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AstraZeneca : six questions pour comprendre la suspension du vaccin en France

Emmanuel Macron a annoncé, lundi, la suspension du vaccin de la firme suédo-britannique, en attendant l’avis de l’Agence européenne des médicaments. Quels sont les effets indésirables qui ont été signalés ? Son utilité est-elle remise en cause ?

Par , , et

Publié le 15 mars 2021 à 18h13, modifié le 16 mars 2021 à 07h30

Temps de Lecture 6 min.

Le vaccin contre le Covid-19 d’AstraZeneca se retrouve ces derniers jours au centre d’une attention médiatique dont il se serait bien passé. Déjà critiqué pour des retards de livraison, il fait désormais face à des soupçons d’effets indésirables graves, qui ont amené plusieurs pays à en suspendre l’utilisation depuis jeudi 11 mars. La France, mais aussi l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne leur ont emboîté le pas lundi.

  • Quels pays ont suspendu le vaccin ?

Au moins douze pays avaient suspendu, lundi en fin d’après-midi, l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca. Il s’agit principalement de pays européens : la France, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Norvège, l’Islande, la Bulgarie, les Pays-Bas et l’Irlande, auxquels s’ajoutent la Thaïlande et la République démocratique du Congo.

Par ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne (UE) – l’Autriche, le Luxembourg, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie – ont également gelé l’utilisation de lots spécifiques du vaccin, le reste des doses pouvant continuer à y être utilisé.

  • Quelle est la position de la France ?

En France, le vaccin est administré, pour le moment, aux personnes âgées de 50 à 74 ans présentant un risque de comorbidité ainsi qu’aux patients de plus de 75 ans, non seulement en cabinet, mais aussi, depuis lundi, en pharmacie, afin d’accélérer la campagne vaccinale. Les autorités sanitaires ont, dans un premier temps, tenu une position similaire à celle de l’AEM. Le ministre de la santé, Olivier Véran, s’était ainsi appuyé, jeudi, sur les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), laquelle estimait qu’il n’y avait « pas lieu de suspendre la vaccination par AstraZeneca ».

Interrogé lors de son live sur la plate-forme de vidéos Twitch dimanche, le premier ministre, Jean Castex, avait appelé à poursuivre l’utilisation du vaccin en France :

« A ce stade, il faut avoir confiance dans ce vaccin et se faire vacciner. Je le dis de la façon la plus solennelle, sinon on aura des retards dans la vaccination, les Françaises et Français seront moins protégés, et la crise sanitaire durera longtemps. »

Emmanuel Macron a finalement annoncé, lundi, la suspension provisoire du vaccin, dans l’attente de l’avis de l’AEM :

« La décision qui a été prise en conformité aussi avec notre politique européenne, c’est de suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca, en espérant reprendre vite si l’avis de l’AEM le permet. »

Lundi soir, l’entourage d’Emmanuel Macron a jugé « probable » que la suspension de l’usage de l’AstraZeneca soit étendue jusqu’à jeudi, date à laquelle l’AEM doit se réunir.

  • Pourquoi de telles décisions ont-elles été prises ?

Les inquiétudes portent sur des cas graves de formation de caillots sanguins chez certaines personnes vaccinées. Au Danemark, une patiente de 60 ans est morte d’une thrombose (une obstruction vasculaire par un caillot sanguin) peu après avoir reçu le vaccin d’AstraZeneca. Les autorités sanitaires du pays ont alors décidé d’appliquer un strict principe de précaution en suspendant l’utilisation du vaccin pendant deux semaines. « Il n’est pas possible actuellement de conclure s’il y a ou non un lien. Nous agissons tôt, il faut une enquête approfondie », a expliqué le ministre de la santé danois, Magnus Heunicke.

La Norvège s’est rangée à cette position alors que trois soignants vaccinés de moins de 50 ans ont été admis à l’hôpital pour des caillots sanguins – l’un d’entre eux est mort dimanche – et qu’un autre décès à la suite d’une hémorragie cérébrale a été observé.

Autre inquiétude : les autorités ont fait état de cas d’hémorragies cutanées chez de jeunes personnes vaccinées. Un problème pris très au sérieux par les autorités : « Ceci est grave et peut être le signe d’une diminution du nombre de plaquettes », a déclaré l’Institut norvégien de santé publique.

Selon l’Agence européenne des médicaments, trente cas de thrombose ont été rapportés au 10 mars, sur environ cinq millions d’Européens (résidents de la zone économique de l’UE) vaccinés avec le produit du laboratoire suédo-britannique.

  • Le lien entre ces effets indésirables et le vaccin est-il confirmé ?

Non. Les possibles effets indésirables des vaccins sont signalés, un par un, aux autorités sanitaires. Ce recensement, qui se veut le plus exhaustif possible, est une garantie dans la surveillance de la campagne de vaccination. Mais il ne suffit pas : une analyse détaillée doit ensuite être menée pour comprendre si le vaccin est responsable des pathologies signalées, ou s’il est tout à fait normal de les observer dans ces proportions pour pareil échantillon de la population.

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L’AEM estime à ce stade que le nombre de thromboses observées chez les vaccinés n’est pas supérieur à celui observé dans la population générale. Le Royaume-Uni, où plus de 10 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été injectées, est sur la même ligne. « Etant donné le grand nombre de doses administrées et la fréquence à laquelle les thromboses sanguines peuvent se produire naturellement, les éléments dont nous disposons ne suggèrent pas que le vaccin en soit la cause », a assuré à la BBC Phil Bryan, responsable des vaccins de la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, l’agence britannique de pharmacovigilance.

Quant au laboratoire AstraZeneca, il a rapporté dans un communiqué publié dimanche qu’« un examen attentif de toutes les données de sécurité disponibles sur les plus de 17 millions de vaccinés dans l’UE et au Royaume-Uni n’a[vait] montré aucune preuve de risque accru d’embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde, ni de thrombocytopénie ».

  • De tels effets indésirables remettent-ils en cause l’utilité dudit vaccin ?

L’AEM considère que « les bénéfices des vaccins continuent de l’emporter sur les risques ». C’est également la position de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si tant est que « toute alerte de sécurité doit faire l’objet d’une enquête », il « n’y a pas [non plus] de raison de ne pas utiliser » le vaccin d’AstraZeneca, a déclaré Margaret Harris, une porte-parole de l’OMS, vendredi.

L’évaluation d’un médicament passe en effet par la mise en perspective des risques qu’il présente au regard de ses bénéfices. Dans le cas du vaccin d’AstraZeneca, c’est son efficacité contre les formes symptomatiques de Covid-19, dont le taux se situe aux alentours de 60 %, qui continue de plaider en faveur de son utilisation.

Cette conclusion peut cependant évoluer avec les connaissances en la matière, d’où l’utilité de suivre dans le temps l’efficacité comme les inconvénients d’un médicament.

  • Quels sont les autres effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca ?

Les principaux effets secondaires apparus au cours des essais cliniques sont des douleurs et une sensibilité accrue à l’endroit du point d’injection. Autres réactions courantes : des maux de tête, de la fatigue, des douleurs musculaires ou encore de la fièvre. Plus d’une personne sur dix ressent de tels symptômes, souvent de forte intensité, et qui peuvent entraîner des arrêts de travail de courte durée chez les soignants.

Cette tendance s’est vérifiée avec la vaccination à grande échelle. Selon le dernier rapport en date de l’ANSM, 3 013 signalements avaient été effectués au 4 mars en France, sur plus de 454 000 vaccinations réalisées avec le produit d’AstraZeneca. « La grande majorité de ces cas concerne des syndromes pseudo-grippaux, souvent de forte intensité (fièvre élevée, courbatures, céphalées) », précise l’ANSM.

D’autres rares effets indésirables ont également été remontés, mais aucun lien entre le vaccin et ces signalements n’a encore été établi. Les effets indésirables graves dits « d’intérêt particulier », comme les décès, les troubles du rythme cardiaque ou les pertes de goût ou d’odorat, seraient quant à eux rarissimes : seuls quinze cas possibles ont été signalés en France à ce stade, sans établir de lien de cause à effet avec le vaccin.

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