment de voter pour l'inclusion de nouveaux troubles."

Et selon lui, "le comité qui supervise l'élaboration" de la nouvelle mouture du DSM est "composé de 28 psychiatres, dont 16 gardent de forts liens financiers avec l'industrie pharmaceutique".

Une fabrique de pathologies

D'une centaine de pathologies recensées dans la première mouture du DSM, publié en 1952, le DSM-IV en listait environ 300, et l'introduction de nouveaux troubles sont attendus dans la nouvelle édition.

Parmi elles: un épisode dépressif lié au deuil, la perte de mémoire liée à l'âge et les colères à répétition chez les jeunes enfants. Ce dernier symptome, qui doit être introduit dans le DSM-5 sous l'appellation "disruptive mood dysregulation disorder", inquiète particulièrement, car il risque de créer une surprescription et une surmédicalisation chez des patients en bas âge.

Le professeur Allen Frances, qui faisait partie des rédacteurs du DSM-IV mais a depuis revu son jugement sur ce manuel, prend ainsi l'exemple du syndrome d'Asperger, introduit dans le DSM en 1994. "Quand nous avons introduit cette forme moins sévère d'autisme, indique-t-il au quotidien Le Monde, nous pension que cela multiplirait le nombre de cas par trois. En fait, ils ont été multipliés par 40, parce que ce diagnostic permet d'avoir accès à des services particuliers, à l'école et en dehors: il a donc été porté chez des enfants qui n'en avaient pas tous les critères".