Les microplastiques contaminent nos organes... jusqu'à notre cerveau
Une étude en phase de pré-publication fait état de la présence de particules de plastique dans des échantillons de cerveau recueillis lors d'autopsies aux États-Unis, rapporte le Guardian.
Après les poumons, le placenta, les testicules, le foie, les vaisseaux sanguins, les articulations et même la moelle épinière… il ne manquait plus que lui : le cerveau est venu rejoindre la liste des organes humains contaminés par les microplastiques et les nanoplastiques – d'infimes particules de plastique dont la taille varie entre un milliardième de mètre (nanomètre) et cinq millimètres.
Les auteurs d'une étude en phase de pré-publication (en attente de relecture par des spécialistes du domaine) partagée par l'agence de recherche médicale américaine (NIH) ont en effet détecté des particules de plastique dans des échantillons de tissu cérébral recueillis lors d'autopsies en 2016 et en 2024 à Albuquerque, Nouveau-Mexique (sud-ouest des États-Unis), relate le Guardian (21 août 2024).
Ainsi, "les 91 échantillons de cerveau en contenaient en moyenne 10 à 20 fois plus que les autres organes" (foie et reins), pointent nos confrères. Ce qui ferait du centre de commandement nerveux de notre organisme "l'un des tissus les plus pollués par le plastique jamais échantillonnés", note l'étude.
0,5 % de plastique en poids
Parmi ces prélèvements, ceux réalisés cette année, au nombre de 24, contenaient en moyenne environ 0,5 % de plastique en poids. "C'est assez alarmant", a confié au Guardian Matthew Campen, toxicologue et professeur de sciences pharmaceutiques à l'université du Nouveau-Mexique, premier auteur de l'étude. Et de souligner :
Il y a beaucoup plus de plastique dans notre cerveau que je ne l'aurais imaginé ou que je n'aurais pu le tolérer.
Il semblerait en outre que la situation s'aggrave. L'étude révèle en effet que la quantité de microplastiques dans l'ensemble des échantillons de cerveau de 2024 était supérieure d'environ 50 % au total des échantillons datant de 2016. La concentration de ces polluants synthétiques dans le cerveau humain augmenterait donc à un "rythme similaire à celui observé dans l'environnement".
Si elles demandent à être confirmées et élargies à davantage de personnes, les conclusions de l'étude en pré-publication semblent néanmoins cohérentes avec des travaux antérieurs ayant déjà décelé des particules de plastique dans le cerveau d'animaux non humains, remarque Bethanie Carney Almroth, éco-toxicologue à l'université de Göteborg en Suède, qui n'a pas contribué à la nouvelle étude.
Or, compte tenu des connaissances actuelles sur les effets du plastique sur la santé des animaux (cancers, problèmes de fertilité, d'immunité, de mémoire et d'apprentissage), ainsi que des études sur les cellules humaines en laboratoire (effet de stress oxydatif), ces nouveaux résultats chez l'homme "soulèvent de nombreuses inquiétudes" : "Je dirais que c'est effrayant", frémit la chercheuse.
Maladie d'Alzheimer ?
Par ailleurs, sans toutefois pouvoir prouver un lien de cause à effet, les auteurs notent que la douzaine d'échantillons de cerveau prélevés sur des personnes décédées de démence, notamment de la maladie d'Alzheimer, contenaient jusqu'à 10 fois plus de plastique en poids par rapport à ceux de personnes décédées d'autres causes.
"Je ne sais pas combien de plastique notre cerveau peut encore accumuler sans que cela ne pose de problèmes", se demande ainsi Matthew Campen. "Il est désormais impératif de déclarer une urgence mondiale" pour lutter contre la pollution plastique, prône pour sa part le Dr Sedat Gündoğdu, de l'université de Cukurova, en Turquie, également contacté par le média britannique.
Car l'humanité et la faune sauvage se trouvent exposées aux polymères de plastique et à leurs additifs chimiques (phtalates et bisphénols, notamment) à travers l'eau, l'air et l'alimentation. "Il n'y a plus rien de vierge, des profondeurs de la mer à l'atmosphère (des études avaient décelé des microplastiques dans les nuages, NDLR) en passant par le cerveau humain", conclut Bethanie Carney Almroth.
https://www.geo.fr/environnement/le-cer ... ues-221820Le pre-print:
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC11100893/