Pour 100.000 dollars et avec des moyens techniques limités, des chercheurs sont parvenus à synthétiser en laboratoire une souche du terrible virus de la variole. Éradiquée à la fin des années 1970, cette maladie mortelle pourrait devenir la prochaine arme bioterroriste.
VIROLOGIE. Reproduire en laboratoire un agent pathogène mortel n'est plus de la science-fiction. Des chercheurs canadiens ont en effet réussi à synthétiser une souche active du virus de la variole, selon le magazine américain Science. Une manipulation propre à relancer les craintes d'une menace bioterroriste. En l'occurrence, c'est une souche équine qu'ils ont reproduite, inoffensive pour l'homme donc. Mais leur démarche montre qu'il est aujourd'hui possible de créer des agents pathogènes pour l'homme avec relativement peu de moyens. 100 000 dollars, un laboratoire, six mois de travail et... une connexion Internet ont suffi aux Drs David Evans et Ryan Noyce, virologues à l'université d'Alberta (Canada), pour créer cette souche virale complexe. C'est en effet sur le Web que les deux chercheurs se sont procurés les fragments d'ADN nécessaires. Les résultats de ces travaux ont été présentés en 2016 à l'Organisation mondiale de la santé qui jugeait, à l'issue d'une réunion internationale sur la variole à Genève, que l'expérience n'avait “pas requis de connaissance ou d'expertise biochimique exceptionnelles, ni d'investissement ou de temps particulièrement importants”. Or il serait possible de créer une souche humaine du virus avec les mêmes moyens. “Si c'est possible avec la souche équine, cela l'est également pour une souche humaine”, explique à Science Gerd Sutter de la Ludwig Maximilians-University à Munich (Allemagne).
Le risque bioterroriste en question
Éradiquée en 1979, la variole était une maladie redoutable, mortelle dans un tiers des cas d'infection. Seuls quelques échantillons existent encore sur le planète, conservés dans des laboratoires de haute sécurité. Des souches qui sont depuis des années au centre d'une controverse : faut-il les détruire pour éliminer le risque d'une contamination accidentelle ou qu'elles tombent un jour entre de mauvaises mains ? Ou bien faut-il les conserver afin de faciliter les recherches dans le cas d'une réémergence de la maladie ? Ce dilemme devait de nouveau être posé à l'assemblée mondiale de l'OMS en 2019. Mais l'expérience des chercheurs canadiens change la donne : s'il est relativement simple de produire ce virus en laboratoire, n'est-il pas préférable de conserver ces échantillons à des fins de recherche ?
La réalisation des chercheurs canadiens — qui n'est pas encore publiée — n'est pas vraiment une surprise. En 2002, une souche de poliomyélite avait déjà pu être synthétisée en laboratoire. Et les progrès de la biologie de synthèse ne laissait alors guère de doute sur la capacité prochaine de pouvoir créer des virus bien plus complexes, comme la variole. "C'est une étape importante, une preuve de concept de ce qui peut être fait avec la synthèse de génomes viraux", explique David Evans. Si l'expérience ravive les craintes liées au bioterrorisme, le chercheur préfère y voir une opportunité de développer de nouveaux vaccins, voire même d'étudier le virus comme vecteur de traitements anticancéreux. Reste que le risque bioterroriste lié à la variole est pris très au sérieux. Très contagieux, le virus se transmet uniquement entre humains par contact direct ou par de simples postillons. Et la dose virale est soupçonnée très faible : quelques particules suffisent à infecter un individu. Autrement dit, pas besoin de produire beaucoup du virus pour initier une flambée épidémique.
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