"L'appui unanime des médias aidant, Nicolas Hulot fait un tabac avec les malheurs de la planète. Au nom d'un 'pacte écologique', qu'il veut 'transpolitique', son livre et son site font recette", constate Guy Leboutte dans La Libre Belgique. L'auteur rappelle au passage les liens de l'animateur, "ses pompes et ses œuvres, amis et projets. Marketing et sponsoring, produits dérivés, lignes de véhicules 4x4 labellisées Ushuaïa… l'argent, le pétrole et le CO2 coulent à flot dans le sillage du télé-écologiste de TF1."
"Il faut, face à cette grande machine médiatique, recentrer la question écologique, loin de l'image du monde lénifiante que nous construit jour après jour l'industrie omniprésente du spectacle", juge Guy Leboutte. "Il faut rendre leur place à quelques constats massifs et accablants, qui pèsent sur l'humanité mais sont quotidiennement marginalisés dans la représentation collective." Car, pour l'auteur, les propositions de Nicolas Hulot sont loin d'être aussi neutres qu'elles peuvent paraître. Elles constituent une nouvelle justification de la misère.
Et de justifier son propos en quelques exemples. En 2002, des enfants sont morts de faim en Argentine alors que ce pays au nom emblématique, de 38 millions d'habitants, assure une production agroalimentaire lui permettant de nourrir facilement plus de 100 millions de personnes. L'Inde exporte des céréales alors que la moitié de ses enfants souffrent de malnutrition. "Et sur une planète où la production alimentaire est de taille à largement suffire à l'humanité, 24 000 personnes meurent chaque jour des conséquences de la faim", affirme l'auteur en citant l'allocution d'ouverture du secrétaire général des Nations unies au Sommet alimentaire mondial de Rome, le 10 juin 2002.
"La faim et la misère ne sont dues ni à un manque de croissance économique ni aux limites de la productivité agricole, elles sont un effet de la répartition sociale des ressources, une conséquence des rapports sociaux. Leur résorption n'est pas un défi technique ou scientifique, mais un problème de société, l'affaire de tous, une interrogation éminemment politique. La question sociale ne relève pas de l'expertise, mais du débat." Pourtant, "depuis l'Antiquité, les élites ont consacré des efforts constants à travestir la réalité de la pauvreté, à l'adresse des gouvernés bien entendu, mais aussi pour leur propre paix de l'âme."
Pour Guy Leboutte, il ne fait aucun doute que "l'ami des multinationales, Nicolas Hulot, s'inscrit sans conteste dans cette lignée ancestrale trop respectueuse – et trop profiteuse ! – des injustices sociales. Il travaille avec d'autres à un capitalisme vert qui sauvera l'essentiel : les inégalités. Rien de plus. Les Grünen allemands sont déjà fortement gagnés à cette mouvance, et avec eux un nombre chaque jour croissant de patrons intelligents ou cyniques."
Dès lors, "si nous suivons des recommandations présentées comme techniques, à l'instar de celles, non pas transpolitiques, mais apolitiques, de Nicolas Hulot, les vrais pouvoirs seront libres de tout questionnement. A ce titre, ils imposeront d'autant plus aisément des solutions inéquitables faisant payer le prix de l'ajustement, une fois de plus, aux plus pauvres. On ne pourrait alors qu'assister à une reconduction de la domination sous des formes inédites, avec une mystification idéologique renouvelée, où l'argument d'une contrainte écologique non socialement analysée remplacerait peu ou prou l'actuelle et supposée intangible loi des marchés."
Et de conclure : "Telle est, pauvres de tous les pays, la nouvelle nécessité que les grands médias vont vous vendre, tel est le plan des élites triomphantes. Vous croirez sauver vos descendants, mais vous assurerez leur sujétion au salariat, régime qui a mené l'espèce au bord du suicide. Vous croirez faire des sacrifices pour la vie et pour la planète, mais vous nourrirez Moloch. Alors qu'ils iront travailler en bicyclette, vos petits-enfants, par leurs impôts et par leurs achats, financeront la jet-society, carbon dioxyde authorized, des héritiers de M. Hulot et ses soutiens."
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