Ahmed a écrit :Mon approche peut paraître parallèle à celle de
Poutine jusqu'à un certain point, en ce sens qu'il est ici l'actualiseur d'un changement géostratégique majeur qui perturbe les anciennes conceptions des rapports de force dont les vieilles puissances ont du mal à s'accommoder... Cependant, il reste lui-même prisonnier de forces qui le dépassent et en reste globalement sur une approche classique, simplement remise à jour...
Je vois que lorsque tu fais un effort pour considérer les choses autrement que par le petit bout de la lorgnette, ça se passe mieux, quoique la poutinite aigue perdure!
Voici les deux messages qui m'ont motivés:
- celui de
Guy:
Quelles sont les conditions diplomatiques pour la paix ? Après presque 20 ans de provocations diverses, des deux côtés, d'annexions par-ci, de manipulations par là, de provocations, de violence, de mensonges de plus en plus énormes et d'agressions mutuelles, la situation est désespérée mais n'est à mes yeux que le phénomène ô combien visible d'un remaniement géopolitique mondial qui en est à ses balbutiements.
- celui de
Dede2002, intervenant trop rare, probablement parce qu'il ne s'exprime que lorsqu'il a quelque chose à dire? Attitude peu usuel chez les autres membres...
À mon avis, la guerre n'est pas là où on croit. Elle génère une formidable opportunité d'augmentation de valeur abstraite chère à notre système, non seulement par les bénéfices en hausse des compagnies pétrolières, mais aussi par les fabriques d'armement qui ont du boulot, et la perspective de la reconstruction de tout ce qui est cassé, ce qui va motiver de nombreux crédits!
Ça reste un tantinet classique comme analyse, mais on est déjà dans du nettement plus substantiel...
Il existe en effet plusieurs focales pour analyser la situation: de très près on est contraint d'adopter le point de vue du camp que l'on choisit d'observer, avec un peu plus de distance on peut tenter de discerner les enjeux présents, avec une focale ad hoc, il est possible de voir dans quel contexte s'inscrit tout ça. Cette dernière méthode est plus satisfaisante, mais reste insuffisante parce que l'ensemble des belligérants ou de leurs partisans, bien qu'en désaccord, sont néanmoins dans un même contexte de compétition (en ce sens qu'ils ont les mêmes critères de jugement sur ce contexte, seuls les intérêts divergent). De ce dernier point de vue il est aussi possible de produire une analyse cohérente, mais là où le bât blesse, c'est qu'il n'est jamais possible (et c'est vrai à tous niveaux) de juger un système avec les critères ou les références qui sont les siens. C'est ce biais qui permet de maintenir inamovibles des opinions divergentes: chacun a "raison" à l'intérieur du système par lui choisi.
Il est donc nécessaire de se choisir une extériorité suffisamment "solide" pour ce tirer de ce mauvais pas; longtemps, Dieu a été la référence, mais on sait que ce n'est pas opératoire et n'a fait que reporter les dissensions originelles dans une autre sphère: déplacer un problème n'est pas le résoudre... La philosophie classique invoquait "le point de vue de Sirius", simple vœu pi-eu* sans plus de précision...
* En deux syllabes, sinon c'est un poteau!
work in progress...
Je souhaiterais donner quelques modestes points que j’ai pu observer, j’y prend pas comme vérité première mais tendance. N’étant que moyennement capable de pousser les raisonnements aussi loin que toi, Sen-No-Sen et même Remundo...
Mais au moins j’essaye en cassant des œufs
Poutine a conscience des limitations auxquelles il a à faire face en tant que dirigeant, puisqu’il les a déjà côtoyées.
Ce qui est “révolutionnaire” dans son approche, c’est ce qu’il déclare lui-même: “
chaque action amène une interaction, et il vaut mieux se garder d’intervenir trop pour aboutir à une situation pire que l’état précédent” (ou quelque chose)... Le Pdt Mitterand avait déclaré quelque chose d’approchant (mais c’était une mise en garde, là on est déjà dans l’application d’une méthode).
Les Russes essayent donc de ne faire “presque rien” pour éviter les retours de manivelles — d’où le coup flamboyant des BRICS qui (je me répète) n’étaient que la mise en avant d’une situation de fait, déjà existante à plus d’un titre — il n’a donc “
pratiquement rien fait” ni non plus “pratiquement rien produit” comme effet immédiat, pour obtenir une prise de conscience majeure au niveau planétaire, vers des développements futurs qui ne seront que lents et progressifs (en ce moment accélérés par la guerre...) ...
Donc oui, il est une sorte d’actualiseur: fort bien vu. Mais non, conformément à son narratif, “
il ne chercher pas à faire un changement majeur,” mais plutôt “
éviter qu’un ne survienne de manière trop impactante” (NWO dont le but serait une redistribution des cartes avec tour de passe-passe pour diluer la dette ou que sais-je) ou tout au moins éviter de continuer à subir la mise à l’écart de la plus grande part de l’humanité des grandes décisions qui les concernent et auxquelles ils ne pouvaient pas prendre part jusque-là ...
En revanche et ça c’est très net — et ceci prouve que je ne suis pas “pro” ou “anti” — Poutine commet éventuellement une erreur en cherchant à renvoyer les Occidentaux à leurs responsabilités (et actuellement, il semblerait que chaque fois qu’ils ne comprennent pas, il serre la vis...) parce que même s’il le pense, ça ne pourra guère avoir de vertu thérapeutique, puisque pendant 30 ans nous nous sommes enfermés dans notre logique et c’est nous qui donnions les leçons!
A contrario, ceci place l’escalade en Ukraine comme un véritable paradoxe face à son narratif. Et je veux alors bien croire qu’il y a été forcé et que les Russes n’avaient plus (et ne pouvaient plus avoir) confiance en l’Occident ni d’autre choix, c’est parfaitement plausible (et encore prouvé cette année en avril, lorsque l’on a appris que la France avait violé elle-même les Accords de Minsk dès 2014, en fournissant déjà des armes à l’Ukraine! Oui c’est fou...!
D’un autre côté, bien que de nature subtile, il ne faut pas s’imaginer Poutine faire de longues réflexions et discussions spécieuses, il préside un grand pays et il est plutôt confronté à la dictature du réel (surtout ces temps).
Je dirais actuellement que les dirigeants européens sont complètement largués face au droit international, et je dirais presque qu’il n’y a plus qu’un seul capitaine et que si j’allais au comble de l’ironie, je dirais presque que ce sont les Russes “
qui gèrent la situation occidentale par procuration”(*) pour éviter que nous nous conduisions nous-mêmes au-delà du point de non-retour (que nous franchissons tous les jours...) ... conditions que nous avons créées et recréons tous les jours, tellement nous sommes/étions si sûrs de nous et arrogants...
(*) Les Russes pendant six mois, ont (notamment) continué à :
— honorer leurs contrats gaziers, malgré la folle hostilité des occidentaux...
— honorer leurs obligations financières, malgré la folle initiative de confiscation des avoirs russes dans les banque occidentales.
— fermer les yeux sur la présence militaire occidentale de l’OTAN en Ukraine ainsi que les livraisons d’armes lourdes avec assistance!
etc