Les voyageurs échappent à une taxe kérosène
Stavros Dimas (Grèce) est le commissaire euripéen de l'Environnement (photo Reuters)La Commission européenne a présenté mercredi une nouvelle directive pour lutter contre le réchauffement climatique. Si la proposition est acceptée, les compagnies aériennes seront obligées chaque année de respecter des quotas d’émissions de gaz carbonique par les avions et de payer si elles dépassent ces quotas.
La mesure semble enterrer, pour le moment, le projet de taxe sur le kérosène.
L’aviation entre à la bourse du gaz carbonique
Stauros Dimas, le commissaire européen à l’Environnement, a proposé mercredi d’étendre à l’aviation le système de quotas d’émissions de gaz carbonique (dioxyde de carbone). Un système qui concerne déjà par exemple les industriels de la papeterie.
Si le Conseil et le Parlement européen sont d’accord, les compagnies aériennes vont se voir attribuer chaque année, par leur pays, un quota de dioxyde de carbone qu’ils sont autorisés à émettre. S’il leur en faut davantage, à mesure que le trafic aérien augmente, les compagnies devront acheter des droits à polluer au sein d’une bourse spécialisée.
En 2011 puis 2012
Tous les vols à l’intérieur de l’Union européenne seront concernés à partir de 2011. En 2012, tous les vols en provenance ou à destination de pays de l’Union. Il s’agit d’abord de limiter les émissions de dioxyde de carbone, mais plus tard, d’autres gaz à effet de serre devraient être soumis aux quotas.
La Commission a préféré ce système de quotas à l’instauration d’une taxe sur le kérosène, le carburant des avions. Cependant, la mesure pourrait quand même se traduire par un surcoût sur le prix de billets compris entre 1,80 et 9 euros par vol selon l’estimation de la Commission. Les compagnies redoutent un supplément de 40 euros pour un vol long-courrier.
Les compagnies satisfaites
Les compagnies aériennes se félicitent du système adopté. La taxe aurait coûté cher, et pour chaque litre de carburant. Avec ce système, elles paieront seulement les dépassements de quotas.
« Cette solution apparaît comme la plus vertueuse pour maîtriser l’impact du transport aérien sur le climat, sans compromettre le développement d’un secteur d’activité », indique Air France dans un communiqué.
David Handerson, porte-parole de l’Association des compagnies aériennes européennes, explique que les quotas sont plus efficaces pour atteindre des objectifs précis de réduction d’émissions. « Vous pouvez, en fixant des quotas, décider une réduction de x%. Ce n’est pas possible avec une taxe. »
Les écolos veulent plus
Les réactions sont positives aussi parmi les écologistes, même s'ils trouvent la mesure timide. AInsi chez Greenpeace.
Mais Morgane Créach, responsable du Réseau Action climat France, estime qu'une taxe kérosène serait plus efficace pour inciter les compagnies à économiser le carburant. « De plus, je ne suis pas sûre que tous les Etats accepteront ces quotas en 2012. Or les vols intracommunautaires, c’est 40% des avions qui décollent ou atterrissent dans l’UE. »
Elle rappelle qu’aujourd’hui, le kérosène, contrairement à l’essence, n’est pas imposé. « La non-taxation du kérosène, dans les années 1940, visait à favoriser l’essor du transport aérien. Elle n’a plus lieu d’être. »
Aurélie Blondel
L’Europe lutte contre le réchauffement
Comment respecter les engagements pris dans les accords internationaux de Kyoto en 1992? L’Europe répond : grâce aux quotas d’émissions de dioxyde de carbone – des droits à polluer. Ils ont été imposés à certaines industries depuis début 2005. Ce système doit concerner bientôt l’aviation.
Comment fonctionne « la bourse carbone »
Plus de 10 000 industriels européens ont désormais chaque année le droit d’émettre un certain nombre de tonnes de CO2 – principal gaz à effet de serre. Les entreprises concernées : le secteur de l’énergie, la production et la transformation de métaux ferreux, la fabrication de papier, l’industrie minérale.
Cours et volumes sur la bourse des droits à polluer Powernext (cliquer pour agrandir)
Lorsqu’ils ont utilisé leurs quotas de base, les industriels qui en ont encore besoin peuvent en acheter auprès d’autres industriels qui en ont trop. La transaction se fait au sein d’une « bourse carbone ». Il y en a 6 en Europe, dont une en France : Powernext, filiale d’Euronext (marchés financiers de Paris et Amsterdam notamment).
40 euros la tonne
Les entreprises concernées déclarent leurs émissions de gaz carbonique chaque année. Si elles dépassent leurs quotas, elles doivent payer une amende fixée pour l’instant à 40 euros par tonne de trop.
L’objectif est d’inciter les industriels à investir dans des techniques moins polluantes pour gagner de l’argent en revendant leurs quotas. Il faut donc, à chaque période, diminuer les quotas, pour que ceux-ci demeurent une denrée rare et que leur cours reste élevé.
Avec ce système, l’Europe compte respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto : diminuer de 8% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2012 (par rapport au niveau d’émissions de 1990). Pour y parvenir, elle veut aujourd’hui intégrer au système un nouveau secteur : l’aviation.
Une pollution marginale, mais qui augmente vite
Les émissions de gaz carbonique des avions ne représentent que 3% du total des émissions de l’Union. Mais la Commission est inquiète, car elles augmentent très rapidement : +87% depuis 1990, et d’ici à 2020 les émissions devraient encore doubler par rapport au niveau actuel.
Selon la Commission, un voyageur qui vole, aller-retour, entre Londres et New York produit autant de gaz à effet de serre qu’un ménage européen pour chauffer son logement pendant un an.
Le prix des billets va augmenter
De 5 à 40 euros de plus selon les compagnies, entre 1,80 et 9 euros seulement pour la Commission européenne. Les évaluations ne sont pas précises, mais tous les intervenants s’accordent à dire que le prix du billet d’avion va augmenter avec l’instauration des quotas. Une hausse qui devrait être toutefois limitée par rapport à la croissance des prix due à l’augmentation des tarifs du pétrole.
Nouveaux avions, nouveaux moteurs
«Les compagnies devraient répercuter sur le prix les investissements qu’elles vont devront faire pour diminuer les émissions de dioxyde de carbone», explique David Handerson, porte-parole de l’Association des compagnies aériennes européennes.
«Les nouveaux avions sont toujours moins polluants que leurs prédécesseurs. Les compagnies vont sûrement mettre les vieux appareils à la retraite et renouveler leur flotte. Ce sont des coûts importants», ajoute-t-il.
Des astuces sur les pistes d’aéroports
Les constructeurs cherchent à rendre les moteurs d’avion plus propres. Avec l’Union européenne, ils participent notamment à plusieurs programmes pour améliorer les rendements et réduire les émissions de gaz à effet de serre (programmes Newac, Clean, etc.).
Pour que la mesure soit efficace pour le climat, les compagnies doivent aussi faire des efforts pour mettre en place des systèmes moins « carburantivores ».
Charles Branson, le patron de la compagnie aérienne britannique Virgin, préconise d’allumer plus tard les moteurs avant le décollage, par exemple en les remorquant le plus loin possible sur de la piste.
Réduire le temps d’attente avant le décollage, mais aussi avant l’atterrissage, en organisant mieux les aéroports : c’est également ce que préconise Morgane Créach, du Réseau action climat France.
Ce qu’aurait coûté une taxe
Enfin, l’impact de la décision européenne dépend bien sûr des quotas autorisés. S’ils sont trop importants, le cours des droits à polluer vendus sur le marché ne sera pas élevé, et les compagnies ne seront pas incitées à économiser.
Si la tonne de carbone (gaz carbonique) valait 30 euros sur la bourse des droits à polluer, l’impact sur les compagnies aériennes s’élèverait à 2,9 milliards de dollars en 2011, selon l’Association internationale du transport aérien international (Iata). Mais les cours du droit d'émettre du gaz sont bien inférieur en ce moment.
Dans tous les cas, l’impact sur les compagnies sera beaucoup moins élevé qu’avec une taxe carbone. Combien aurait coûté cette mesure ? Le chiffre de 14 milliards d’euros a été avancé par l’Iata en 2005.
La taxe n’est toutefois pas à mettre aux oubliettes, comme l’explique Jean-Marc Jancovici, spécialiste du climat. Avec le réchauffement qui suscite de plus en plus le débat ,«l'idée va revenir sur le tapis », estime-t-il.
Les chiffres
D'où vient le gaz carbonique en Europe (cliquer pour agrandir)3 % du gaz carbonique
Le secteur aérien ne produit 3 % du gaz carbonique, mais la quantité a presque doublé en 15 ans et devrait à nouveau le faire d’ici à 2020.
7% de gaz en moins
Le système de quotas imaginé par la Commission de Bruxelles permettrait de réduire de 7% les émissions de gaz carbonique, responsable du gaz à effet de serre.
2,9 MD€ de surcoût
L’instauration de quotas de gaz carbonique pourrait représenter 2,9 milliards d’euros de charges supplémentaires, selon l’Association du transport aérien international.
40 € par billet ?
Les compagnies estiment que le prix d’un billet long-courrier pourrait augmenter jusqu’à 40 euros. La Commission estime de son côté que l'augmentation des prix ne dépassera pas 9 euros par vol.
Pour en savoir plus
Du côté de la Commission européenne
le texte de la proposition de directive de la Commission : http://ec.europa.eu/environment/climat/ ... 273_fr.pdf
Le communiqué de la Commission européenne : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAct ... anguage=en
Les pages du site de l’Union européenne consacrées au réchauffement climatique. Vous pouvez, grâce à la « Calculatrice CO2 », y calculez de façon très précise de combien vous pourriez diminuer vos émissions de gaz à effet de serre en appliquant quelques principes simples : http://ec.europa.eu/environment/climat/ ... dex_fr.htm
Le CV de Stavros Dimas, le commissaire européen chargé de l’environnement. http://ec.europa.eu/commission_barroso/ ... /cv_en.htm
Du côté des compagnies et industriels
Air France donne, dans un communiqué, son avis sur la proposition de la Commission : http://www.airfrance.fr/FR/fr/local/tou ... dgfndfjf.0
L’Association des compagnies aériennes européennes réagit à la proposition de la Commission. http://www.aea.be/dbnetgrid2//htmledito ... 06-056.pdf
Un article de l’Organisation internationale de l’aviation civile sur l’émission de gaz par les avions : http://www.icao.int/icao/fr/env/aee_f.htm
Le chapitre « environnement » du site de la Snecma, qui construit notamment les moteurs des avions: http://www.snecma.com/rubrique.php3?id_ ... 〈=fr
Sur l’effet de serre
Le site du Réseau Action climat France, qui regroupe 13 associations nationales (par exemple le WWF, Greenpeace). Vous y trouverez de nombreuses informations sur l’effet de serre : http://www.rac-f.org
Le site Econologie, qui plaide pour des économies plus responsables, montre que les avions ne sont que très faiblement responsables de l’émission de gaz à effet de serre : https://www.econologie.com/avions-et-co2 ... s-715.html
Le site de la bourse française des droits à émettre du gaz carbonique. http://www.powernext.fr/
Des informations sur le protocole de Kyoto sur Wikipédia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Ky%C5%8Dto
Le site de Jean-Marc Jancovici, spécialiste du réchauffement climatique : http://www.manicore.com
Sur le site britannique Myclimate, vous pouvez payer, si vous le voulez, une taxe avion, pour rendre votre vol « climatiquement neutre ». Vous indiquez vos aéroports de départ et d’arrivée, et l’ordi calcule ce que votre voyage va coûter au climat : www.myclimate.co.uk
Lire aussi:
https://www.econologie.com/avions-et-co2 ... s-715.html
