Le forum Plutonium a écrit :« le maintien du potentiel nucléaire français et de la production du plutonium relèvent plus du commerce des armes que du choix énergétique ».
L'entêtement nucléaire.
Le dossier de Politis paru le 10 juillet et intitulé « l'illusion nucléaire » se conclut par cette phrase de Patrick Piro :
«l'entêtement nucléaire est d'abord une question politique».
Alors que nous travaillons au Réseau Sortir du Nucléaire à la rédaction d'une plaquette sur le plutonium et le retraitement, nous nous demandons la raison de l'entêtement du lobby nucléaire a retraité le combustible. Le prétexte officiel est de réduire le volume des déchets (ce qui est faux), mais tout le monde sait qu'il s'agit d'extraire les 1 % de plutonium contenu, exclusivement, dans le combustible après utilisation dans les réacteurs nucléaires. Devant les difficultés et l’échec économique de la filière du plutonium, nous n'avons trouvé, comme justificatif, que l'argument de la stratégie militaire. Le plutonium disponible seulement dans le combustible usé, est indispensable au maintien de la force de dissuasion nucléaire. Les quelques 250 têtes nucléaires installées sur les avions Mirages et les sous-marins nucléaires contiennent environ six kilos de plutonium chacune soit au total 1,5 tonnes. En cas de guerre nucléaire, il faut pouvoir renouveler ce stock. Or EDF donne, par an, 850 tonnes de combustible à retraiter à La Hague pour en extraire 8,5 tonnes de plutonium. Cela justifie le maintien à tout prix de la disponibilité des usines de La Hague et, qui plus est, du fonctionnement et du renouvellement des 58 réacteurs d'EDF. Ce choix stratégique du gouvernement français justifie l’installation du retraitement en un lieu facile à protéger comme le Nord Cotentin est aussi la concentration des lieux de production du combustible usé contenant le plutonium dans seulement 18 sites en France. C'est ainsi qu'EDF contribue à la valorisation de la force de frappe nucléaire que le président Sarkozy propose actuellement à l'Europe. Patrick Piro a raison, le « renouveau » du nucléaire évoqué par ses promoteurs n'est qu'une illusion, mais il permet de justifier le maintien en fonctionnement des réacteurs vieillissants et la construction de nouveaux EPR. Les Français se laisseront-ils encore longtemps bercés par ces illusions ?
Jean-Pierre Morichaud, Vert en Drôme-Ardèche.
LES INCIDENTS AUTOUR DU TRICASTIN
Suite à une grosse fuite d'uranium dans les locaux de Socatri, l'actualité médiatique de juillet 2008 a tourné autour du nucléaire. Le Conseil Général de la Drôme y a contribué en convoquant une réunion extraordinaire de la CLI du Tricastin le 18 juillet. J'y ai donc protesté officiellement contre le classement par l’ ASN de « l'incident » de Socatri au niveau 1 de l'échelle INES de gravité. Puisqu’il a été constaté la pollution par l'uranium de plusieurs nappes phréatiques aux alentours du site nucléaire, ni les niveaux 0, 1 et 2 n'envisageant de conséquences à l'extérieur du site, cet « incident grave » est de niveau 3 qui évoque « un très faible rejet : exposition du public représentant une fraction des limites prescrites ». Lors de ma participation au CSSIN, nous avons longuement discuté de l'application de cette échelle INES aux transports des matières radioactives. Le 25 juillet 2008, un communiqué de l’AFP revient sur les récents incidents classés niveau 1 dans les centrales nucléaires. Le 25 juin à Cruas, le 4 juillet à Fessenheim, le 13 juillet à Nogent-sur-Marne, à 120 km de Paris. Il faut ajouter la contamination de 15 intérimaires à la centrale de St Alban le 18 juillet et un dépassement des limites autorisées de rejet de carbone 14, toujours à Socatri. L'accumulation révèlée de ces incidents montre la fragilité des installations nucléaires françaises sophistiquées et vétustes. Ces événements de juillet en Tricastin ont permis une prise de conscience dans la presse et par les riverains du risque nucléaire. La radioactivité détruit les êtres vivants non seulement par irradiations mais aussi par contamination. Le risque ne touche pas seulement les hommes, mais aussi leurs activités économiques et leurs biens (maraîchage, vin et immobilier). Deux députés, Thierry Mariani pour la Majorité dans la Drôme et Pascal Terrasse pour l'Opposition en Ardèche, ont déposé une demande d'enquête parlementaire sur l'incident du Tricastin.
LE VIEILLISSEMENT DES REACTEURS
Les 54 réacteurs construits en France entre 1977 et 1983 ont aujourd'hui plus de 30 ans. Ils ont été construits pour durer 25 ans(1) et non pas 40, comme l'affirme EDF. Les technologies et les matériaux utilisés sont ceux des années 60. Pour les faire durer 40 ans, EDF change tous les éléments qui peuvent l'être, à l'exception de la cuve du réacteur et de l'enceinte en béton qui l'entoure. Cette cuve en acier de 20 cm d'épaisseur contient de l'eau liquide à 300° C sous une pression de 155 bars. Dans cette eau baigne le combustible nucléaire qui produit le flux de neutrons qui la réchauffe. Sous ce flux pendant 30 ans, le métal de la cuve s’est transformé, il est passé de l'état ductile(élastique) à l'état fragile(cassant). Des éprouvettes de métal ont été placées dans le réacteur avant sa fermeture. Les mesures faites sur elles à chaque ouverture de la cuve ont montré que de -22°C, la température de ce changement d'état est passée à +60 sous le flux des neutrons. Aussi EDF ne descend-il plus la température de l'eau en dessous de 80°C, quand il change le combustible. Des fissures ont été constatées dans le métal de la cuve à Tricastin, Fessenheim, Gravelines, St Laurent-des-Eaux.
Depuis quelques années les résultats des mesures faites sur les éprouvettes sont tenus confidentiels. L'état des fissures serait stabilisé (?).
D'autre part, certaines enceintes en béton qui l'entourent le réacteur ont été réalisées avec du ciment de mauvaise qualité, comme récemment pour les fondations de l'EPR de Flamanville. On les a tapissés à l'intérieur avec un revêtement en résine. La cuve et l'enceinte de confinement sont les deux éléments que l'on ne peut pas changer, donc leur durée fixe la date de fermeture du réacteur. Les riverains de la centrale de Fessenheim demandent en justice la fermeture des deux réacteurs les plus vieux du parc. Lors de la canicule de 2003, les pompiers ont dû arroser l’enceinte du réacteur pour éviter un réchauffement trop intense à l'intérieur. Le 11 juin 2004, EDF a obtenu l'autorisation de rejeter dans le Rhône de l'eau à plus de 27°C en cas de besoin. Il faut savoir que 14 réacteurs nucléaires sont refroidis par le Rhône. Le 22 juillet 2006 EDF a constaté ainsi une température de 26,1 °C en amont de la centrale de Tricastin.
LES REJETS DE TRITIUM
Des demandes de révision d'autorisation de rejet en tritium et carbone 14 ont eu lieu à Cattenom en 2003, à Flamanville(EPR compris) en mars 2005 et à Tricastin en juin 2006. Alors que toutes les autres révisions sont en baisse, la quantité de tritium a rejeté dans l'eau de refroidissement serait augmentée d'au moins 40 % afin de permettre, en 2009, l'utilisation d'un combustible à haut taux de combustion (HTC). Cela permettrait d’espacer les arrêts de tranches des réacteurs, diminuant ainsi les dépenses de maintenance, au détriment de la sécurité sur des réacteurs bientôt en fin de vie. Si ces dispositions sont prises pour les quatre centrales de la vallée du Rhône, les rejets de tritium y seront multipliés par 5 ( 1,45/4X 14 réacteurs). Or cette hausse résulte de la nécessité d'augmenter le taux de bore et de lithium nécessaires au ralentissement des neutrons dans l'eau du circuit primaire de refroidissement du réacteur et celle des piscines de stockage du combustible.
Lors de la séance du CSSIN du 31 mai 2007, le représentant d'EDF et de celui de l’ASN, nous ont assuré que la concentration de tritium dans le fleuve et dans les bâches de stockage de l'eau tritiée sera contrôlée par EDF avant, pendant et après rejets. Les résultats de ces mesures seront transmis à l’ASN. Les rejets seront interrompus au cas où la concentration mesurée dans le fleuve dépasserait 140 Bq/l. D'après l’IRSN, l'impact sanitaire pour l'environnement passerait de 0,06 microSv/an/habitant à 0,09. Pour mémoire, cet impact mesuré pour les six installations nucléaires du Tricastin cumulées (Clos Bonneau) est de 27 microSv/an/habitant. La directive 96/26 Euratom et le règlement R1333-8 de la santé publique recommandent <1000 microSv/an/habitant.
La question du tritium revient dans l'actualité en France par plusieurs voies :
une demande d'EDF pour augmenter les autorisations de rejet des réacteurs à eau pressurisée (REP) de 45 %, comme on vient de le voir
engagement du Parlement, dans la loi de juin 2006 sur les déchets nucléaires, pour une solution sur le stockage des colis de déchets tritiés avant la fin de 2008,
installation du projet de fusion nucléaire ITER à Cadarache, producteur et utilisateur en masse de tritium gazeux .
Cet isotope radioactif de l'hydrogène devient l'objet de toutes les attentions de la part des institutions officielles.
-- l'autorité de sûreté nucléaire(ASN) a créé un groupe d'études « tritium », qui s’est réunit la première fois le 5 mai 2008,
-- le groupe permanent « matières et déchets radioactifs » (GPMDR) de l'association nationale des commissions locales d'information (l’ANCLI), dont je suis membre, travaille déjà depuis un an sur une recherche bibliographique à propos de la toxicité du tritium. Il organise les 4 et 5 novembre 2008 un colloque sur le sujet à l’intention des CLI.
-- le 3 octobre prochain, la CLI de Cadarache organise une table ronde sur le tritium avec des interventions de l'ANCLI, l'institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN), et la CRIIRAD.
LE CANCER AUTOUR DES INSTALLATIONS NUCLEAIRES
Et voilà qu’en décembre 2007, l'autorité de sûreté nucléaire allemande publie un rapport scientifique montrant un surplus de leucémies infantiles autour des centrales nucléaires allemandes. Pour équilibrer les conséquences néfastes de cette publication , D. Laurier, l'épidémiologiste de l'IRSN, a été chargé d’une étude bibliographique mondiale sur le sujet. Ce n'est pas moins de 450 références qui ont été répertoriées dans son rapport de 200 pages. Elles portent exclusivement sur les leucémies des enfants autour des installations nucléaires du monde entier. Elles sont là pour noyer, Dounray, Sellafield, Hinkley Point en Grande Bretagne, Kruemel en Allemagne, voire La Hague en Cotentin, dans un flot de résultats déclarés non significatifs.
Quand, en juin 2006, je déposai au nom de la Frapna dans le dossier d’enquête publique sur Georges Besse II, la nouvelle usine d’enrichissement d’uranium, une demande d’enquête de cancers autour de Pierrelatte, je ne pensais pas soulever un débat aussi âpre. Après trois réunions d’experts nationaux et locaux , la décision de financer cette étude à hauteur de 50 000 € a été prise le 4 juillet 2008 par la CLI du Tricastin. Du coup, L’IRSN a créé une autre commission d’experts, dont je suis, pour mettre au point une méthode à l’usage des CLI voulant connaître l’état de santé des riverains des installations nucléaires. Elle a déjà siégé quatre fois. Il faut dire ici qu’un débat se développe dans la communauté scientifique ( entre les Académie de médecine, celle des Sciences, la Commission Internationale de Recherche sur le Cancer, d'une part, et les défenseurs de l’Environnement, d'autre part) sur l’origine environnementale des cancers. Ceci, depuis l’affaire de l’amiante.
Ce débat fait l'objet d'un autre de mes rapports, sous le titre « Veut-on vraiment nous protéger du cancer ? » ,
que je tiens à votre disposition.
Pour conclure sur le soutien de l'État au lobby nucléaire, on peut faire état d'une décision, récente parmi tant d'autres, du Président de la République, de mise en place d'un conseil permanent interministériel chargé des choix énergétiques de la France. Est-ce la fin de l'ancestral pouvoir du Corps des Mines et de la commission PEON créés après la seconde guerre mondiale ?
(1) lire Menace sur le vivant, la filière nucléaire du plutonium par J.P.Morichaud aux éditions Yves Michel, 5 allée du Torrent- 05000 GAP, tél :0492655224, nouvelle édition revue en octobre 2008.
en rouge : voila pourquoi le projet est passé en force sur soit-disant la transparence-secret défense
en bleu : voila pourquoi ils veulent absolument enfouir tous ces déchets en France, "solution finale"
Voila ce qui nous attend, encore + de pollution et de risques, alors que la décision se fait à l'aube de toutes les fuites qu'on a connu ... hasard ou coïncidence ? la nature nous parle ?
J'espère vous avoir prévenu de ces risques certains qui nous attendent tous demain.