L’écrivain et « journaliste indépendant » Michel Collon interviendra ce début novembre au Salon du Livre francophone de Beyrouth pour parler « Géostratégies, désinformation, propagande et complotisme ». Mais il sera aussi invité à une séance dédicaces de ses livres au stand… Belgique Wallonie Bruxelles. Un gage de crédit ?
Michel Collon à droite, aux côtés de Thierry Meyssan et Dieudonné, à Axis for Peace
Les prises de position et amitiés sulfureuses de Michel Collon (le conspirationnise Thierry Meyssan et Dieudonné pour ne citer que celles-là) sont connues depuis longtemps. Ce qui n’empêche curieusement pas le personnage de continuer de séduire et de diffuser sa haine, avec parfois même une caution officielle.
Fondateur en 2004 du collectif Investig’Action qui « regroupe des journalistes, écrivains, vidéastes, traducteurs, graphistes et toute une série d’autres personnes qui travaillent au développement de l’info alternative », après avoir démarré sa carrière à l’hebdomadaire du PTB Solidaire, le chevalier blanc qui dévoilerait les médiamensonges occidentaux, chantre de l’anti-impérialisme et de l’antisionisme, n’hésite pas à répandre ses messages complotistes à qui veut l’entendre. « Les frères Kouachi ont été armés, formés militairement, endoctrinés par Monsieur Fabius et ses amis », affirmait-il ainsi très sérieusement lors d’une conférence à Roubaix le 27 mai 2015, entre autres déclarations fracassantes.
L’animatrice du site Confusionnisme.info, Ornella Guyet, qui a dressé un portrait détaillé du personnage et de son site, estime que « le positionnement de Michel Collon l’a conduit à organiser ou à participer à des événements organisés en soutien aux dictatures de Mouammar Kadhafi et de Bachar Al-Assad aux côtés de figures de l’extrême droite complotiste, au nom de cet anti-impérialisme borgne selon lequel il y a des ennemis principaux et des ennemis secondaires et que face aux ennemis principaux (l’impérialisme occidental, voire « américano-sioniste »), il est possible de constituer des alliances temporaires avec les ennemis secondaires (l’extrême droite et/ou les dictatures et régimes autoritaires qui dirigent certains Etats et qui sont qualifiés à tort et à travers d’« anti-impérialistes » comme par exemple l’Iran des mollahs, la Syrie d’Al-Assad, la Chine ou encore la Russie de Poutine). Plus prosaïquement, on peut résumer cette position ainsi : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » ».
Le blogueur et polémiste Marcel Sel n’a jamais caché non plus son opinion sur Michel Collon qu’il qualifie ouvertement d’« antisémite » dans un article paru en avril 2018 qui lui vaut d’être aujourd’hui poursuivi en justice par l’intéressé. « Le problème n’est pas qu’il s’exprime, mais qu’il cherche petit à petit la respectabilité, en se présentant comme un journaliste tout en traînant l’ensemble de la presse dans le caniveau, en dénonçant Israël comme le pays le plus raciste au monde, et en soutenant les théories du complot », souligne-t-il. « J’ai consulté plusieurs centaines de ses articles, et j’ai retrouvé au moins 34 occurrences qui correspondent à la définition de l’antisémitisme retenue par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) et votée par le Parlement européen en juin 2017 ».
Le 4 septembre dernier, Michel Collon évoquait en direct sur sa page Facebook les « très bons résultats » obtenus par « son appel au soutien financier pour résister aux agressions du lobby sioniste et à la censure »… Des collectes d’argents effectuées régulièrement sans que l’on en sache beaucoup plus sur la destination.
Des amitiés condamnées
Le « lobby sioniste » est clairement l’une des principales cibles de Michel Collon. « Depuis sa rencontre avec Dieudonné à Axis For Peace, Michel Collon n’a pas manqué une occasion de défendre Dieudonné, notamment en publiant les textes élogieux d’Olivier Mukuna, hagiographe de Dieudonné (…) », précise Ornella Guyet. « Michel Collon plaît aussi à Alain Soral et Investig’Action apparaît parmi les « sites amis » en lien sur le site d’Egalité et Réconciliation ». Dans son livre Israël, parlons-en, publié par Investig’actions, et que Michel Collon est invité à venir dédicacer le 3 novembre à Beyrouth, il propose vingt entretiens avec Sand, Bricmont, Ramadan, Blanrue « et d’autres défenseurs du droit au négationnisme, avec un Paul-Eric Blanrue qui publie une apologie de Faurisson », dénonce Marcel Sel. « Blanrue qui, en 2010, soit l’année de la sortie de ce livre, diligentait avec l’aide de Jean Bricmont (autre proche de Michel Collon) une pétition internationale de soutien au négationniste Vincent Reynouard signée par le gotha de l’extrême droite antisémite », confirme Ornella Guyet.
A plusieurs reprises, les interventions de Michel Collon se sont vues perturbées, voire annulées par des groupes antifascistes, pour ses amitiés plus que dérangeantes. « Lutter contre l’antifascisme est devenu pour lui une priorité bien plus haute que de lutter contre l’extrême droite », affirme encore Ornella Guyet.
Dernière annulation en date, sa conférence « Pourquoi le mouvement anti-guerre a-t-il disparu ? » proposée le 13 octobre dernier par le Centre d’action laïque (CAL) de Namur dans le cadre de son cycle sur le thème « Eloge de la politique ». Une décision « plus sage », nous résume sa directrice, préférant visiblement ne pas s’étendre sur le sujet.
Le site Investig’Action a beau jeu de dire ce qu’il n’est pas : « ni l’ami des dictateurs », « ni complotiste », « ni antisémite », « ni rouge-brun », les accointances, les publications et les interventions de son fondateur Michel Collon démontrent tout le contraire. « L’important n’est pas ce que les médias disent. C’est surtout ce qu’ils ne disent pas », clamait-il en 2006 dans un article titré « Milosevic et les médias : 7 questions gênantes. Pourquoi continuera-t-on à vous cacher ceci ? ». Faire passer les autres comme hypercrédules pour diffuser une idéologie, « informer » de la « vraie » réalité, tel est le propre des partisans du complot. Et Michel Collon n’y fait pas exception.
Est-ce bien à cet auteur que la Fédération Wallonie Bruxelles offre à présent une tribune officielle, comme l’annonce le programme officiel du Salon du Livre francophone de Beyrouth qui se déroulera du 3 au 11 novembre prochain ? « Cela reviendrait à valider ses thèses au nom de tous les citoyens », s’indigne Marcel Sel. Pour ne pas parler de « faute grave ». Reste à voir pourquoi la Fédération Wallonie Bruxelles a décidé de l’inviter, et comment elle s’en expliquera. Les courriers qui lui ont été envoyés n’ont à ce jour pas reçu de réponse.
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Par Kalisz R. - 3/11/2018 - 17:56
Je crois surtout à l'ignorance et l'incompétence de l'administration ( plus certains décideurs) de la Fédération Wallonie Bruxelles. Ce qui est tout aussi grave qu'une décision intentionnelle. Ayant connu ce monstre et ses services, on ne mesure pas ses nombreuses lacunes et trous de connaissance.