L'intro :
L’épidémie de covid‑19 a imposé l’élaboration en extrême urgence, en mars dernier, d’un cadre législatif permettant de faire face à la crise qu’elle a provoquée. Soucieux de réexaminer ce cadre dans un contexte moins contraint, le législateur a prévu dès l’origine sa caducité au 1er avril 2021. Bien que ce régime ait fait ses preuves, cette échéance n’a été remise en cause par aucune des trois lois de prorogation intervenues depuis lors. Elle a même été étendue aux systèmes d’information institués pour gérer la crise sanitaire par la loi du 11 mai 2020.
L’ambition du présent projet de loi est ainsi de substituer à ces dispositions, conçues dans des circonstances particulièrement contraintes et pour faire spécifiquement face à l’épidémie de covid‑19, un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles.
Il s’agit donc de bâtir un cadre robuste et cohérent à partir des dispositions qui préexistaient à la crise et de celles mises en place à cette occasion, qui forment aujourd’hui un ensemble de trois régimes d’urgence imparfaitement articulés : celui des menaces sanitaires graves (art. L. 3131‑1 à L. 3131‑11 du code de la santé publique), celui de l’état d’urgence sanitaire (art. L. 3131‑12 à L. 3131‑ 20) et celui de la sortie de l’état d’urgence sanitaire (article 1er de la loi du 9 juillet 2020), auxquels s’ajoutent des dispositions particulières en matière de systèmes d’information.
La refonte prévue par le présent projet de loi distingue deux niveaux d’intervention selon la gravité de la situation et la nature des mesures à prendre pour y faire face : l’état de crise sanitaire, d’une part, et l’état d’urgence sanitaire, d’autre part. Ces deux régimes pourront rester parfaitement autonomes mais ils pourront également s’inscrire dans le prolongement l’un de l’autre, car l’état de crise sanitaire pourra être déclenché avant comme après l’état d’urgence sanitaire, soit pour juguler une crise naissante qui n’a pas encore l’ampleur d’une catastrophe sanitaire, soit pour mettre un terme durable aux effets d’une catastrophe qui n’aura pu être empêchée. Pendant la catastrophe sanitaire elle‑même, c’est le régime de l’état d’urgence sanitaire qui s’appliquera avec ses prérogatives propres auxquelles s’ajouteront celles de l’état de crise sanitaire, applicables de plein droit.
Il est en outre proposé de bâtir un cadre pérenne des systèmes d’information de crise, une disposition législative étant nécessaire pour autoriser, dans la stricte limite nécessaire à leur objet, des dérogations au secret médical, comme c’est actuellement le cas pour les systèmes créés pour la crise de la covid‑19.
L’article 1er crée ainsi trois nouvelles sections au sein du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique.
La section 1 prévoit la création d’un état de crise sanitaire ayant vocation à fixer un cadre pour l’exercice de plusieurs prérogatives qui, à l’heure actuelle, ne relèvent pas de l’état d’urgence sanitaire et peuvent directement être mises en œuvre par l’autorité compétente, sans que l’entrée dans le dispositif ne dépende d’un critère unique, ni ne soit formalisé ou limité dans le temps. Le déclenchement de ce régime a donc été conçu par symétrie avec l’état d’urgence sanitaire, tout en assouplissant les exigences procédurales qui prévalent pour ce dernier : déclaré par décret simple en vue de répondre à une menace ou une situation sanitaire grave, l’état de crise sanitaire est prorogé, tous les deux mois, par décret en conseil des ministres pris après avis public du Haut Conseil de la santé publique dont le rôle est étendu par symétrie avec celui du comité de scientifiques en état d’urgence sanitaire. L’information du Parlement sera renforcée par la remise d’un rapport en cas de mise en œuvre de l’état de crise sanitaire pendant plus de six mois.
La mise en œuvre de ce régime donne compétence au ministre chargé de la santé, comme c’est déjà le cas aujourd’hui en vertu de dispositions éparses, pour ordonner des mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement, autoriser la mise à disposition de produits de santé et prescrire toute autre mesure relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé. Le Premier ministre reste quant à lui compétent pour prendre des mesures de contrôle des prix et ordonner des mesures de réquisition.
Les deux principales évolutions introduites à cette occasion consistent, d’une part, à unifier la compétence en matière de produits de santé au profit du ministre chargé de la santé et, d’autre part, à étendre le champ d’application des mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement à des personnes déjà présentes sur le territoire et qui présenteraient un risque élevé de développer une maladie infectieuse.
La section 2, relative à l’état d’urgence sanitaire, reprend pour l’essentiel les dispositions déjà applicables tant du point de vue des modalités de déclaration, prorogation et cessation que des pouvoirs qui y sont attachés.
En sus des facultés associées à l’état de crise sanitaire, qui sont mobilisables sous l’état d’urgence sanitaire, le Premier ministre pourra recourir à des prérogatives de police administrative extérieures au domaine strictement sanitaire, comme le prévoit la loi actuelle : réglementation de la circulation des personnes, interdiction de la sortie du domicile, réglementation de l’ouverture des établissements recevant du public, limitation des rassemblements dans les lieux publics ainsi que toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre. La pérennisation de ce cadre législatif est l’occasion de confirmer l’exclusion de toute possibilité de réglementation des locaux à usage d’habitation et, d’autre part, de prévoir la possibilité de conditionner l’accès à certains lieux et l’exercice de certaines activités à la réalisation d’un dépistage ou à la prise d’un traitement préventif ou curatif, comme c’est le cas aujourd’hui par exemple pour les tests obligatoires avant un déplacement par transport aérien ou maritime.
La section 3 comprend les dispositions communes aux deux régimes, pour l’essentiel à droit constant. La dispense des consultations préalables obligatoires normalement applicables pour l’ensemble des mesures prises en application de l’état de crise ou d’urgence sanitaire est confirmée. Aucune modification n’est apportée en termes d’information du Parlement et d’exercice des recours contentieux à l’encontre des décisions prises qui ont fait preuve de leur efficacité depuis plusieurs mois.
L’article 2 crée lui également trois nouvelles sections au sein du chapitre Ier bis, intégralement réécrit.
La section 1 rassemble les dispositions existantes relatives au régime de responsabilité des professionnels de santé et autres personnes amenées à intervenir dans le cadre des conditions d’exercice particulières fixées par les autorités sanitaires et à la prise en charge financière des dommages causés par les actions rendues nécessaires par la situation sanitaire.
De la même manière, les dispositions en vigueur concernant la mise en œuvre du plan blanc, du dispositif d’organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles (ORSAN) et des mesures de mobilisation des professionnels de santé à l’occasion de situations sanitaires exceptionnelles sont réunies au sein d’une section 2, sans autre modification.
La section 3 transforme le cadre juridique applicable aux systèmes d’information, conçu spécifiquement par la loi du 11 mai 2020 dans la perspective de lutter contre l’épidémie de covid‑19, en un cadre général traitements de données à caractère personnel mis en œuvre en cas de situations sanitaires particulières. Compte tenu de cet objectif, les dispositions proposées ne fixent pas les caractéristiques essentielles d’un ou plusieurs systèmes d’information mais donnent compétence aux autorités sanitaires pour créer des traitements de données à caractère personnel pouvant déroger au secret médical. Outre l’obligation de recourir à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, la mise en place de ces traitements de données est encadrée du point de vue des finalités susceptibles d’être poursuivies et des acteurs autorisés à accéder aux données collectées. Ces traitements seront également soumis au comité de contrôle et de liaison institué par la même loi du 11 mai 2020 dont l’office est ainsi étendu et pérennisé.
L’article 3 permet d’adapter aux personnes morales le régime des infractions aux mesures prescrites en application des régimes de l’état de crise sanitaire et de l’état d’urgence sanitaire, et procède à diverses coordinations. Il précise également les conditions d’application de certaines dispositions à Wallis‑et‑Futuna, où les dispositions relatives aux systèmes d’information ne sont pas applicables, ainsi qu’en Polynésie française et en Nouvelle‑Calédonie, où les dispositions relatives aux produits et au dispositif de santé ainsi qu’au contrôle des prix et aux réquisitions ne sont applicables qu’en tant qu’elles permettent de prendre des mesures concernant l’ordre public ou les garanties des libertés publiques. Il précise enfin que les données issues des traitements mis en œuvre en cas de menace ou de situation sanitaire grave, de catastrophe sanitaire ou d’une autre situation sanitaire exceptionnelle sont versées dans le système national des données de santé (SNDS).
L’article 4 comprend des dispositions spécifiques, d’ordre transitoire, permettant de maintenir dans leur rédaction actuelle les dispositions de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 ayant permis la mise en œuvre des systèmes d’information « SI‑DEP » et « Contact covid » pour une durée strictement nécessaire à l’objectif de lutte contre la propagation de l’épidémie de covid‑19, fixée par décret en Conseil d’État.
Enfin, l’article 5 procède à des coordinations au sein d’articles extérieurs au code de la santé publique.
L'article de la section 2 :
« Art. L. 3131‑9. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, les pouvoirs prévus à l’article L. 3131‑4 sont applicables de plein droit.
« Le Premier ministre peut également, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, prendre aux seules fins de garantir la santé publique les mesures suivantes :
« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;
« 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
« 3° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;
« 4° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ainsi que les réunions de toute nature, à l’exclusion de toute réglementation des conditions de présence ou d’accès aux locaux à usage d’habitation ;
« 5° En tant que de besoin, prendre toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre.
« 6° Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent article précise l’étendue de cette obligation ainsi que ses modalités d’application s’agissant notamment des catégories de personnes concernées.
Y a de l'anticonstitutionnel la dedans...non ? Et la déclaration des droits de l'homme ?