[Sortie d'usine] Comment BMW monte en puissance pour maîtriser les batteries de A à Z
JULIEN COTTINEAU Usine Nouvelle le 03/02/2020
VIDÉO Le constructeur allemand BMW a ouvert fin 2019, près de Munich, son centre de compétences en cellules de batteries, qui abrite une véritable usine. Visite guidée.
C'est la pièce manquante dans son programme d’électrification. Depuis 2008 et le début de son engagement dans les véhicules électriques, BMW a travaillé sur toutes les technologies des batteries. Le constructeur allemand peut d’ailleurs produire lui-même ses modules et ses packs intégrés de batteries. Seule exception : les cellules. Soit le cœur du système et la composante à la plus haute valeur ajoutée.
Si 40 % du coût d’un véhicule électrique résident dans le système de batteries, 80 % du coût d’une batterie se trouvent dans la cellule. Cet assemblage électrochimique regroupe les deux électrodes (cathode et anode), l’électrolyte (fluide mélangeant solvants et sels), et le séparateur, une membrane poreuse permettant la circulation des différents éléments et les réactions tout en protégeant les électrodes et en évitant les courts-circuits. Le coût de la cellule est lié, aussi à 80 %, aux matériaux qu’elle incorpore. Le chaînon manquant de BMW dans l’électrification s’avère donc stratégique.
Vision à 360°
Suite à un investissement de 200 millions d’euros et quatre ans de préparation, BMW a ainsi ouvert en novembre 2019 son centre de compétences en cellules de batteries. À une demi-heure de Munich, en Allemagne, l’édifice abrite 8 000 m2 d’espaces techniques où officient 200 chercheurs et techniciens spécialisés en physique, chimie et électromobilité. Au-delà des laboratoires de R & D, le constructeur est allé jusqu’à implanter une unité industrielle pilote, automatisée, pour reproduire la totalité des étapes de production des cellules de batteries. L’usine se déploie sur plusieurs ateliers pour la sélection et les mélanges des matières premières des électrodes, la production des électrodes, l’assemblage des cellules avec les séparateurs, jusqu’à l’intégration avec les électrolytes. En bout de chaîne, BMW a implanté une section pour tester les batteries. On y trouve notamment de multiples unités chargées de simuler les cycles de chargement et de déchargement, ainsi qu’un laboratoire pour éprouver la solidité et la performance des batteries en conditions extrêmes.
Plusieurs missions ont été affectées au nouveau centre de BMW. Les travaux de recherche se penchent sur l’amélioration de l’intensité énergétique, des pics de puissance, de la sécurité, de la durée de vie, du poids des batteries, de la réduction des coûts ou encore des performances de chargement des batteries. Soit un ensemble qui passe par la recherche des meilleurs matériaux et de leurs associations dans les cellules pour optimiser les caractéristiques. Le centre sert également de plate-forme collaborative. Les développements sont menés avec une multitude de partenaires universitaires, institutionnels et industriels, des start-up, notamment dans le domaine de la chimie. Les producteurs de cellules de batteries sont évidemment associés. Si BMW n’envisage pas de se lancer lui-même dans la production de cellule, en tout cas pas à court terme, le constructeur entend peaufiner ses cahiers des charges pour adapter au mieux ses spécifications de cellules en fonction de ses différents modèles.
Le lithium-ion, une priorité
Les besoins du groupe vont être rapidement croissants dans le domaine de l’électrification. "Chaque année, la part de nos véhicules électrifiés augmentera de 30 %, et en 2030 la moitié de nos nouveaux véhicules seront électrifiés", affirme Oliver Zipse, le nouveau PDG de BMW. Positionné sur les véhicules hybrides et entièrement électriques, le constructeur veut nettement accélérer sur ce second segment. Sa citadine i3, son seul véhicule 100 % électrique actuellement sur le marché, sera rejointe début 2020 par la Mini Cooper SE, puis par le SUV iX3, avant le coupé i4 en 2021. En 2025, le groupe BMW table sur pas moins de 25?types de véhicules électrifiés disponibles sur le marché.
En plus de cahiers des charges sur-mesure, BMW assurera l’approvisionnement de ses fournisseurs de cellules en matières premières stratégiques, comme le cobalt ou le lithium pour la production des électrodes. Oliver Zipse tient à "assurer l’entière responsabilité de la supply chain. À partir de 2020, nous voulons être sûrs de la provenance et de la manière dont sont produits les matériaux critiques nécessaires, et les acheter nous-mêmes pour nos fournisseurs. Nous voulons une transparence totale". Sur ce point, le groupe a déjà entamé une revue de ses filières.
Sur le plan des technologies, le centre se concentre aujourd’hui sur le lithium-ion, considéré comme la technologie la plus efficace dans le domaine automobile actuellement en termes de densité énergétique et d’autonomie conférée aux véhicules. Et qui est loin d’avoir épuisé ses possibilités de développement grâce au foisonnement de combinaisons entre les constituants et composants pour optimiser les caractéristiques. Pour autant, BMW ne veut pas se fixer de limites. "Les équipes de recherche travaillent avec des partenaires dans le monde entier dans toutes les directions, nous sommes totalement ouverts", souligne Peter Lamp, le responsable des technologies des cellules de batteries chez BMW.
Le constructeur ne détourne donc pas les yeux des autres technologies envisageables pour les cellules, comme le lithium-air, le sodium-ion, le lithium-soufre ou les batteries solides. En attendant, le lithium-ion demeure la priorité.
Des filières de matériaux stratégiques plus responsables
BMW veut s’approvisionner de manière responsable en matériaux critiques pour ses cellules. Dès cette année, le groupe ne se fournit plus en cobalt en République démocratique du Congo (RDC), le premier pays producteur au monde, mais manquant de stabilité politique et de normes environnementales et sociétales suffisantes. BMW s’approvisionnera ainsi depuis le Maroc et l’Australie. Toutefois, le groupe s’est associé jusqu’en 2022 à Samsung et BASF pour tenter de mettre sur pied une filière cobalt responsable en RDC. Pour le lithium, BMW privilégiera le sourcing depuis l’Australie où il est extrait de roches dures, donc avec un impact hydrique moindre que les procédés utilisés au Chili et en Argentine, les principaux producteurs mondiaux. Enfin, BMW étudie les filières de recyclage. Pour le cobalt, le taux potentiel de récupération s’élèverait à 92 %, pour un prix équivalent à celui du cobalt primaire, et les filières de recyclage devraient se mettre en place entre 2020 et 2025. Le marché du recyclage du lithium serait en revanche encore loin d’être mature. Des volumes suffisants et des prix moins élevés ne seraient pas envisageables avant 2025.