pedrodelavega a écrit :tu es conscient que tu essaies de dialoguer avec un fou?
Oui... mais faut leur laisser une chance ...
pedrodelavega a écrit :tu es conscient que tu essaies de dialoguer avec un fou?
https://www.courrierinternational.com/a ... oir_226114Opinion. Yassin Al-Haj Saleh : “Douter de la sincérité de HTC en Syrie est un devoir”
Ce militant laïc et anti-Assad de longue date doute des gages de modération affichés par les nouveaux maîtres du pays. Ce qu’il faut, dit-il, c’est créer un courant politique incarnant les idéaux de la révolution syrienne.
La Syrie a subi l’emprise des salafistes djihadistes à partir de 2013. Pendant les années de leur folle progression, ils ont commis des crimes abjects, et la cause initiale du soulèvement syrien [la démocratisation du pays] semblait définitivement perdue.
Or les islamistes d’aujourd’hui semblent être différents de ces islamistes d’hier qui prônaient l’emprise totale. Ils sont redescendus sur terre et hissent désormais le drapeau de la révolution syrienne qu’ils avaient jusque-là réprouvée. Ils parlent maintenant du soulèvement [prodémocratique], alors que leur imaginaire politique était jusque-là habité par l’oumma [nation] musulmane. Ils ont modéré leur langage et leurs pratiques alors qu’ils étaient jusque-là tout ce qu’il y a de plus extrémistes.
Tous les groupes islamistes s’étaient laissé gagner par une ivresse extrémiste qui n’était pas seulement incompatible avec les idées de citoyenneté, d’égalité et de droits humains. C’était également en rupture avec l’islam sunnite traditionnel, qui tend à accepter [d’autres communautés religieuses].
Des groupes étrangers à la révolution syrienne
Aujourd’hui, ces mêmes islamistes syriens font montre d’une modération qui semble renouer avec cette tradition du sunnisme, en acceptant le pluralisme religieux et culturel hérité du passé. Mais cela ne veut pas dire qu’ils acceptent le pluralisme politique.
L’emprise du djihadisme avait pris toute son ampleur avec Daech, qui a broyé les êtres humains dans les zones qu’il contrôlait [à partir de 2014]. Daech avait fait la synthèse entre les régimes totalitaires qui espionnent les faits et gestes des citoyens jusque dans la sphère privée, et un esprit d’occupation coloniale de remplacement – à l’image de ce que fait Israël.
Daech attribuait en effet les maisons abandonnées par les Syriens en fuite à leurs propres combattants. Ces djihadistes, électrons libres venus de n’importe où, étaient affranchis de tout cadre. Il n’y avait ni coutumes locales ni connexions sociales pour les rattacher au “commun des musulmans”.
Cette organisation terroriste ne faisait pas la distinction entre soldats et civils, excommuniait à tout-va, sans discernement, et mettait savamment en scène ses exécutions pour régner par la terreur. Comme le régime d’Assad, qui lui aussi terrorisait la population avec la barbarie de ses moukhabarat [renseignements généraux].
Les électrons libres du djihadisme
Daech n’était pas issu des dynamiques révolutionnaires. Même pas des dérives que la révolution a connues à partir de 2012 en matière de radicalisation, de militarisation, d’islamisation et de confessionnalisation.
Le Front Al-Nosra [ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, dont a émergé le groupe Hayat Tahrir Al-Cham, désormais au pouvoir] non plus n’était pas vraiment issu de la révolution syrienne. Il était composé de djihadistes venus d’Irak, en profitant de la guerre que Bachar El-Assad menait contre la révolution.
Lui aussi rassemblait les électrons libres du djihadisme, venus d’un peu partout. C’est sur leur compte qu’il faut mettre les attaques contre des civils alaouites [minorité musulmane issue du chiisme duodécimain] en 2013 dans la région de Lattaquié, ainsi que l’attaque contre des Druzes [secte musulmane hétérodoxe] dans la province d’Idleb en juin 2015. Et il semble que ce sont eux encore qui, le mois dernier, ont incendié un sapin de Noël à Al-Suqaylabiyya [près de Hama, la veille de Noël].
Ahmed El-Charaa restera le dirigeant de facto de la Syrie au moins jusqu’au 1er mars, tout comme le gouvernement transitoire, annoncé le 10 décembre. Le calendrier est en revanche moins précis sur la suite de la transition politique.
Fin décembre, le chef de Hayat Tahrir Al-Cham a annoncé que toutes les factions armées, y compris son groupe, se dissoudraient “en temps voulu” pour intégrer le ministère de la Défense. Cette restructuration s’accompagnerait d’une conférence de dialogue national axée sur la rédaction d’une nouvelle Constitution, a-t-il ajouté, sans toutefois préciser la date de lancement du dialogue.
Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, le nouveau maître de la Syrie a estimé en revanche qu’il faudrait jusqu’à trois ans pour rédiger une nouvelle Constitution. Et jusqu’à quatre ans pour organiser les premières élections libres dans le pays, après plus d’un demi-siècle de règne dictatorial. D’ici là, un gouvernement transitoire élargi aux autres composantes de la société devrait en principe continuer d’assurer la transition. Courrier International
Le Front Al-Nosra a ensuite fait scission avec Daech pour se recentrer sur la Syrie et pour se modérer, au point de combattre d’autres groupes djihadistes plus extrémistes. Il a également rompu ses liens avec Al-Qaida, et changé de nom pour s’appeler Hayat Tahrir Al-Cham (HTC). Et, pour finir, il a hissé le drapeau de la révolution afin de se réclamer désormais [non plus du djihadisme international], mais de la révolution syrienne.
Quant à Jaych Al-Islam, il n’a eu de cesse de nourrir la guerre civile et de s’en prendre aux habitants de Douma, ville près de Damas dont il avait fait son fief. Alors que la population y était déjà assiégée et pilonnée quotidiennement par le régime Assad, Jaych Al-Islam s’évertuait à assassiner et à torturer au nom du redressement moral.
Il a également pratiqué des disparitions forcées comme dans le cas de Samira Al-Khalil [épouse de Yassin Al-Haj Saleh, l’auteur de cet article], de Razan Zaitouneh, de Wael Hamada et de Nazem Hammadi. [Tous les quatre étaient militants des droits humains au centre de documentation des violations en Syrie (VDC), avant d’être enlevés, très probablement par Jaych Al-Islam, en 2013, sans qu’on ait aucune trace d’eux depuis.]
Mais revenons à ceux qui se sont imposés comme nouveaux dirigeants de la Syrie, depuis leur prise de Damas le 8 décembre dernier, à savoir Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) sous la tutelle d’Ahmed El-Charaa, alias Abou Mohammed Al-Joulani.
Il est évidemment possible de douter de la sincérité des gages de modération qu’ils donnent. C’est même un devoir d’en douter. Il n’en reste pas moins que le point culminant de la vague salafiste djihadiste est probablement derrière nous, et qu’à partir de la nouvelle situation politique, il y aura des tensions au sein du camp islamiste même, entre les raisonnables et les fous religieux.
Par ailleurs, il faut s’attendre à ce que HTC cherche à établir un modèle politique qui s’apparente à la tradition de l’islam sunnite, à savoir un pouvoir “sultanien” qui accorde la centralité à l’islam sunnite, mais prend en compte la réalité religieuse du pays et donne des “assurances” aux autres groupes religieux et confessionnels.
Mais, encore une fois, si le pluralisme religieux semble acquis, il n’en va pas de même du pluralisme politique.
C’est là qu’il faut douter de la solidité de la modération de HTC. Car ce n’est en réalité qu’un pragmatisme par lequel les islamistes montrent qu’ils tiennent compte des réalités. Il n’y a rien pour donner du souffle à cette modération, puisqu’il n’y a pas eu d’affrontement intellectuel sur ce sujet. Seul un débat courageux pourrait permettre de répondre présent aux valeurs de la liberté et de l’égalité dans le monde moderne.
Au bord de la route
Ceux qui risquent de rester au bord de la route sont ceux qui ne rentrent pas dans les catégories de ce nouveau pouvoir, à savoir les Syriens de gauche, libéraux, athées, non croyants.
Pour l’instant, il n’y a pas de cadre leur permettant d’être représentés. C’est précisément de la création d’un tel cadre que je me préoccupe. Il représenterait la porte d’entrée pour un pluralisme politique.
La forme du régime politique dans la Syrie post-Assad ne se définira pas seulement par les projets des nouveaux maîtres, mais également par la capacité de vastes pans de la société syrienne à organiser leurs forces pour faire entendre leurs voix et s’imposer comme acteurs politiques.
Yassin Al-Haj SalehYassin Al-Haj Saleh est un intellectuel, écrivain et dissident politique syrien. Ex-militant communiste, il est emprisonné entre 1980 et 1996 sous le règne de Hafez El-Assad. Il prend fait et cause pour le soulèvement contre Bachar El-Assad dès 2011 et entre dans la clandestinité. En décembre 2013, son épouse est enlevée près de Damas. Il s’exile en Turquie en 2014, puis rejoint l’Allemagne en 2017. En France, certains de ses écrits ont fait l’objet d’un recueil, La Question syrienne (Actes Sud, 2016). Courrier international a régulièrement publié ses textes.Syrie : pas d’élections avant quatre ans ?
Ahmed El-Charaa restera le dirigeant de facto de la Syrie au moins jusqu’au 1er mars, tout comme le gouvernement transitoire, annoncé le 10 décembre. Le calendrier est en revanche moins précis sur la suite de la transition politique.
Fin décembre, le chef de Hayat Tahrir Al-Cham a annoncé que toutes les factions armées, y compris son groupe, se dissoudraient “en temps voulu” pour intégrer le ministère de la Défense. Cette restructuration s’accompagnerait d’une conférence de dialogue national axée sur la rédaction d’une nouvelle Constitution, a-t-il ajouté, sans toutefois préciser la date de lancement du dialogue.
Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, le nouveau maître de la Syrie a estimé en revanche qu’il faudrait jusqu’à trois ans pour rédiger une nouvelle Constitution. Et jusqu’à quatre ans pour organiser les premières élections libres dans le pays, après plus d’un demi-siècle de règne dictatorial. D’ici là, un gouvernement transitoire élargi aux autres composantes de la société devrait en principe continuer d’assurer la transition.
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