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600 éoliennes, 10 milliards d'euros...pour rien?
L'appel à projets d'un grand chantier de 600 éoliennes lancé par Sarkozy la semaine dernière fait réagir le blogueur SuperNO. Ce dernier décrypte ce qui se cache derrière la promesse du tout écolo suggérée par cette annonce, et pointe du doigt la tromperie des chiffres avancés par Sarkozy.
Après avoir confié à ses amis agriculteurs que « l'écologie, ça commence à bien faire », ce qui doit être le fond de sa pensée, Sarkozy vient de rebondir dans l'autre sens en annonçant, avec une force dont on avait l'habitude depuis qu'il regarde la télé au lieu d'être dedans, qu'il souhaitait démarrer un chantier gigantesque : 600 éoliennes offshore.
Coût prévu : 10 milliards d'euros. Énorme. 2 Kerviels. Presque une année de paquet fiscal, plus de 2 ans d'ISF… 3 fois les rapines de Ben Ali… Mais 17 fois moins que les avantages fiscaux consentis annuellement aux entreprises françaises. Ou encore environ 1000 fois moins que le torrent de flouze que nous avons tous donné pour sauvegarder le système bancaire après le crash de 2008.
Bref, pour une cause qui devrait être prioritaire, la somme n'est pas si importante.
Chacun connaît mon scepticisme à propos de l'éolien, dont la production reste en France infinitésimale (1.5% du total aux dernières nouvelles). Cependant, mes oreilles se dressent à l'annonce des chiffres annoncés : 600 éoliennes d'une puissance unitaire de 5 Mégawatts.
Je ne sais pas si quelqu'un a pris la peine de faire le bilan énergétique de ces engins, et notamment des quantités monstrueuses d'énergie nécessaires à leur implantation en mer.
Quant aux 150 000 emplois européens qui seraient générés d'ici 2025, je soupçonne l'auteur de ces propos d'abuser de la gnôle et du cannabis réunis : à moins de parler de la construction et de l'implantation, qui occuperont certes un temps un peu de monde, ces engins, comme les usines automobiles modernes, les élevages industriels de cochons, ou les supérettes hard-discount, tournent avec un personnel quasiment réduit à néant.
D'autant que si c'est comme pour la construction de l'EPR à Flamanville, une bonne partie des emplois seront en fait pourvus par des néo-esclaves des pays de l'Est, « ouvriers Bolkestein », pour le plus grand bonheur de leurs employeurs (Bouygues en tête) et de leurs actionnaires.
Mais trêve de dénigrement, revenons-en aux chiffres. Sans les mélanger, contrairement à bon nombre de journalistes, qui confondent allègrement watts et watts/heures, méga et téra…
Une éolienne en mer a donc une puissance respectable de 5MW. 600 éoliennes, 3000 MW. Un réacteur EPR étant donné pour 1600 MW, on peut donc hâtivement en déduire, et c'était aussi le point d'orgue des « éléments de langage » distribués aux journalistes qui les ont repris avec une absence de sens critique qui force le respect et l'incompétence : «Ces éoliennes produisent autant que 2 réacteurs nucléaires EPR».
Pourtant, il y avait à dire. D'abord au sujet de l'EPR, il conviendrait d'employer le conditionnel, puisqu'aucun de ces engins n'est encore en fonctionnement. Les 2 réacteurs en cours de construction par Areva, à Flamanville et en Finlande, ont plusieurs années de retard et un budget explosé.
Notons encore que sans l'uranium pillé par le même Areva au Niger, ce qui nous vaut quelques déboires diplomatiques, ces machines infernales ne tourneraient pas.
Notons ensuite que les déchets produits par les centrales nucléaires peuvent avoir une durée de vie de plusieurs millions d'années, pour quelques décennies de production. Aberration totale. Sans compter le démantèlement des centrales, totalement sous-évalué lui aussi.
Notons enfin, et c'est peut-être le plus grave, que le nucléaire français est aux mains d'une mafia prête à tout pour parvenir à ses fins, et dont les méthodes font montre d'à peu près autant de transparence que les culottes de ma grand-mère.
Ceci étant dit, un réacteur EPR serait un peu plus puissant que les réacteurs actuels, et aurait surtout une taux de disponibilité de l'ordre de 91%, très supérieur à la génération actuelle. Selon les chiffres officiels, à prendre avec des pincettes, donc, un EPR produirait environ 12 TWh par an.
Or une éolienne a une disponibilité bien moindre. Même si en mer les vents sont plus forts et plus réguliers, une éolienne de 5MW ne produit que 15GWh par an. Alors que si elle tournait à pleine puissance en permanence, elle en produirait 500*24*365/1000 = 44. Un tiers de sa puissance nominale, donc.
600 éoliennes offshore devraient donc produire environ 9 TWh. Ce n'est donc pas l'équivalent de 2 réacteurs EPR, mais 3 fois moins ! C'est à dire que même une fois la deuxième tranche de 600 éoliennes sera construite, cela ne fera qu'un EPR et demi.
Financièrement, c'est encore plus étonnant. Alors qu'on pourrait penser qu'une centrale nucléaire est un truc extraordinairement complexe et donc hors de prix, alors qu'une éolienne serait plutôt un truc assez simple et donc bon marché, c'est en fait exactement le contraire. Même avec les dépassements de budget, un réacteur EPR devrait coûter dans les 5 milliards d'euros. 2 fois moins que les 600 éoliennes qui n'en fournissent pourtant que les 2/3 de la puissance… Ça nous met le TWh éolien à 3 fois le TWh nucléaire… Bon, le calcul est certainement biaisé, puisqu'une centrale nucléaire a des coûts d'exploitation très supérieurs, nécessite de voler du combustible, fait courir des risques inacceptables à la population, et son démantèlement est tellement compliqué que personne ne sait l'évaluer. Alors qu'une éolienne tourne toute seule.
Pour relativiser l'importance de ces éoliennes, rappelons qu'en 2009, la France a produit 518.8 TWh. Les éoliennes déjà installées ne fournissent que 1.5% du total. Peanuts. Quant aux 58 réacteurs nucléaires, dont beaucoup vieillissent, ils produisent 390 TWh, les trois quart du total. Le reste se répartissant essentiellement entre les barrages et les centrales à gaz.
Ces 600 éoliennes seront en principes fonctionnelles en 2015. Elles produiront donc 9 TWh, 1.7% du total. Ces 1.7% seront évidemment largement bouffés par l'inéluctable augmentation de la consommation, compagne inéluctable de la « croissance ». Le temps d'en construire 600 autres, ce sera encore pire. Surtout quand la voiture électrique commencera à percer, même si ce n'est pas avant 2020.
Mais admettons, comme dirait la chauve-souris de Bigard. Admettons que l'on réussisse à construire des milliers d'éoliennes offshore, pour produire 400 TWh et remplacer les centrales nucléaires existantes. Il en faudrait pour cela environ 27000, soit peut être 450 milliards d'euros. Une paille.
Le problème, c'est que ce ne serait même pas suffisant. Et même en doubler encore le nombre ne résoudrait pas le problème. Imaginons un gigantesque anticyclone sur la France, le calme plat, et toutes ces éoliennes ne produiraient quasiment plus rien. On fait quoi ? Par contre, en période de grand vent, elles produiraient sans doute trop. Que faire, alors ?
La solution compliquée consiste à avoir en réserve des centrales à gaz qui prendraient le relais en période de calme plat. Sauf que ces centrales émettent des mégatonnes de CO2, et qu'il en faudrait des quantités considérables, presque autant que la puissance des éoliennes… Tant qu'il restera du gaz…
Il n'y a pas de solution simple. Mais il me semble que la première des mesures à prendre, avant même de réfléchir à quoi que ce soit est d'orienter l'économie à la décroissance, qui entraînerait en premier lieu une décroissance des besoins énergétiques. C'est étrange, personne n'en parle, de celle-là…
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