Les ondes électromagnétiques ne semblent pas dangereuses pour la santé humaine mais, dans le doute, mieux vaudrait instaurer des normes plus restrictives pour diminuer l'exposition du public. C'est la conclusion mi-figue mi-raisin de l’Afsset, qui vient de rendre un rapport détaillé.
Depuis 20 ans, les technologies à base de radiofréquences et leurs applications se sont multipliées et amplifiées. Les sources d’émission de champs électromagnétiques (téléphonie mobile, Bluetooth, Wi-Fi…) se sont accrues et des questions d’ordre sanitaire émergent. Quels sont leurs effets biologiques ? Quelles doivent être les normes de seuil d’exposition ? Quelles sont les populations cibles ? En 2007, les ministères de la santé et de l’environnement ont demandé à l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) de répondre à ces questions. Le rapport, très attendu, vient d'être publié.
A la maison, au bureau et même dans la rue, Wi-Fi, téléphonie mobile et consort émettent leurs ondes. © Joe Mabel CC by-sa
Selon le rapport Mise à jour de l'expertise relative aux radiofréquences paru le 15 octobre 2009, des effets incontestables sur les fonctions cellulaires sont mis en évidence pour des fréquences inférieures à celles des téléphones portables. Pourtant, aucun mécanisme d’interaction entre radiofréquences et cellules vivantes n’a été identifié. De manière globale, le niveau de preuves indiquant des effets biologiques ou épidémiologiques est estimé insuffisant. Les incertitudes relevées dans les études et les interrogations du public imposent toutefois de prendre certaines mesures.
L’Afsset recommande donc de :
* Développer la recherche, pour lever les incertitudes qui demeurent et se tenir aux aguets des signaux nouveaux qui émergeraient. Les experts estiment qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer les méthodes de mesure de l’exposition et la méthodologie des études. Par ailleurs, ils expriment des doutes sur les effets à long terme, en particulier en milieu professionnel ;
* Dans le doute, réduire les expositions du public. L’Afsset recommande d’afficher sur les appareils les Débits d’Absorption Spécifique (DAS) pour permettre aux consommateurs de choisir ceux qui les exposent le moins. Elle recommande aussi de cartographier le territoire national pour repérer les points où les niveaux d’ondes sont les plus élevés et agir en conséquence ;
* D’informer avec plus d’ouverture et de transparence l’ensemble des acteurs de la société. Pour faciliter la compréhension des problématiques et réduire la distance entre le risque scientifique et le risque ressenti par les populations, l’Afsset encourage l'association de tous les acteurs plus en amont des processus d’expertise et de décision. Elle recommande aussi l’ouverture de débats publics sur les enjeux scientifiques et techniques.
Des spécialistes sur la même longueur d'onde
Ce rapport est le fruit d’un groupe de travail multidisciplinaire constitué d’experts de la médecine, de la biologie, de la biophysique, de la métrologie (science des mesures) des champs électromagnétiques, de l’épidémiologie et des sciences humaines et sociales, ainsi que d’un observateur du monde associatif (association Priartém). L’étude s’est basée sur l’analyse bibliographique des travaux scientifiques et des rapports internationaux et s'est étendue à l’ensemble des radiofréquences. Son expertise a couvert les champs des effets biologiques et sanitaires, de l’exposition des populations, des réglementations internationales et de la perception des risques par le public.
L’étude des effets biologiques fut complexe pour deux raisons. D’une part, comme le rappelle le rapport, « l’observation d’un effet biologique, a fortiori en conditions expérimentales, ne signifie pas forcément qu’il entraîne un dommage et encore moins qu’il se traduise par un effet sur la santé » et d’autre part, de nombreuses études n’avaient pas la rigueur attendue en dosimétrie (mesure des doses de rayonnements) et en méthodologie.
Les téléphones mobiles exploitent les hautres fréquences: de 880 MHz (GSM 900) à 2.170 MHz (UMTS). © Robertvan1 CC by-sa
Deux bandes de fréquences ont été définies pour l’étude de ces effets, en fonction de leurs spécificités (modes d’action, applications concernées, données disponibles). La première, de 9 kHz à 400 MHz (radiodiffusion et applications professionnelles), a été subdivisée suivant l’effet des radiofréquences :
* Jusqu’à 100 kHz, les champs électromagnétiques peuvent entraîner une stimulation des tissus excitables (muscles, système nerveux) ;
* Au-delà de 10 MHz, les radiofréquences sont absorbées et provoquent des effets thermiques ;
* Entre ces deux bornes, les deux effets existent.
La synthèse des travaux scientifiques retenus montre que de 9 kHz à 10 MHz (radiodiffusion, RFID, applications médicales), l’exposition est extrêmement difficile à caractériser. Les effets délétères supposés sur la santé humaine n’ont pu être ni confirmés, ni infirmés. Cependant, l’évolution croissante de l’exposition à cette bande de radiofréquences et l’observation d’effets sur la division cellulaire imposent des recherches plus poussées dans ce domaine. De 10 MHz à 400 MHz (applications industrielles et médicales), l’évaluation de l’exposition professionnelle est difficile à réaliser. Si les effets constatés sont limités et contradictoires, certaines observations incitent à approfondir les recherches.
Au-delà de 400 MHz, (télévision, téléphonie mobile, Wi-Fi, Bluetooth, radars...) 78 études sur l’animal et 19 sur l’homme ont été retenues sur, respectivement, les 182 et 44 initiales. Elles ont infirmé les hypothèses d‘effets cancérigène, géno-toxique, mutagène, de stress cellulaire, oxydatif et physiologique. Le rapport note cependant que « la majorité des études ne suggèrent pas d’effets sanitaires, à l’exception de quelques résultats, limités à une légère augmentation de malformations morphologiques mineures chez l’animal. Ces effets mineurs et non spécifiques semblent limités à certaines espèces animales et sont difficilement extrapolables à l’homme ».
L’absence de réponse tranchées, la prochaine sortie du rapport Interphone et le nombre d’études écartées pour manque de rigueur ne manqueront pas d’alimenter le débat du Grenelle des ondes. Dans le doute, les seules choses à faire sont de limiter l’exposition et de continuer les recherches… ce que recommande justement l’Afsset.