Futur : Paris, une oasis pour les bananes
Menacés par un champignon, les bananiers pourraient disparaître d’ici dix ans. Des architectes envisagent une production alternative en plein Paris.

Mangez des bananes ! Savourez-les, gardez le goût en bouche et souvenez-vous en car, d'ici une dizaine d'années, vous n'aurez peut-être plus l'occasion d'en goûter.
La banane est malade. Pis, elle serait mourante.
Pour l'instant, cela passe inaperçu tant les supermarchés regorgent de ces délicieux fruits jaunes importés directement des Antilles ou d'Amérique centrale.
« Mais la disparition de la banane est une possibilité réelle », s'alarme le chercheur belge Emile Frison, ancien directeur de Bioversity International, une organisation mondiale dédiée à la conservation de la biodiversité dans l'agriculture.
Depuis une vingtaine d'années, le fruit subit en effet les ravages de la « maladie de Panama ».
Apparue en Asie du Sud-Est sous la forme d'un champignon qui contamine les sols et détruit les bananiers, elle se répand doucement dans les pays voisins sans que l'on puisse agir.
« Nous avons vécu une situation semblable dans les années 1940 avec la disparition de la variété dominante qui s'appelait la Gros Michel », se souvient Emile Frison.
Les industriels avaient alors opté pour une variété immunisée, la Cavendish, cultivée en masse depuis lors pour devenir l'un des fruits les plus abordables de nos étals.
Aujourd'hui, du fait de sa résistance aux voyages transatlantiques, elle représente 99 % des importations de bananes des pays du Nord.
La maladie de Panama a fini par muter et empoisonner la Cavendish à son tour, et les chercheurs n'ont pas encore trouvé de variété de substitution.
Pour éviter la disparition du fruit, l'idée de le cultiver en France a ainsi germé.
En 2011, le cabinet d'architecture parisien SOA, qui réfléchit aux liens entre l'agriculture et l'urbanisme, a imaginé la création d'une serre de bananes ultra-futuriste en plein Paris.
« Nous sommes partis du postulat que la banane deviendra un produit de luxe », explique l'architecte Augustin Rosenstiehl.
La menace qui pèse sur le fruit pourrait en effet le rendre plus rare et donc bien plus cher.
La serre de 1 290 mètres carrés, appelée Urbanana, se situerait au milieu des Champs-Elysées : l'agriculture en plein cœur de la ville, tout un symbole.
Avantage des lampes de croissance de la serre, elles permettraient d'éclairer le trottoir en se passant des lampadaires publics sur ce tronçon.
A l'intérieur, des centaines de bananiers circulent sur des tapis roulants mécanisés et sont ainsi déplacés en fonction de leurs besoins en luminosité.
Pour éviter le gâchis, l'eau est récupérée par évaporation.
« D'un point de vue environnemental, Urbanana fonctionnerait très bien. La culture des bananes par ce biais pourrait même être plus écologique que leur importation par bateau depuis l'Amérique », soutient l'architecte.
Autre avantage, il deviendrait possible de cultiver sur place des espèces différentes comme les bananes naines ou encore roses, qui ne supportent pas le transport.
« Le projet est crédible s'il trouve sa logique économique », assure Augustin Rosenstiehl.
Problème, Urbanana ne produisant qu'en petite quantité, le prix deviendrait largement prohibitif.
L'architecte imagine néanmoins que l'on puisse exploiter le fruit autrement, par exemple avec l'essence de banane, afin de confectionner des produits thérapeutiques.
Dans cette optique, la culture restreinte de ce fruit exotique serait en adéquation avec l'écologie et l'idée de locavorisme, une tendance qui prône la consommation de fruits poussant à proximité de l'endroit où l'on vit.
A sa façon, Urbanana représente une alternative au futur dilemme alimentaire que chacun devra affronter : doit-on persister à dévorer des fruits importés de l'autre bout du monde ou revenir à des produits cultivés à proximité en respectant le rythme des saisons ?