
NANTERRE - C’est un drame qui fait couler beaucoup d’encre. Un automobiliste, âgé de 17 ans, a été tué ce mardi 27 juin à Nanterre par un policier qui a fait usage de son arme, après un refus d’obtempérer du mineur au cours d’un contrôle. Sur BFMTV, l’avocat de la famille du jeune Nahel a annoncé le dépôt de trois plaintes, dont une pour « homicide volontaire ».
Le HuffPost fait le point sur ce que l’on sait de ce fait divers, ses conséquences et les réactions qu’il suscite, notamment au sein de la classe politique.
• Que s’est-il passé mardi matin à Nanterre ?
Les faits ont eu lieu vers 8 h 30 près de la station de RER Nanterre-Préfecture, aux abords de la place Nelson-Mandela, derrière le quartier d’affaires de la Défense, dans le département des Hauts-de-Seine.
Une vidéo de l’incident circulant sur Twitter ce mardi matin, et qui a été authentifiée par l’AFP, montre deux policiers contrôler une Mercedes AMG jaune passage François-Arago.
L’un des fonctionnaires, qui se tient debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le jeune homme, trop jeune pour disposer d’un permis de conduire en règle, redémarre, le policier tire à bout portant par dessus la vitre baissée du véhicule, côté conducteur. La voiture finit sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau.
La victime est décédée peu de temps après avoir été atteinte, malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place. « Son décès a été constaté à 9 h 15 suite à au moins une blessure par arme à feu », a précisé le parquet.
Selon les premiers éléments de l’enquête rapportés de source policière, le conducteur du véhicule, qui avait été loué, avait commis plusieurs infractions au Code de la route. À la vue de motards de police, il s’est d’abord arrêté, avant d’accélérer. Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé que le véhicule avait foncé sur les forces de l’ordre, ce qui n’est pas le cas sur la vidéo qui circule, au moment du tir en tout cas.
Deux autres personnes se trouvaient dans le véhicule au moment des faits : parmi elles, un premier passager a pris la fuite, alors que le second, mineur comme le conducteur, a été arrêté et placé en garde à vue.
• Qui est la victime ?
Selon le parquet de Nanterre, contacté par l’AFP, la victime était âgée de 17 ans. Elle était déjà connue de la justice, notamment pour refus d’obtempérer.
• Qui sont les policiers impliqués ?
Selon une source policière, les policiers impliqués sont membres de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine. Cette dernière fait partie, avec le service des compagnies moto de Paris et ses homologues du 93 et 94, de la division régionale motocycliste de la DOPC, la Direction de l’ordre public et de la circulation, au sein de la préfecture de police de Paris.
En début de soirée ce mardi, le policier soupçonné d’avoir tiré lors du contrôle a été placé en garde à vue. « Les opérations de dépistage d’alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants ont été réalisées et se sont avérées négatives », a précisé le parquet dans un communiqué.
• Des plaintes et des enquêtes ouvertes
Invité de BFMTV, l’avocat de la famille, Yassine Bouzrou, a annoncé le dépôt de trois plaintes : une pour « homicide volontaire », visant le policier incriminé, une autre contre son collègue et une troisième pour « faux en écriture publique ». Il affirme que les policiers ont « menti » et que sur la vidéo qui a filmé la scène « on voit clairement un policier abattre un jeune homme de sang-froid ».
« Nous sommes totalement éloignés de la légitime défense, toutes les règles élémentaires ont été violées et c’est clairement un homicide volontaire », a encore lancé l’avocat sur le plateau de nos confrères.
Une enquête, confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, a été ouverte pour refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique, a indiqué le parquet. Une autre enquête, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique, a été confiée à l’IGPN, la police des polices.
« À la suite de la mort ce matin, à Nanterre, d’un jeune conducteur contrôlé par deux policiers, l’IGPN a été saisie pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame », a tweeté à ce propos le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en début d’après-midi.
• Quelles sont les réactions ?
« Ce geste m’interpelle, et j’attends (...) que la lumière soit faite le plus rapidement possible sur cette affaire », a déclaré ce mardi soir le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur BFMTV. « Il y a une enquête qui devra déterminer les conditions dans lesquelles tout ça s’est produit », a-t-il ajouté.
« Bouleversé par le décès du jeune homme, Patrick Jarry, maire de Nanterre, exprime ses plus sincères condoléances à sa maman, ainsi qu’à sa famille et à ses proches. Il souhaite que les enquêtes ouvertes (...) permettent de faire au plus vite toute la lumière sur les circonstances exactes de ce drame », a indiqué la mairie dans un communiqué. Le maire, « choqué » par la vidéo du drame, « appelle chacun et chacune à la retenue et à la dignité, malgré l’émotion légitime suscitée par ce drame », poursuit le communiqué.
Par ailleurs, le drame n’a pas manqué de rapidement prendre une ampleur nationale. De nombreux élus de la Nupes ont notamment fait part de leur indignation. « Un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort », a par exemple écrit l’écologiste Sandrine Rousseau, pendant qu’Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, assurait que « le refus d’obtempérer ne donne pas de permis de tuer ».
À l’inverse, les responsables syndicaux policiers ont préféré insister sur le casier judiciaire du jeune conducteur et clamer que « le refus d’obtempérer met en péril la vie des policiers et de la population », un argumentaire régulièrement martelé ces dernières années.
Interrogé par la députée écologiste Sabrina Sebaihi lors des questions au gouvernement mardi après-midi, Gérald Darmanin a souligné la nécessité de « respecter le deuil des familles mais aussi la présomption d’innocence des policiers ». « C’est un drame que ce jeune conducteur de 17 ans soit mort des suites de ce contrôle manifestement », a déclaré le ministre de l’Intérieur. Néanmoins, a-t-il fait valoir, « dans de très nombreux cas des policiers et des gendares sont morts de refus d’obtempérer (...) et ce sont des familles de policiers et de gendarmes qui pleurent leurs enfants ». Il a cependant assuré ne pas vouloir « mélanger » ces précédents avec le cas de Nanterre.
• Des « refus d’obtempérer » tragiques cette année
S’il est encore difficile de savoir ce qu’il s’est réellement passé avant le tir du fonctionnaire de police, ce drame peut faire écho à plusieurs événements tragiques ces derniers mois. En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers, un record. À ce stade, cinq policiers ont été mis en examen dans ces dossiers, les autres ayant été libérés sans poursuite.
Autorités et syndicats de police attribuent le record de décès en 2022 à des comportements au volant plus dangereux, mais des chercheurs incriminent plutôt une loi de 2017 modifiant l’usage de leur arme par les policiers. En 2021, environ 27 700 refus d’obtempérer avaient été enregistrés, soit une hausse de près de 50 % en dix ans, selon des chiffres officiels.
Il y a deux semaines, un homme de 19 ans a été tué par un policier qu’il avait blessé aux jambes avec sa voiture près d’Angoulême.
À voir également sur Le HuffPost :