En lançant Eleclink, l’opérateur Getlink fait du tunnel sous la Manche une route à électrons
La branche dédiée au transport d’électricité de Getlink, Eleclink, fait passer ses premiers électrons de la France à la Grande-Bretagne mercredi 25 mai. Une première de la part de l’opérateur du tunnel sous la Manche, qui y a installé une interconnexion électrique d’un gigawatt en courant continu pour diversifier son activité.
« Eleclink nous permet d’ajouter une nouvelle branche à notre activité : notre métier reste toujours celui d’un gestionnaire d’infrastructure de transport, mais cette fois au profit des acteurs qui achètent et vendent de l’énergie », se réjouit Yann Leriche, le directeur général de l’opérateur du groupe Getlink (ex Eurotunnel), en charge du tunnel sous la Manche. En service depuis 1994 pour le transport de fret et de personnes, l’infrastructure s’était déjà ouverte au transport de données en fibre optique et enrichit son offre par l’acheminement d’électricité.
Transporter assez d’électricité pour alimenter le grand Lyon
Dans le détail, une interconnexion en courant continu de capacité d’un gigawatt, qui prend la forme de deux câbles d’une dizaine de centimètres de diamètre chacun installés au plafond d’un des deux tunnels ferroviaires de Getlink, relie le réseau RTE en France à celui du National Grid en Grande-Bretagne. Fonctionnant dans les deux sens, elle permet d’alimenter l'équivalent de 1,6 million de personnes, soit la population de Lyon et son agglomération, estime Yann Leriche.
Si deux interconnexions passent déjà sous la Manche pour relier la France au Royaume-Uni (la dernière a débuté son activité en 2021), celles-ci passent dans des câbles directement posés sur le sol marin. Au contraire, Eleclink utilise l’infrastructure de sa maison mère : Getlink. Si le coût (estimé à 580 millions d’euros) est similaire, passer par le tunnel de 51 km « est meilleur pour la protection des fonds marins et simplifie la maintenance », fait valoir Yann Leriche. Qui pointe les risques de dégradations, intentionnelles ou causées par l’inattention d’un chalutier, qui pèsent sur les câbles sous-marins.
Assurer la sécurité du réseau
L’intégration s’est faite sans heurt. La température contrôlée du tunnel est « idéale » pour le câble, et des tests ont été menés pour s’assurer que le courant ne génère pas de perturbations électromagnétiques, explique Yann Leriche. Comme pour l’ensemble des interconnexions sous-marines, l’électricité est transférée sous la forme de courant continu pour limiter les pertes. Celle-ci est transformée au sein de deux sous-stations conçues avec des équipements Siemens, l’une côté français à Peuplingues (Pas-de-Calais) et l’autre britannique à Folkestone. Les câbles, de 320 kV, ont été fournis par le groupe italien Prysmian.
La capacité à utiliser le câble Eleclink sera vendue selon un système d’enchères. « L’électricité se stocke mal et doit être consommée quand elle est produite. Elargir le réseau augmente les chances de coupler l’offre à la demande, notamment avec l’arrivée d’énergies renouvelables intermittentes », se réjouit Yann Leriche.
Un discours en harmonie avec celui de l’opérateur du réseau de transport de l’électricité français, RTE. Dans son dernier schéma décennal de développement du réseau, paru en 2019, ce dernier affirmait souhaiter doubler la capacité française d’échange d’électricité aux frontières en 15 ans, et listait plusieurs projets à l’étude pour continuer de connecter le Royaume-Uni et stabiliser les réseaux. Exemple d’actualité : « à court-terme, nous transférerons principalement de l’électricité de la Grande-Bretagne vers la France, où beaucoup de centrales nucléaires sont en maintenance ce qui entraîne une baisse de la production », décrit Yann Leriche. Alors que les mauvaises nouvelles se succèdent de ce côté, l'installation entre en service au moment opportun.
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