TRADUCTION de la lettre de Gorbachev publiée le Jeudi 22 Avril 2004 par CommonDreams.org
Pour une Glasnost Mondiale par Mikhail Gorbachev
MOSCOU - La mondialisation dirigée par le marché tend à renforcer la notion, dérivée de la théorie néo-libérale, selon laquelle les indicateurs des produits bruts sont la seule unité de mesure de la richesse nationale et du progrès. L'accumulation du capital et la consommation individuelle bénéficient d'un statut supérieur à celui des valeurs spirituelles et sociales ou à celui de l'héritage culturel.
Les résultats cumulés de toutes les décisions individuelles fondées sur cette logique mènent à long terme vers des conséquences imprévisibles et dangereuses pour l'environnement et la société
Les sponsors de cette idéologie- notablement les Etats-Unis- bénéficient le plus de sa dissémination sur la planète. On est souvent confronté à l'argument selon lequel la mondialisation, telle que nous la connaissons, est un « fait accompli », un processus entièrement extérieur à notre contrôle.
Les plus acharnés à défendre cet argument sont, et ce n'est pas surprenant, ceux qui veulent installer dans l'esprit du public la futilité et le non-sens de toute opposition à la mondialisation.
Mais la mondialisation, comme tous les autres régimes économiques, est un choix politique. Que la politique se tienne derrière la mondialisation est évident. Au cours des années récemment écoulées, cela a
été clairement illustré par la poursuite d'un programme impérialiste d'application de la force par les néo-conservateurs aux Etats-Unis qui cherchent à tirer avantage de la mondialisation pour imposer leur volonté au reste du monde.
Pourquoi le facteur force est-il venu au devant de la scène ? Il existe quelques faits très simples.
Les ressources naturelles sont épuisées. Leur utilisation a déjà excédé un point critique. Pour une portion plus petite (et s'amenuisant) de l'humanité, s'accaparer la part du lion des ressources signifie priver le
reste du monde (une majorité croissante) d'un accès égal à ces ressources et, dans beaucoup de cas, aux moyens essentiels de subsistance. En reniant la signature par les Etats-Unis du Protocole de Kyoto et en ouvrant les hostilités contre l'Iraq à partir de fausses allégations, en rupture avec la loi internationale et faisant fi du système des Nations Unies, le Président Georges W. Bush a prouvé son mépris évident de l'opinion mondiale et des intérêts des autres.
Pendant les deux premières années de sa présidence, sous le prétexte de libérer la croissance économique, Bush a effectué plusieurs changements majeurs dans les programmes environnementaux qui ont miné de façon significative les piliers principaux de la législation écologique américaine mise en place durant les quatre décennies précédentes. Pourtant il n'a pas réfléchi à deux fois avant de dépenser des milliards (sans mentionner les milliers de vies humaines) dans la guerre en Iraq
Une telle ligne d'action est pétrie de dangers, non seulement pour l'environnement, mais aussi parce qu'elle exacerbe les conflits à l'échelle globale entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres. Les
événements dramatiques du 11 Septembre 2001 ont été une représentation lisible de ce qui peut émerger d'une disparité aussi profonde.
Existe t'il une alternative ? Oui.
L'histoire n'est pas prédéterminée. Il y a de l'espace pour une alternative dans chaque situation. C'est cette poursuite d'un modèle alternatif qui a mené à l'élaboration d'un programme de développement viable
et intégré pour le monde en 1992.
L'Agenda 21 a été soutenu par les Etats-Unis et appliqué par les chefs de la plupart des états et gouvernements à Rio. Pour la première fois dans l'histoire, la communauté mondiale a réussi à concevoir et à se mettre d'accord sur un plan stratégique conçu pour répondre aux deux problèmes liés de la pauvreté et des dommages écologiques.
Toutefois, de sérieux obstacles ont émergé dés que la mise en ouvre a commencé. Les gouvernements des pays industrialisés ont choisi de se rétracter de leurs engagements, en particuliers de ceux qui concernaient les contributions à l'aide au développement, au profit d'une philosophie de libéralisme économique, de dérégulation et de croissance économique accélérée. Dans le même temps, les opposants au paradigme du développement viable et intégré n'ont épargné aucun effort pour essayer de discréditer l'
idée dans l'esprit du grand public. Malgré tout, l'intérêt est toujours présent. Le mouvement "anti-mondialiste", ainsi nommé, (en fait, un mouvement contre l'intégrisme du marché) est en faveur d'une alternative au modèle de développement. Son slogan est « Un Autre Monde est Possible ! »
Les partis sociaux démocrates internationaux, les mouvements des « verts » et « slow food » ruraux à travers le monde, ainsi que des milliers d'ONG (organisation non gouvernementales) représentant des millions de membres se tiennent aussi derrière le principe du développement viable et intégré. Ensemble, ces groupes et ces mouvements forment une force puissante dont la pression est ressentie de façon croissante par l'élite dirigeante.
Que pouvons-nous faire de significatif ? D'abord, il est nécessaire que nous jetions un pont entre notre conscience morale et les défis de notre temps. Le consumérisme et l'égocentrisme national continuent de constituer une menace sérieuse envers l'accomplissement des buts du développement viable et intégré. Un revirement ne sera pas possible tant que demeurera un écart entre la nécessité objective de changer les schémas dominants de comportements et la mauvaise volonté subjective des états, des communautés,
des individus à effectuer ce changement. Ce revirement doit commencer avec des changements dans l'esprit humain, à travers une redéfinition des priorités de notre système de valeurs.
Aujourd'hui, je suis convaincu que les citoyens du monde ont besoin d'une « glasnost » reformulée, pour les revigorer, les informer et les inspirer dans le but de mettre les ressources en péril de notre planète et
notre connaissance au service et au bénéfice de tous. Nous ne devons pas retourner aux temps de la dépense militaire prolifique et de la peur de ceux dont les coutumes sont différentes des nôtres. Une fois que les gens savent qu'ils ont le pouvoir de changer cela, ils ne peuvent plus tolérer de vivre sur une planète où des millions d'enfants n'ont pas d'eau potable à boire et vont se coucher affamés.
Glasnost pourrait servir de notion fourre-tout pour designer tous les moyens et toutes les méthodes de la lutte pour une conscience globale.
Glasnost est un processus d'éveil exigeant, sur le long-terme, qui conduit inévitablement à des appels à des changements fondamentaux.
Ce processus est indispensable et requis de façon urgente pour résoudre la domination des intérêts à court-terme et le manque de transparence à tous les niveaux sur lesquels le destin de la planète se
décide.
J'ai foi en l'humanité. C'est cette foi qui m'a permis de rester actif et optimiste.
Mikhail Gorbachev, le dernier président de l'Union Soviétique, a reçu le Prix Nobel de la Paix pour avoir contribué à mettre fin à la guerre froide. Il est maintenant président de la Croix Verte Internationale.
Traduction bénévole Sylvette Escazaux, 29 Avril 2004.
Site web du journal :
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La lettre de Gorbachev
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