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Eva Joly : « La frontière entre l’extrême-droite et la droite est en train de s’effacer »
Publié le jeudi 08 septembre 2011 à 09H55
Vous débarquez aujourd’hui à Marseille pour une visite de trois jours, que pensez-vous du niveau atteint par l’insécurité dans cette ville ?
Eva Joly : Ce n’est en tout cas pas le changement d’un préfet qui règlera quoi que ce soit. Ca, c’est un exutoire à la colère puérile de notre président de la République. Ce n’est pas non plus l’envoi de policiers en plus - s’ils sont bien envoyés sur place - qui va améliorer la situation. Cette lecture du contexte est trop simpliste. A ce sujet, le rapport de la cour des comptes sur l’échec de la politique de sécurité menée ces dernières années est édifiant. Et qu’a-ton fait de ce rapport ? Au lieu de réviser la politique menée, on a voulu discrédité la cour des comptes, ce qui un réflexe de gouvernement purement autoritaire.
Jean-Noël Guérini pourrait être mis en examen aujourd’hui. Quelle est votre opinion sur cette affaire ?
Le cas de monsieur Guérini montre combien il est important d’avoir des règles très claires sur les conflits d’intérêt. Le citoyen ne devrait pas avoir à se demander si les deux frères Guérini se partagent un marché ! Cette situation ne devrait pas exister. On ne devrait pas avoir un président de conseil général dont le frère est attributaire de marchés, indirectement ou directement : c’est un conflit d’intérêts visible. Ce type de comportement nourrit la défiance à l’égard de la politique, alimente l’extrémisme et finit par dégoûter les citoyens.
Revenons sur la scène nationale : que pensez-vous du plan de réduction des déficits actuellement débattu au parlement ?
Je n’ai pas attendu ce débat pour en parler. Je me suis exprimée dès la présentation du budget 2011, en dénonçant la prévision de croissance retenue par le gouvernement pour élaborer son budget. Je défendais aussi la réduction des niches fiscales, de manière à ramener les recettes fiscales au niveau qui était le leur avant 2000. Nous avons en Europe un modèle social à défendre, et cela a un coût. Pour le défendre, nous devons trouver de nouvelles ressources comme celle que constituerait la taxation des transactions financières. L’autre moyen est la lutte contre la fraude fiscale, ce qui passe entre autres par une harmonisation fiscale européenne.
Un mot sur Jean-Vincent Placé dont les origines ont été stigmatisées par Alain Marleix ?
Jean-Vincent comme moi, nous sommes de belles histoires : nous montrons que la France est ouverte, qu’il n’y a pas de xénophobie, et qu’on peut faire carrière quelle que soit son origine. Or, depuis la prise pouvoir de Nicolas Sarkozy, on voit une volonté d’opposer les Français. On voit ce mécanisme à l’œuvre dans le discours de Dakar, dans les expulsions de Roms, dans ce débat sur l’identité nationale : on privilégie la thèse du bouc émissaire. Franchement, quelle est l’influence des Roms dans la crise économique ? Alors que la décision de supprimer 16 000 postes dans l’éducation nationale, ce qui une économie est ridicule en comparaison des cadeaux fiscaux, est une décision qui génère de l’angoisse, du malheur.
L’omniprésence dans le débat de la droite dite populaire, qu’on entend par exemple bien plus que les écologistes, vous inquiète-t-elle ?
On voit bien que la frontière entre l’extrême-droite et la droite traditionnelle et républicaine est en train de s’effacer. Il n’y a plus de résistance face à ces idées. Et nous savons où cela mène. Cela légitime toutes les folies, cela légitime le fait de réquisitionner des RER pour transporter des Roms, cela légitime, dans la tête d’un Anders Breivik, le massacre de jeunes Norvégiens engagés en politique parce qu’ils ne sont pas assez antimusulmans. C’est un discours de haine que je combattrai de toutes mes forces.
Que pensez-vous de l’affaire des écoutes mettant en cause le ministre de l’intérieur ?
J’ai envie de répondre par un proverbe qui dit la chose suivante : « le poisson pourrit par la tête. » L’exemple qui vient d’en haut symbolise la règle. Or, là, les digues ont sauté. Celle du droit, celle du respect de la loi, celles de la décence et de la morale. Mais ce n’est pas une fatalité. Cela a été rendu possible en France en raison d’un pouvoir excessif de l’exécutif et du climat de peur que ce pouvoir fait régner. Nous pouvons y remédier. Si je suis élue, je mettrai de l’ordre dans les affaires publiques.
(1) : Eva Joly avait déclaré : « Il préside l'amitié franco-libyenne au Parlement en France » et « a effectué une vingtaine de voyages d'amitié avec le président Kadhafi et ces voyages ont été suivis de ventes d'armes. Des armes qui aujourd'hui tirent sur les foules. »
« Tchernobyl ? Rien n’a été fait ! »
« La décision de la cour d’appel de prononcer un non-lieu, c’est la négation du droit pour les victimes, la négation de la responsabilité des autorités. Comment est-ce qu’on a pu affirmer à l’époque que la France était épargnée par le nuage ? Comment cela se fait-il que l’on refuse aujourd’hui de prendre en considération les conséquences sur la santé publique de ce nuage ? La responsabilité de l’état français était d’alerter la population, de distribuer des comprimés d’iode pour saturer la thyroïde. Rien n’a été fait. C’est cette négligence-là qui est coupable. Cela reflète aussi le manque de transparence dont souffre notre pays. On sait par exemple que le nuage a traversé la Corse et il est extraordinaire de constater qu’il n’y a pas eu d’étude épidémiologique menée sur ce territoire ! »
Propos recueillis par Samuel Ribot, agence de presse GHM
et
http://www.enviro2b.com/2011/09/08/pas- ... ly-reagit/Après l'annonce du non-lieu prononcé hier par la Cour d'appel de Paris, mettant un terme à l'enquête sur l'impact du nuage de Tchernobyl en France en 1986, Eva Joly, candidate Europe Ecologie - Les Verts à la prochaine élection présidentielle a immédiatement dénoncé cette décision.
Pour Eva Joly, la décision de la Cour d'appel de Paris d'accorder un non-lieu au Pr Pellerin, seul mis en examen dans le cadre de l'enquête menée sur les impact du passage du nuage de Tchernobyl au-dessus de la France en 1986, est "un déni de justice pour les victimes de cette crise sanitaire". Elle dénonce un Etat "au-dessus des lois", sa responsabilité n'étant pas reconnue par la justice.
"Révoltant !"
"Dans le cadre de la campagne présidentielle, je proposerai une nouvelle législation qui tienne compte des risques sanitaires induits par de telles catastrophes. La justice ne doit plus être aux ordres et l'Etat doit prendre ses responsabilités lorsqu'il a failli, ce qui a été le cas lors de la catastrophe de Tchernobyl" confiait-elle hier dans un communiqué officiel.
La notion de "déni de justice" est également reprise par Noël Mamère, député EELV, qui juge de son côté que cette décision de la Cour d'appel "prouve la force du lobby nucléaire dans notre pays". "C'est aussi une insulte pour ceux qui sont malades des suites du passage du nuage de Tchernobyl ! C'est révoltant !" ajoute-t-il.
"Alors que la catastrophe de Fukushima se poursuit, le nucléaire ne fait toujours pas l’objet d’une nécessaire transparence vis-à-vis de l’opinion publique comme en témoignent l’attitude des autorités japonaises et de l’opérateur Tepco" déplore de son côté Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts. EELV rappelle à cette occasion qu'il préconise que la France sorte progressivement du nucléaire pour "adopter une politique ambitieuse permettant d’assurer sa souveraineté énergétique".
