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La spiritualité transforme le cerveau

Les moines bouddhistes, qui pratiquent assidûment prière et méditation, intéressent beaucoup les scientifiques.

Prendre le temps de s'arrêter. Se connecter avec le dieu auquel on croit, avec soi-même ou le moment présent. Les pratiques spirituelles sont aussi anciennes que l'être humain lui-même. Mais ce n'est que depuis les années 70 qu'elles intéressent véritablement les neuroscientifiques. Il est désormais prouvé que des activités telles que la prière ou la méditation ont des effets directs sur le cerveau. Pratiquées à haute dose, elles sont même capables de transformer la structure cérébrale.

La plupart du temps, la prière se construit au travers d'un dialogue. Lorsqu'une personne prie, elle entre en relation avec Dieu et fait donc intervenir le langage. Cette particularité se reflète sur l'activité cérébrale. Jacques Besson, professeur honoraire à l'Université de Lausanne, a beaucoup étudié ces mécanismes. Il est l'un des très rares spécialistes au monde en neurothéologie, une science émergente qui s'intéresse au fonctionnement du cerveau lié à des expériences qualifiées de «religieuses». À l'aide de l'imagerie médicale, lui et ses confrères ont ainsi pu observer que «lorsqu'un sujet est en prière, les régions de son cerveau liées à l'orientation spatiale ont tendance à être inhibées. En revanche, grâce au langage, plusieurs autres régions cérébrales, en particulier celles liées au relationnel, sont fortement mobilisées.»

Pour Jacques Besson est l'un des très rares spécialistes au monde en neurothéologie, une science émergente qui s'intéresse au fonctionnement du cerveau lié à des expériences qualifiées de «religieuses».

Et ce n'est pas tout. Des scientifiques de l'Université de l'Utah, aux États-Unis, ont montré dans une étude publiée dans la revue «Social Neuroscience» que les sentiments religieux activent le circuit cérébral de la récompense. Les chercheurs ont recruté treize membres de la communauté mormone. En observant leur cerveau par IRM, ils ont pu mettre en avant leur plaisir de croire. Les circuits cérébraux activés par la prière sont les mêmes que ceux stimulés par la musique, le sexe ou la nourriture. «Lorsqu'une personne prie intensément, son cerveau peut sécréter des endorphines», confirme le Pr Besson. Des propriétés utilisables en médecine, notamment pour combattre une addiction. Les Alcooliques anonymes, par exemple, ont recours à une prière de sérénité en fin de réunion. «Cela permet d'accepter ce qui ne peut pas être changé, se donner le courage de changer ce qui peut l'être et acquérir la sagesse de faire la différence entre les deux», détaille le spécialiste.

Les moines bouddhistes sous la loupe

Prière et méditation ne doivent pas être confondues. Si les deux s'inscrivent dans un contexte spirituel, elles sont très différentes et mobilisent des régions cérébrales distinctes. La méditation est une activité unitive. En clair, le sujet qui la pratique se sent faire partie de l'univers, expérimente l'instant présent et un dépassement de soi. Nul besoin d'être religieux: elle peut être pratiquée de manière tout à fait laïque.

Le développement de l'imagerie médicale a permis aux scientifiques de s'intéresser en profondeur aux fonctionnements cérébraux des sujets en méditation. Des constats ont été établis grâce à des moines bouddhistes, particulièrement entraînés à l'exercice méditatif. En les soumettant eux aussi à des IRM, des scientifiques ont découvert que certaines zones de leur cerveau s'activaient de manière plus intense que chez les personnes lambda. Mais ce n'est pas tout. «Au cours de la vie, nous perdons tous un certain nombre de neurones, explique le Pr Guido Bondolfi, spécialiste en psychiatrie et en méditation mindfulness (de pleine conscience) à l'Université de Genève. Pourtant, dans certaines zones du cerveau des moines ayant participé à l'étude, la réduction du nombre de neurones était moindre que chez les individus «normaux». Preuve que la méditation, pratiquée plusieurs heures par jour pendant de nombreuses années, peut même aboutir à une modification visible de la structure cérébrale.

Une capacité d'attention améliorée

Chez les méditants «naïfs», qui pratiquent de manière moins intensive, ces changements structurels ne sont pas observables. Des spécificités sont toutefois rapidement notables en termes d'activation cérébrale. «Des études montrent qu'après huit semaines d'exercice méditatif, des changements sont déjà observables, indique le Pr Bondolfi. Certaines zones du cerveau, comme celles de l'attention, de la régulation des émotions ou encore de la conscience corporelle, sont plus activées que chez les personnes qui n'ont jamais médité.» L'amélioration de la capacité d'attention est d'ailleurs le premier bénéfice de la méditation de pleine conscience. La bienveillance, l'acceptation, la confiance ou encore la patience sont autant de compétences qui peuvent être développées grâce aux pratiques méditatives.

Faire cohabiter science et spiritualité

Aujourd'hui, la médecine occidentale tire parti de ces bénéfices en utilisant la méditation comme outil d'accompagnement. Des programmes proposés dans certains hôpitaux aident, par exemple, à lutter contre le stress engendré par une maladie chronique ou à prévenir les rechutes dépressives. Mais avant d'en arriver là, pratiques spirituelles et médecine traditionnelle ont eu de la peine à cohabiter. «Le XXe siècle est caractérisé par un courant très réductionniste, souligne Jacques Besson. Pour de nombreux scientifiques de l'époque, la théologie n'était qu'un besoin psychique.» Ce sont les progrès de l'imagerie médicale et la diversification des recherches en neurosciences qui ont permis de créer un lien entre les deux disciplines.

Les premiers travaux concernant l'influence de la méditation sur le cerveau remontent aux années 50. Les scientifiques se sont alors intéressés à des praticiens expérimentés du yoga en Inde. Puis, dans le courant des années 70, la rencontre entre méditation et neurobiologie s'est intensifiée. Des scientifiques collaborent notamment avec le dalaï-lama, et fondent en 1990 Mind Life, une association qui explore la relation entre la science et le bouddhisme. Leurs études permettent de donner un éclairage scientifique aux expériences subjectives liées à la spiritualité.

Mais attention: comme bien souvent en médecine, ces activités n'ont rien d'une «pilule miracle». Dans la prière comme dans la méditation, une pratique régulière est indispensable pour engendrer des effets bénéfiques. La plasticité cérébrale est comparable à un muscle: pour créer de nouvelles connexions entre les neurones, il faut s'entraîner à la spiritualité.