Raoult est un petit joueur face aux néo-Mengele qui nous concoctent des vaccins "ARM messager" à base de nanoparticules...
Début avril, la société américaine Moderna Therapeutics doit injecter à 45 participants les premières doses de son vaccin expérimental contre le virus responsable du Covid-19. C’est la première fois qu’un candidat-vaccin est testé aussi rapidement sur l’homme. Rencontre avec Ian Haydon, l’un des volontaires.
Pour arrêter le coronavirus, il nous faut rapidement un vaccin – et des volontaires prêts à le recevoir. Plusieurs produits sont à l’étude, mais le premier à être testé sur des humains est issu des laboratoires de Moderna Therapeutics, une société dont la technologie a permis le lancement le plus rapide jamais réalisé d’un essai vaccinal.
La première étape est en cours. Elle consiste à vérifier que le vaccin n’est pas dangereux et qu’il provoque bien une réponse immunitaire. En mars, après un appel à volontaires, 45 personnes ont été appelées à se présenter au centre de santé Kaiser Permanente, à Seattle. Elles doivent signer une décharge de 20 pages, moyennant quoi elles reconnaissent qu’il pourrait y avoir des risques et que le vaccin n’a que peu de chances de les aider. Elles acceptent également de subir une série de prises de sang dans les mois qui suivent, afin de partager leurs informations génétiques, et s’engagent à ne pas avoir d’enfants pendant la durée de l’étude.
Nous nous sommes entretenus avec Ian Haydon, spécialiste de la communication à l’université de Washington. Il nous a expliqué pourquoi il a décidé de participer à l’étude et comment il a été sélectionné.
Vous allez faire partie des 45 premières personnes à recevoir un vaccin contre le Covid-19 à Seattle. Pourquoi avez-vous décidé de le faire ?
C’est une bonne question. Je suis spécialiste de l’information institutionnelle à l’université de Washington (Seattle), en particulier pour l’Institute for Protein Design, qui fait de la recherche sur le Covid-19. Dans le laboratoire, il y a actuellement 35 chercheurs qui travaillent sur un vaccin. Les autres restent chez eux. Je n’ai jamais pris part à de telles études, mais j’ai fréquenté ces scientifiques et il me paraissait logique de participer de manière différente.
Quand allez-vous être vacciné ?
Le 8 avril, à 9 heures du matin. On m’injectera une seconde dose un mois plus tard.
Comment avez-vous été choisi ?
J’ai surtout eu de la chance. J’ai entendu parler du projet par un collègue de labo qui a annoncé le recrutement sur Slack [une plateforme de communication collaborative]. J’ai envoyé un dossier : ils voulaient connaître mes antécédents de santé et mon âge. Je ne m’attendais pas à être contacté, car ils ont eu des centaines de réponses. Mais ç’a été le cas. Je me suis présenté pour un check-up et un bilan sanguin, et on m’a expliqué le déroulement de l’étude. On m’a demandé si j’étais toujours intéressé, j’ai répondu que oui et j’ai signé.
Vous n’avez pas eu de regrets ?
Non. J’espérais vivement qu’on me rappellerait.
Vous avez quel âge ?
J’ai 29 ans.
Quels sont les risques, selon vous ?
Ils ne sont pas très importants, mais ils existent. Premièrement, il y a le risque de choc anaphylactique [une réponse allergique grave] – ce qui peut être un problème pour un petit nombre de gens, et cela ne concerne pas uniquement cette étude-ci. Le deuxième risque est appelé “facilitation de l’infection par des anticorps” [quand le vaccin aggrave la maladie], on ne sait pas s’il concerne le Covid-19. Cela fait partie de ce que les chercheurs vont étudier, j’imagine. Et le troisième risque est ce qu’on n’a pas anticipé. Un tel risque existe pour n’importe quel vaccin, surtout s’il fait appel à une nouvelle technologie.
Comment fonctionne le vaccin ?
Il s’agit d’un vaccin à ARN messager. Une partie du code génétique du virus est intégrée au vaccin, dans une nanoparticule lipidique. Quand on l’injecte chez un sujet comme moi, il est censé produire une protéine – dans le cas de ce coronavirus, une protéine “spike” (la protéine des protubérances qui forment la couronne du virus). C’est ce qui est censé provoquer la réaction de mon système immunitaire, qui devrait alors produire des anticorps. Le vaccin fournit le matériau génétique, et non pas directement la protéine.
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Dans quel délai allez-vous produire des anticorps ?
Cela va faire l’objet d’un suivi tout au long de l’essai, sur plus d’un an. À chacune des visites, on examinera mes anticorps et mes cellules immunitaires (leucocytes).
Vous êtes-vous un peu documenté sur cette technologie ?
Oui, un petit peu. Si j’ai bien compris, cette technique de vaccination à base de nanoparticules lipidiques a été testée dans des essais de phase 1, pour des infections autres qu’à coronavirus. En fait, de ce que m’ont dit les cliniciens, j’ai surtout retenu qu’un patient sur trois ayant reçu un vaccin à ARN messager avait de fortes douleurs qui le gênaient dans ses activités au cours de la journée. Ça m’inquiète un peu.
Quel est votre point de vue sur Moderna ?
Je pense que leur technologie est formidable, je suis ravi qu’elle puisse être testée. Elle pourrait avoir des applications non seulement pour le Covid-19, mais encore pour bien d’autres maladies. Moderna est vraiment en première ligne aujourd’hui. À mon avis, la société a pris une très bonne décision en cherchant à mettre au point un vaccin contre le Covid-19 et à le tester sur l’homme en pleine pandémie. Ils ont l’air de miser gros sur ce vaccin, j’espère que ça va marcher.
Combien vous paye-t-on pour être volontaire ?
Je crois que c’est 100 dollars [environ 92 euros] la visite, donc environ 1 000 dollars si on les fait toutes.
Le Covid-19 vous a-t-il affecté personnellement ?
Comme presque tout le monde, je dirais. Nos vies sont chamboulées par la pandémie – télétravailler, être confiné, surtout quand on habite à Seattle [le premier épicentre de la pandémie de Covid-19 aux États-Unis]. Certaines des barrières entre ma vie privée et ma vie professionnelle ont sauté. Bien des gens en font l’expérience. Je connais beaucoup de scientifiques à l’université qui se sont portés volontaires pour traiter les échantillons d’essais cliniques qui arrivent au labo. Ce n’est pas leur travail principal. Les habitudes professionnelles ont changé. Je n’ai pas été proche de l’infection elle-même, mais je la sens tout autour de moi.
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La documentation de l’essai clinique affirme que l’étude d’innocuité dure quatorze mois. Pourquoi si longtemps ?
J’ai entendu dire qu’on aurait une idée précise de l’innocuité dès le troisième mois. Si les données d’innocuité sont claires au troisième mois et que le Covid-19 continue à faire des ravages, je m’attendrais à voir les essais de phase 2 commencer tôt. Mais ces essais cliniques ne peuvent pas être très accélérés. Un nouveau candidat-vaccin n’a jamais été testé aussi rapidement sur l’homme, même si je dois dire que je n’ai pas senti de précipitation. Tous les gens à qui j’ai eu affaire étaient calmes et extrêmement professionnels.
Pensez-vous qu’il y a une chance que le vaccin vous protège ?
C’est possible, j’imagine. Mais une partie du travail des chercheurs consiste à évaluer différents dosages, alors je ne participe pas au projet en me disant que mon immunité est pour bientôt.
Le formulaire de consentement stipule que tous les participants de l’essai doivent employer des moyens de contraception. Pourquoi ?
Je me suis posé la question, j’ai certaines théories à ce sujet. J’ai dû promettre d’utiliser des préservatifs. Je me demande si, s’agissant d’un vaccin génétique, on ne cherche pas à éviter que ne naisse une nouvelle génération d’enfants ayant dans leur patrimoine génétique l’ARN messager du vaccin.
Vous pensez que l’ADN pourrait terminer dans la lignée germinale, dans vos spermatozoïdes ?
C’est une hypothèse. J’imagine que les autorités chargées de la réglementation, ou Moderna elle-même, ont envisagé cette possibilité, mais ne prendraient pas le risque qu’elle se réalise. Qu’il y ait ou non un mécanisme moléculaire qui rende cela possible, il paraît raisonnable de ne pas aller dans cette voie.
Ça fait quoi de savoir qu’on aide si directement ?
J’ai de la chance d’être suffisamment en bonne santé pour participer à cette étude. J’ai aussi eu la chance d’avoir été sélectionné sur un groupe de population important, et j’aimerais que beaucoup de gens dans mon cas sautent le pas et participent à l’étude.
Bonne chance à tous les cobayes...