Approche non journalistique de la guerre en Ukraine

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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par pedrodelavega » 24/08/22, 23:38

Obamot a écrit :
rpsantina a écrit :Si vous me le permettez, le rapprochement soviétique/nazisme pourrait être lié au début des activités japonaise.
On parle de la guerre 39/45 en vision occidentale mais les premières actions ont démarrés en asie vers 1932/1933 par l'invasion de la Chine ( ou bien la péninsule coréenne, je ne sais plus) par le Japon
La montée en puissance de l'Allemagne d'un côté et du Japon de l'autre n'était pas une position idéale pour le bloc soviétique.
Jusqu'à ce que Hitler rompe le pacte en 1941 si je me souviens bien.
C’est pas “rapprochement soviétique/nazisme” (y manquerait plus que ça!)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_ger ... prov=sfla1
"Y manquerait plus que ca"
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Obamot » 24/08/22, 23:56

Ah... Pour toi un “Pacte de non agression” c’est un “rapprochement”...? :shock: En fait c’était une tentative pour éloigner une menace, qui s’est terminée en trahison.

Il fait suite aux accords de Munich de 1938 entre Hitler et les pays occidentaux, menant au démantèlement de la Tchécoslovaquie, et à l'échec des négociations soviéto-occidentales en vue d'une éventuelle alliance contre l'Allemagne nazie
Note que ton intervention donne un relief qui permet de lever certains doutes.
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par GuyGadeboisLeRetour » 25/08/22, 12:29

Quand on ne veut pas lire, pas comprendre et systématiquement pourrir toute discussion...
Outre un engagement de neutralité en cas de conflit entre l'une des deux parties et les puissances occidentales, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret, qui délimitait entre les deux pays des sphères d'influence, et dont la mise en œuvre se traduira par l'invasion, l'occupation et l'annexion de certains Etats ou territoires (Pologne, Finlande, pays baltes, Bessarabie). Signé pendant l'offensive soviétique contre les Japonais en Mongolie, le pacte dégrade notablement la relation entre l'Allemagne et le Japon et met un terme aux plans antisoviétiques japonais.
(Wiki)
Voiiiiilà... :mrgreen:
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par dede2002 » 29/08/22, 20:51

sicetaitsimple a écrit :C'est bien dommage, car malgré quelques embardées difficilement évitables, ce fil initié par Ahmed semblait promis à un certain intérêt. J'ai noté par exemple le retour de Sen-no-Sen, même si nous n'avons pas été d'accord.

.


Je suis plutôt d'accord avec sicetaitsimple, une approche "non journalistique" suppose un autre angle de réflexion.

Un guerre avec des gentils d'un côté et des méchants de l'autre, ça n'existe pas. Il y a des méchants des deux côtés :mrgreen: .

Ce qui serait intéressant, ce n'est pas de savoir qui a commencé, mais de comprendre pourquoi ça continue!

ça fait cinquante ans qu'on dit que le pétrole n'est pas assez cher.
Mais maintenant qu'il augmente, je ne pense pas que la consommation va diminuer, c'est surtout le flux monétaire qui va augmenter.

On a parlé de monde "multipolaire" plus haut, mais il n'y a toujours qu'un pôle négatif et un pôle positif, qui se déplace un peu.

La différence de potentiel ne fait qu'augmenter, notre système est "prospère" grâce à un énorme déséquilibre (1 dollar par jour pour beaucoup de monde en Afrique par exemple), gare à ceux qui veulent aller à "contre-courant".

Vous vous souvenez des approches journalistiques quand la France avait attaqué la Libye :!:
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Ahmed » 29/08/22, 21:32

dede2002, tu dis:
La différence de potentiel ne fait qu'augmenter, notre système est "prospère" grâce à un énorme déséquilibre (1 dollar par jour pour beaucoup de monde en Afrique par exemple), gare à ceux qui veulent aller à "contre-courant".

La différence de potentiel est nécessaire au bon fonctionnement du système actuel et s'oppose catégoriquement à l'idée d'une prospérité qui, progressivement, s'étendrait universellement. Le fait que cette différence augmente résulte du fait que l'extension antérieure dans d'autres régions du globe n'est plus possible actuellement, puisque le tour en est fait et qu'il faut impérativement trouver d'autres bases à la création de valeur abstraite.
Ce n'est pas la seule option, car elle se montrerait insuffisante au vu du montant des capitaux à faire fructifier: un mouvement centripète s'exerce dorénavant en retour sur les catégories ordinaires de la population des pays du centre qui avaient antérieurement bénéficié de l'extractivisme externe. C'est encore insuffisant et il faut donc recourir à une anticipation simulée des gains futurs pour "boucler" le budget. Ça représente une prodigieuse acrobatie au travers de laquelle il est supposé que l'impossibilité actuelle de la réalisation de gains suffisant puissent s'inverser diamétralement et se trouver réalisable à profusion dans un futur indéfini. C'est comme étendre le concept d'extractivisme aux populations futures!
il faut bien comprendre les implications abyssales du procédé: ce ne sont plus les activités économiques dites "réelles" qui permettent une accumulation* de valeur abstraite en quantité correspondante à la masse du capital, mais c'est l'inverse qui se produit. L'industrie financière, par une anticipation préemptive sans nul fondement subventionne l'économie "réelle" en une forme de capitalisme inversé.

* À la fois parce que la base des producteurs humains s'est trop rétrécie du fait de l'automatisation, et parce que la part dévolue aux activités non productrices de valeur s'est prodigieusement étendue du fait du rôle accru des contrôleurs systémiques dans une économie globalisée et très complexe.
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par dede2002 » 30/08/22, 14:59

Salut Ahmed,

ça rejoint ce que je disais au début, l'industrie financière est gagnante, avec tous les crédits qui vont être créés.
Toutes ces armes livrées, c'est "à crédit", comme la future reconstruction de l'Ukraine, aux frais du contribuable...

Mais, électriquement, il faudra charger la batterie, pour l'instant c'est l'extractivisme qui s'en charge.
S'il n'y a plus d'électrons au pôle négatif, on peut recharger la batterie dans l'autre sens. ça semble impossible...
Moins que:"l'idée d'une prospérité qui, progressivement, s'étendrait universellement"
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Ahmed » 30/08/22, 17:53

Bien entendu je suis complétement d'accord avec ton analyse et une guerre représente le paroxysme de la dissipation d'énergie pour toutes les raisons que tu soulignes. Normalement le secteur de la production est organisé rationnellement, du moins en fonction des critères auxquels il doit faire face, mais ce n'est pas le cas du "travail de consommation" qui est comme l'autre face de ce binôme; en situation de guerre, non seulement les flux augmentent, mais le secteur qui les absorbe devient entièrement prévisible puisque soumis à une planification étatique.

Lorsque je parle de "différence de potentiel", je ne fais pas référence spécifiquement à une source électrique, mais à l'énergie en général, sous quelque forme qu'elle se présente. Le paradoxe actuel est que l'on en revient assez massivement à ce que Marx nommait la "plus value absolue" qui permettait d'augmenter la valeur produite en une journée par l'allongement de celle-ci ou l'intensification des cadences (par opposition à la "plus value relative" qui s'appuyait sur une amélioration de l'outil de travail ou une meilleure organisation).
La différence de potentiel (donc de richesse) est indispensable dans ce système pour contraindre au travail ceux qui s'en abstiendraient soigneusement* (provoquant l'arrêt systémique!) s'il disposaient des moyens de vivre, comme le notait avec humour Coluche: "On dit que les gens réclament du travail.. C'est pas vrai, de l'argent leur suffirait!".
Il n'existe pas d'alternative à l'accumulation du capital, qu'il doive dorénavant faire appel à une pure fiction pour remplir sa fonctionnalité augmentative ne peut que différer les conséquences de la contradiction à laquelle il se heurte.

* la contrainte est d'autant plus forte que les tâches visées ne seraient jamais accomplies spontanément.
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Ahmed » 19/12/22, 23:12

Je transferts ici la réponse d'Obamot qui faisait suite à un message que j'avais envoyé sur le fil de la guerre en Ukraine:
Ahmed a écrit :
Peut-être que si l'on ne parle pas d'anthropotechnique, c'est que ce n'est pas le sujet? :oops:

Oui, je me suis pris un peu les pieds dans le tapis, mais finalement pas tant que ça puisque tu dis que la guerre en est l’exacerbation “paroxystique”? Par ailleurs, combien de “vrais” journalistes seraient capable de faire un papier intelligent là-dessus?

Ahmed a écrit :
2) Je pense que l'on peut commencer à y voir un peu clair si l'on raisonne sur deux plans successifs. D'abord sur celui de la géostratégie. C'est un outil assez limité, qui ne peut répondre qu'à certaines questions et dont l'usage est certainement abusif actuellement, mais qui convient pour une première approche grossière. Il se produit un basculement du centre de la puissance, de l'Europe (au sens large) vers la zone Pacifique. Or, il est une règle qui veut que les conflits mineurs se déroulent à la périphérie: c'est ce qu'avait bien illustré la longue suite des conflits armés de la guerre froide. Passer en zone périphérique nous vaut de subir ce genre de désagrément (sic).
En principe, ce devrait être un conflit mineur, mais si on te comprend bien entre les lignes, ça ne l’est pas...

Ahmed a écrit :
3) Ceci n'explique cependant pas le fond du problème, même s'il présente l'avantage inestimable de permettre de gloser à l'infini sur toutes les mirifiques facettes des politiques étrangères de chacune des parties prenantes...
N’est-ce pas un grand écart pour couper court à la réflexion sur cette problématique — de déplacement du centre de gravité géopolitique vers l’Est — ou une façon élégante pour nous le faire comprendre sans avoir besoin d’aller plonger dans une complexification dont il serait difficile de sortir indemne. Enfin c’est ce que j’essaye de comprendre en “pensant pas moi-même” (paraît que depuis Kant: “on ne pourrait plus”?) :cheesy: Là je dirais qu’au contraire, j’aimerais bien entendre une explication sur cette “dérive anthropotechnique de l’Occident vers l’Orient”, puisqu’ainsi formulée, elle relève paradoxalement plus de l’attraction magnétique que de l’affrontement guerrier (ce qui prouverait à quel point il est factice), mais personne n’a ton pareil pour nous révéler ce qui est factice, pourquoi et comme t cela s’emmanche.

Ahmed a écrit :
4) L'autre plan est plus complexe (je vous aurais prévenus, ne venez pas vous plaindre!). D'une part, tout système va toujours au bout de ses possibilités, comme se plaisait à l'écrire Bertrand Méheust, mais il arrive fatalement un moment où les circonstances qui le rendait opérationnel disparaissent, soit spontanément, soit dans le cas qui nous intéresse parce qu'il a lui-même provoqué ce changement du simple fait de son développement.
S’agissant d’aller jusqu’au bout des possibilités, ce que voulaient les Russes de l’U.E., était plutôt le rapprochement que le conflit, ils avaient préalablement largement œuvré dans cette direction, depuis des dizaines d’années, avec régulièrement des bâtons dans les roues... Question géostratégique, il était donc assez habile (mais hideux et insoutenable) de forcer l’achèvement des possibles vers la guerre (qui ne remettra qu’à plus tard un rapprochement, quand l’hypocrisie de stigmatisation bipolaire, nous aura éloignés de la guerre...) entre voisins ne sommes-nous pas condamnés à nous entendre selon Méheust?

Ahmed a écrit :
5) L’arrosage de liquidités substitutives avait permis depuis longtemps (et de plus en plus) de simuler le fonctionnement d’une partie du mécanisme « normal » de production de valeur abstraite qui est grippé , mais la menace du "peak All" limite la stratégie usuelle de la fuite en avant et la rend caduque. L'économie ne peut se résumer à une simple rivalité entre concurrents, ce serait une vision par trop limitée: il s'agit en fait d'une guerre contre le vivant (au sens le plus large, donc y compris envers les humains). Il faut admettre que les bienfaits parfois bien ambigus de la technologie ne sont appréciables que parce que leurs côtés négatifs sont soigneusement externalisés (ce qui favorise d’ailleurs la conflictualité).
Si l’on consent, par une gymnastique peu habituelle de l’esprit, à considérer que toute dépense d’énergie recèle une violence potentielle, alors on comprendra que la guerre n’est qu’une forme paroxystique de l’économie et qu’elle trouve pleinement sa place lorsque l’économie usuelle se trouve en situation de blocage : ainsi en est-il de la tectonique qui peut souvent libérer sa puissance par des glissements assez continus de faible ampleur, mais qu’en présence d’obstacles, elle accumule des tensions qui se libèrent soudainement et très brutalement.
C’est ce dernier point que je voyais en voie de se concrétiser depuis dix ans... En pensant peut-être un peu naïvement que les choses finiraient par s’arranger, mais c’était sans compter sur le “jusqu’au-boutisme” des parties en présence. Et plus particulièrement de la part de l’Occident, puisque selon le narratif propagandiste Occidental (“nous sommes dans le droit chemin en tant que démocratie, bien plus en avance que les dictatures, et bien plus responsables de l’aboutissement des choses”) ...et donc si l’on en croit ce discours, s’étaient bien les Occidentaux qui devaient voir venir, donner des garanties à la Russie, pour lui donner le temps de parvenir à une maturité plus élevée dans sa quête de mûrissement propre d’état démocratique. C’est diamétralement l’inverse qu’il s’est produit...

Ahmed a écrit :
6) Le tropisme actuel vers les régimes « forts » et très à droite (sous une forme ouverte ou de façon plus hypocrite) qui se trouvent soudain banalisés et légitimés n’est que la transposition au politique de ce nouvel état des choses. J’avais d’ailleurs décris depuis longtemps cette évolution facilement prévisible. Une autre manifestation en est l'enthousiasme suscité par les programmes des diverses nations pour le réarmement, je n'y insisterais pas.
La transposition, celle qui fait débat et qui est clivante jusqu’ici même dans ce forum, est l’inversion paradoxale des rôles entre la droite et la gauche! Les premiers s’étant improvisés contraints forcés de devenir les garants de certaines valeurs des seconds, que ceux-ci on trahis après avoir été aguichés par une sorte de “libéralisme social” un peu calqué sur le modèle germanique, mais en laissant la porte grande ouverte au libéralisme économique et financier, et à la spéculation de tout crin (après avoir laissé entrer les loups dans la bergerie!)

Cela a créé de l’émoi dans un forum “plutôt de gauche” qui s’est retrouvé accusé (à tort) d’être passé vers l’autre extrême. Ce qui me semble totalement infondé au vu de ce qui précède... Et ça semble un peu laisser tout le monde sur sa faim, certains ayant perdus le nord... (période troublée qui allait arriver, tout comme je l’avais annoncé à Remundo en tout début d’année)!


**************************************************************************************************************************************************************************************
Je passe sur le premier paragraphe pour répondre au second.
2) Je ne saurais me prononcer sur le degré de gravité de ces événements, tout ce que je peux dire, c'est qu'il faut soigneusement éviter de lire entre les lignes et se contenter de ce qui est énoncé positivement. Donc, normalement cela devrait rester périphérique, mais des circonstances imprévisibles peuvent changer une trajectoire initiale...
3) La dérive observée résulte de l'état différencié des diverses économies. Bien qu'il serait inapproprié de distinguer stricto sensu un capitalisme "ancien" d'un capitalisme "jeune", il faut constater que les modalités de son fonctionnement diffèrent selon ce critère temporel et que les vieilles nations industrielles accumulent un certain nombre de handicaps qui limitent ses performances, non que les plus récentes en soient exemptes, mais ces dernières disposent encore d'une marge de manœuvre supérieure, ne serait-ce qu'en terme de ressources physiques et surtout de capacité de contrôle de la population. Ceci, je le répète, ne signifie pas que sur le fond la situation de crise ne soit pas globale, mais que des modalités particulières induisent des situations sensiblement différentes à un instant T (et puissent ainsi conduire à des analyses erronées).
4) Sur ce point, c'est aller un peu vite en besogne en présupposant la bonne foi de Poutine, car ce dernier ne le cède en rien en matière de mauvaise foi à ses compétiteurs américains. Disons plutôt que les deux parties usent de tous les subterfuges pour avancer leurs pions. Quant à invoquer B. Méheust,encore faudrait-il le faire à bon escient et ne pas extrapoler indûment: il est plus facile de se disputer avec ses voisins qu'avec de lointains étrangers...
Mais là nous retombons dans l'ornière journalistique...
5) C'est se méprendre lourdement sur que j'ai écrit que de le réduire à la seule question "occident contre Russie". Ce conflit arrange bien des gouvernements en dépit des inconvénients qu'il génère (il cache, en l'accentuant, la situation de crise antérieure et procure une certaine porte de sortie dans le réarmement). D'une façon absolument générale, il est tout à fait nécessaire d'avoir un ennemi, car il est plus facile d'unir un peuple contre quelque chose ou quelqu'un que pour une cause commune positive. L'URSS avait longtemps tenu ce rôle essentiel pour l'Occident et spécialement pour les USA (la réciproque étant naturellement vraie); de ce point de vue, la nouvelle Russie reprend cette attribution...
6) Ce dernier paragraphe est important. Si l'on oppose la droite et la gauche, on ne peut rien espérer comprendre à quoi que ce soit, puisque c'est justement ce faux antagonisme qui est la clé de voûte des systèmes politiques et de leur caractère mystificateur (nul complotisme là-dedans!). Droite et gauche sont les deux faces du système et les différentes positions peuvent être le fait de l'une ou l'autre partie selon l'époque (comme je l'évoquais il y a peu), du moment qu'elles perpétuent leur opposition. Cette alternance des convictions signe à la fois la volonté (pas forcément consciente) de fausser le jugement des électeurs et offre à l'observateur attentif la confirmation du caractère non pertinent de cette dualité apparente.
Comme l'avais suggéré F. Fukuyama dans sa fin de l'Histoire, la démocratie représentative représente le nec plus ultra d'une économie prospère et comme il imaginait que la vocation de l'économie était de répandre à terme une prospérité universelle, il ne doutait pas de la généralisation de ce mode de gouvernement. La suite a, bien entendu, donné tort à cet ouvrage de propagande. Dans les périodes de difficultés, toutes les économies sont contraintes de recourir à des mesures dirigistes (ce qui ne vaut pas dictature). Si l'on examine des situations non plus conjoncturelles, mais structurelles, on comprend l'attrait pour des formes "musclées" de gouvernances. Mais j'aurais l'occasion de développer ce dernier point.
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Ahmed » 21/12/22, 21:57

Je reprends et développe le point 3 qui est particulièrement important:

- Il faut insister sur le fait que ce qui est généralement considéré comme un "glissement" des zones productives est en fait un problème global structurel d'incapacité progressive à remplir le critère essentiel de notre système économique: réussir à accroître sa masse de capital en exploitant le travail humain qui constitue l'origine de la valorisation (en tant que rapport social). Ce qui signifie que loin d'être des manifestations d'obsolescence ou au contraire de vigueur juvénile, les disparités entre les pays doivent plutôt s'analyser en termes de niveaux différents dans la réalisation du processus. Ce sont ces différents niveaux de maturité qui s'expriment à l'intérieur d'une crise générale et qui la module selon ceux-ci. Obéissant au même schéma qui est de produire de la valeur à partir du travail humain et de devoir dans le même temps détruire la base massale de ce travail au travers de l'automatisation et de l'augmentation considérable des tâches gestionnaires inutiles à cette valorisation, nous aboutissons à une contradiction insurmontable. Du fait que le problème n'est pas perçu de cette façon par la science économique standard, la confrontation à la crise tend à renforcer les processus antérieurs qui ont fonctionnés dans le passé, comme l’externalisation de la prédation (et même désormais une auto prédation !), et à trouver des artifices permettant de simuler un fonctionnement en berne (le plus important étant le recours à l'emprunt).
S'ajoute à ce sombre tableau des crises secondaires, quoique liées, comme celle du Covid et on comprendra que faire reposer la responsabilité de la situation sur l'incompétence des "élites" politiques n'est aucunement satisfaisant: seraient-elles parfaitement qualifiées qu'elles ne pourraient pas grand chose au milieu d'un système économique parfaitement interconnecté, à l'intérieur duquel on ne saurait faire bouger quelque chose sans provoquer un effet contraire à ce qui était visé (comme par exemple lorsque l'Europe s'efforce de contourner la fourniture de pétrole russe en sollicitant l'Arabie Saoudite qui, pour satisfaire profitablement à cette demande, "blanchit" ce même pétrole sur une grande échelle!).
On peut cataloguer les pays selon les critères économiques classiques, même s’ils sont en réalité peu pertinents, entre développés, en développement et en récession. La catégorie médiane étant la plus incertaine.
La Russie constitue de ce point de vue un cas très particulier. Il est intéressant de tracer une brève rétrospective de son histoire. Sans remonter à l'origine, la Russie, très tôt, a ressenti un fort tropisme vis à vis de l'Occident : au XVIIIième, le français y était la langue des élites. Il existait pourtant un formidable hiatus entre sa culture, la représentation de son importance diplomatique et sa stagnation politique et économique (les deux étant liés) à un stade agraire. Les révolutions du début du XXième allaient impulser le passage au stade industriel et imposer une modernisation de rattrapage au prix d'un système coercitif et même d’esclavage sur une échelle inédite; lorsque ce système fut à bout de souffle et montra son incapacité à parvenir au niveau de ses concurrents (qui avaient eux-mêmes progressés entre temps), il s'effondra, comme vous savez, pour se dissoudre en une oligarchie mafieuse dont les membres se sont partagés les principales ressources de l’empire soviétique et les exploitent en tant que rente. L’économie de la Russie oscille entre deux pôles principaux et opposés : une activité minière fortement exportatrice (charbon, pétrole, gaz…) à quoi il convient d’ajouter les exportations agricoles, ensemble qui la relie aux pays du tiers-monde et des industries de pointe dans le domaine du nucléaire, de l’astronautique et de l’armement, qui situe ce pays à parité avec les pays Occidentaux les plus modernes. Cette contradiction confère à ce pays à la fois des ambitions en tant qu’acteur majeur sur la scène internationale et une dévalorisation humiliante du fait de son incapacité à combler ce hiatus et à faire face à un certain dédain de la forme de sa gouvernance (alors même que ces deux aspects sont interdépendants).
Lorsqu’un pays est doté d’un armement très important, vient immanquablement la tentation, ou plutôt la nécessité de s’en servir.** La Russie se trouve confrontée à plusieurs défis majeurs : niveau de vie général assez bas et surtout en stagnation, gouvernance autocratique qui ne peut se légitimer par une élévation du PIB, incapacité structurelle à rivaliser avec le concurrent occidental. Dans la logique du fonctionnement global actuel, l’économisme sert d’exutoire à la dissipation d’énergie et correspond à l’exercice d’une violence à bas bruit, sur ce point la Russie apparaît comme bridée et comme victime : elle subit la pression économique des autres nations sans pouvoir user de son potentiel de puissance européenne, c’est une situation très frustrante et une impasse. Qui n’est pas tenable durablement.*
D’autre part, il faut considérer que les USA concentrent de plus en plus leur attention dans la zone du Pacifique, ce qui ouvre un champ libre qui avait déjà été mis à profit lors de l’annexion de la Crimée et autres évènements plus ou moins analogues.
Ce basculement du centre de gravité du Monde trouve sa traduction manifeste dans cette guerre russo-ukrainienne: si elle est possible, outre les considérations antérieures, c'est que ce genre de conflit se déroule préférentiellement dans les zones de la périphérie, comme celles qui ont eu lieu pendant la guerre froide ou après celle-ci, sauf que désormais la périphérie s'est déplacée et se retrouve désormais en Europe...

* On pourrait tenter un parallèle avec un jeune des Banlieues qui aspire à dissiper son énergie (comme tout être vivant), mais qui se heurte à une concurrence auquel il ne peut se mesurer: la tentation d'actes délictueux est alors grande.
** C'est aussi le risque majeur d'un réarmement généralisé qui produirait ainsi, à terme, le contraire de sa finalité sécuritaire.
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Re: Approche non journalistique de la guerre en Ukraine




par Ahmed » 12/03/23, 23:46

J'évoquais ci-dessus le caractère paroxystique de la dissipation énergétique des guerres. Il me faut préciser que cette option ne peut être que transitoire, à la fois du fait de la quantité dissipée, mais aussi de sa relative inefficacité.
j'explique ce paradoxe: si la dissipation est très grande, elle est tout de même limitée par ce facteur temps. Le retour à des modalités purement marchandes au sens le plus classique mobilisera (sic), certes une moindre activité, mais rapportée à une grande durée cela se traduit in fine par une quantité d'énergie plus grande en valeur absolue.
On peut aussi considérer un peu les conflits comme des versions violentes du potlatch, quoique dans un contexte tout autre qui suggère également des finalités différentes. Le pays agresseur sacrifie volontairement une partie de son capital pour détruire au maximum celui de son rival (on est toujours bien dans la compétition concurrentielle) dans l'espoir que le différentiel final sera à son avantage et lui permettra soit de rançonner le pays vaincu où, ce qui revient à peu près au même (ce n'est qu'une question de modalités), d'annexer ses ressources à son profit. L'histoire de l'entre deux guerres n'entérine évidemment guère ce scénario qui relève plus de la motivation initiale. Mais dans un monde où les ressources deviennent contraintes et où l'industrie financière, indispensable, ne peut faire illusion sans une certaine traduction tangible (c'est un clin d'œil à Dede2002) en matière de production physique, l'annexion de l'Ukraine est très intéressante, sans même évoquer les aspirations grand russiennes qui, dans un autre registre constituent probablement un ressort puissant.
En clair, cela signifie simplement que la géopolitique actuelle permet à la Russie d'envisager de s'approprier une plus grande quantité de ces actifs futurs qui risquent fort de représenter des atouts majeurs dans la "transition économique". Elle le permet du fait des problèmes rencontrés par des puissances déclinantes qui ont laissé faire les actions antérieures sans réagir autrement que par des protestations formelles. Non que le camp occidental soit dénué d'agissements douteux, mais il aurait été ici légitime de prévenir ce qui risque de provoquer une déstabilisation majeure. Était-ce possible? Difficile d'être catégorique. Si l'on use de la métaphore de la tectonique des plaques, ce conflit correspond à un déplacement des couches géologiques provoqué par une dérive lente, mais inexorable.
Je vous laisse méditer sur cette phrase de Marx : "Ce sont les hommes qui font l'Histoire, mais pas celle qu'ils croient..
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