François Roddier, thermodynamique et société

Débats philosophiques et de sociétés.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 23/03/16, 21:33

En admettant que la ressemblance de l'homme d'avec Dieu soit plus modeste que ne le suggère la formule consacrée, il n'en reste pas moins que cela fait référence à une intériorité singulière, que ne partageraient pas les autres êtres vivants.
Bien entendu, il est loisible d'imaginer que si les poissons se donnaient un Dieu, il aurait comme un penchant pour la gent aquatique...
L'idée de la poursuite de l'œuvre divine découle de la liberté humaine: il y aurait liberté de s'obliger à faire le bon choix; mais c'est manifestement un mauvais plan ou bien le signe que la liberté a disparu chemin faisant!

Je n'aime pas ton analogie, désolé...:roll:

Que penses-tu d'un animisme "modéré"?
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par janic » 24/03/16, 10:18

Ahmed bonjour
En admettant que la ressemblance de l'homme d'avec Dieu soit plus modeste que ne le suggère la formule consacrée, il n'en reste pas moins que cela fait référence à une intériorité singulière, que ne partageraient pas les autres êtres vivants.

D’une certaine façon : oui ! Mais pas en reprenant à bon compte cette imagerie populaire, nécessaire en son temps d’inculture pour la plus grande partie des populations concernées.
Nous savons, avec l'étude de la nature, que chaque animal, chaque plante, joue un rôle particulier avec les éléments naturellement possédés (ce qui n'établit pas un hiérarchie de ces moyens, même cérébraux). Nous pouvons juste constater que l'humain joue le sien (bien ou mal) parce que certains de ces éléments y sont propices, malgré que physiologiquement nous ne soyons pas les mieux outillés, mais nous compensons cela par un plus dû à une imagination fertile. (notre côté créateur aussi!) Donc différence: oui! Mais cela n'en fait pas un sous dieu, ni une photocopie "à sa ressemblance".
Bien entendu, il est loisible d'imaginer que si les poissons se donnaient un Dieu, il aurait comme un penchant pour la gent aquatique...

C’est bien là que le bât blesse dans la perception de ce pourrait être ce « dieu » en question et aussi là que ta formulation est inadéquate à la situation possible, par « si les poissons SE donnaient…. ». Ca c’est typique de ce qui est appelé idolâtrie en langage « religieux », à savoir que c’est l’individu qui crée un dieu et non l’inverse. C’est comme si les enfants se donnaient des parents et voyaient ceux-ci à leur image. Or biologiquement, ce sont les parents qui produisent un être à leur image, pas l’inverse et au cas où il ne les connaitrait pas directement, il s’imaginerait nécessairement que ces parents lui ressemble.
Mais là aussi la comparaison n’est pas vraiment applicable à la situation concernée. En effet (toujours par analogie) l’œuvre d’un peintre, d’un sculpteur, d’un industriel ne donne pas une image « photographique » de leur créateur mais seulement de leur « esprit » créatif. D’où la formule « les vrais adorateurs de dieu le sont en esprit et en vérité » pas dans des représentations, même seulement mentales, fausses par obligation.
L'idée de la poursuite de l'œuvre divine découle de la liberté humaine:

Encore une déformation culturelle qui a fait les beaux jours de certaines religions.
Cette idée n’est qu’un prétention, une vanité humaine supplémentaire.
D’une part il est difficile de faire mieux (puisque ce dieu est supposé avoir fait un œuvre « parfaite » selon SA conception de ce que peut être une perfection) que l’auteur d’une œuvre quelconque, tout au plus l’imitateur peut-il faire autre chose que…en supposant y apporter un plus. Exemple les manipulations d’ADN pour faire mieux que les lois dites de la nature où l’on y perçoit des ratés génétiques (en fait généralement dues à des transgressions connues ou ignorées de ces lois naturelles… ou dites divines) que nos bricoleurs tentent de rectifier avec des effets à moyen ou long terme non perçus au départ !
il y aurait liberté de s'obliger à faire le bon choix

Autre déformation culturelle ! Lorsque qu’il y a obligation, ce n’est plus un choix ! Par contre un choix librement assumé sous tend s’y tenir. Tes réflexions sur l’économie sous tendent que tu n’adhères pas au dogme actuel qui s’impose à nos sociétés, (mais que certains considèrent comme bon), tu as fait ton choix mais t’es-tu obligé à faire celui-ci ou as-tu usé de ta liberté pour faire celui-ci ?
mais c'est manifestement un mauvais plan
toute obligation est nécessairement mauvaise puisque, par principe ou habitude, elle génère une volonté de transgression.
Mais un choix, par définition libre, n'engendre aucune volonté transgressive.
Je l'ai déjà dit et redis je suis VG, par choix, et je reste libre de changer de mode alimentaire, mais consommer du cadavre ne m'attire pas et donc il ne m'est pas difficile de me tenir à ce choix. C'est donc un bon plan POUR MOI! Après écologiquement, éthiquement, sanitairement ça serait mieux pour le reste de l'humanité, mais encore faudrait-il une prise de conscience suffisamment tôt, pour éviter de se trouver sous l'obligation de le faire, à contrario! On peut comparer cela au code de la route qui sert à protéger les conducteurs d'accidents éventuels et par ailleurs un système répressif, contraignant, pour ceux qui n'en ont pas compris l'utilité.
ou bien le signe que la liberté a disparu chemin faisant!

J’ai déjà donné mon point de vue sur le sujet ! Y-a-t-il réellement une liberté de choix où simplement croyons-nous avoir cette liberté ? Le sujet n’est pas près d’être épuisé et probablement sans jamais de réponse qui trancherait la question. On est plus dans une vision philosophique où chacun fait sa sauce personnelle selon ses désirs que telle chose soit libre de choix ou pas.
Je n'aime pas ton analogie, désolé...

Désolé aussi qu'elle ne te parle pas! Mais une analogie n’a pas pour but de plaire ou déplaire, mais d’inciter à réfléchir sur des situations que nous vivons quotidiennement et que souvent nous préférons ne pas voir car dérangeant pour notre petit confort intellectuel ou affectif.
Mais j’en ai d’autres à disposition, ni meilleures, ni pires, tout dépend de l’esprit dans lesquels ces analogies sont perçues.
Que penses-tu d'un animisme "modéré"?

Ca dépend :C’est quoi un animisme modéré ?
« L’animisme est la croyance en une âme, une force vitale, animant les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en les génies protecteurs. ... » notre fidèle Wikipédia !
Le discours biblique est fortement « animiste » en attribuant à toute la création une âme, une force vitale, mais celle-ci n’étant pas intrinsèque, mais donnée.
Pour reprendre mes analogies préférées (parce le monde qui nous entoure vit cette analogie) une machine quelconque, une automobile n’est qu’un tas de ferraille assemblé et sans âme tant qu’il ne s’anime pas et cette force vitale, qui en l’occurrence est le moteur, n’est rien en soi tant que, de l’extérieur, une intention, une volonté, une information (chacun appellera ça comme il veut !) ne fait se mettre en route, s’animer ce condensat minéral, cette pierre, dont les éléments ont été extraits puis assemblés, organisés (mais pas auto organisés comme certains discours veulent le faire croire) donc l'univers entier jusqu'à la moindre particule est bien animée d'une force "vitale" obéissant à des lois précises ce qui fait penser que: qui dit lois dit législateur!
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 24/03/16, 19:22

Janic, tu écris:
Ça c’est typique de ce qui est appelé idolâtrie en langage « religieux », à savoir que c’est l’individu qui crée un dieu et non l’inverse.

Ton analogie avec les parents n'est pas recevable, puisque c'est comparer une réalité physique avec un concept métaphysique. Je ne vois pas en quoi le fait d'hypostasier la qualité d'humain en un Dieu parfait (ce qui résout en même temps la question des origines) serait invraisemblable; pourquoi faudrait-il ne pas prendre au pied de la lettre la ressemblance d'avec Dieu et accepter un Dieu mécanicien?
Toutes les sociétés fonctionnent selon un schéma projectif, la dernière en date s'hypostasie dans le fétiche de la valeur abstraite et c'est là que réside son immense mépris des êtres de la nature (au sens large, ce qui inclut les êtres non-humains, les éléments de la nature et, par un effet d'entraînement, les humains).

Plus loin:
Tes réflexions sur l’économie sous-tendent que tu n’adhères pas au dogme actuel qui s’impose à nos sociétés, (mais que certains considèrent comme bon), tu as fait ton choix mais t’es-tu obligé à faire celui-ci ou as-tu usé de ta liberté pour faire celui-ci ?

Le dilemme de la liberté n'est qu'apparent: elle ne peut exister que si la connaissance des phénomènes est suffisante pour exercer la possibilité d'un choix. La société déploie de multiples stratégies pour éliminer ces conditions et contrevenir à la liberté.
Dès lors que le choix est motivé en raison, du fait de l'exercice de la liberté, il y a obligation morale d'aller dans le sens de ce qui apparaît comme conforme à la plus grande vérité possible. Ce n'est évidemment pas automatique, nombreux sont ceux qui disposent d'éléments de jugement suffisant et qui pourtant font le choix, par opportunisme, carriérisme, de servir leur maîtres et de jouer aux chiens de garde... Je pense qu'il est inutile (ce serait d'ailleurs long et difficile) d'énumérer la longue liste d'intellectuels, d'experts en tous genres qui composent cette meute.

Tu parles "de meilleur choix, pour moi", mais la possibilité de la vérité suppose une transcendance de la subjectivité: que serait une "vérité" qui n'aurait comme espace de validité que la sphère intime de chacun de nous (bien sûr, je ne parle pas ici des choix de détails...)?

L'animisme "modéré" serait de reconnaître, sans être dupe du procédé et donc sans verrouillage mystique, sans grands prêtres, une dignité et un droit intrinsèque à l'existence de chaque élément constitutif du monde.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par janic » 24/03/16, 20:01

Janic, tu écris:
Ça c’est typique de ce qui est appelé idolâtrie en langage « religieux », à savoir que c’est l’individu qui crée un dieu et non l’inverse.
Ton analogie avec les parents n'est pas recevable, puisque c'est comparer une réalité physique avec un concept métaphysique. Je ne vois pas en quoi le fait d'hypostasier la qualité d'humain en un Dieu parfait (ce qui résout en même temps la question des origines) serait invraisemblable; pourquoi faudrait-il ne pas prendre au pied de la lettre la ressemblance d'avec Dieu et accepter un Dieu mécanicien?

c'est ce qui s'est passé lorsque le catholicisme a décrété le divinité du christ Jésus en en faisant dieu incarné, rejeté tel quel par le judaïsme, l'Islam et même et surtout les textes évangéliques.
donc aucune analogie n’est recevable telle quelle, pas plus celle-ci qu’une autre évidemment. La comparaison entre réalité physique et métaphysique vient du fait que seule la première « réalité » nous est familière et chaque jour expérimentée. C’est donc un support que chacun peut saisir alors que la métaphysique est bien plus nébuleuse « De nos jours, la métaphysique est une notion équivoque qui recouvre aussi bien la science des réalités qui échappent aux sens que la connaissance de ce que les choses sont en elles-mêmes, indépendamment de nos représentations », voire niée.
Plus loin:
Tes réflexions sur l’économie sous-tendent que tu n’adhères pas au dogme actuel qui s’impose à nos sociétés, (mais que certains considèrent comme bon), tu as fait ton choix mais t’es-tu obligé à faire celui-ci ou as-tu usé de ta liberté pour faire celui-ci ?
Le dilemme de la liberté n'est qu'apparent: elle ne peut exister que si la connaissance des phénomènes est suffisante pour exercer la possibilité d'un choix. La société déploie de multiples stratégies pour éliminer ces conditions et contrevenir à la liberté.
Dès lors que le choix est motivé en raison, du fait de l'exercice de la liberté, il y a obligation morale d'aller dans le sens de ce qui apparaît comme conforme à la plus grande vérité possible. Ce n'est évidemment pas automatique, nombreux sont ceux qui disposent d'éléments de jugement suffisant et qui pourtant font le choix, par opportunisme, carriérisme, de servir leur maîtres et de jouer aux chiens de garde... Je pense qu'il est inutile (ce serait d'ailleurs long et difficile) d'énumérer la longue liste d'intellectuels, d'experts en tous genres qui composent cette meute.

Nous sommes à peu près d’accord sur ce point! Mais c’est à peu près comme l’avis de mal voyants sur des aveugles.
L'animisme "modéré" serait de reconnaître, sans être dupe du procédé et donc sans verrouillage mystique, sans grands prêtres, une dignité et un droit intrinsèque à l'existence de chaque élément constitutif du monde.

Ca va de soi, en principe, mais il y a loin de la coupe aux lèvres, ne serait-ce justement qu'à cause de notre interventionnisme sur chaque élément de ce monde, ce qui en rend la réalité utopique. C’est d’ailleurs cette utopie proposée dans le texte biblique, mais le temps est passé dessus et, comme une chaussure destinée à protéger la pied, celle-ci se trouve bien usée et guère plus efficace, par ces verrouillages "mystiques" ou matérialistes.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 25/03/16, 09:54

"...ce qui en rend la réalité utopique", sans nulle doute et c'est son intérêt! Cependant, pas plus utopique que la vision du monde qui prévaut actuellement et qui le détruit...
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par janic » 25/03/16, 13:28

"...ce qui en rend la réalité utopique", sans nulle doute et c'est son intérêt! Cependant, pas plus utopique que la vision du monde qui prévaut actuellement et qui le détruit...
Certes, c'est malheureusement ce choix qu'à fait directement ou indirectement notre type de société. Après, à charge pour chacun, d'apporter sa pierre à la construction d'un autre monde!
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 14/04/16, 14:34

89 – Une équation d’état pour l’économie
3 avril 2016Général

Dans ce blog j’ai proposé de définir une notion de température pour l’économie (billet 49), comme étant l’inverse T du coût de l’énergie. Plus l’énergie est bon marché, plus la température tend à être élevée et plus l’activité économique est importante. J’ai utilisé cette notion dans plusieurs publications notamment le chapitre 10 de l’ouvrage collectif d’Agnès Sinaï « Économie de l’après-croissance » (1).

Dans mon exposé au Shift-Project du mois de mars 2015 (vidéo du billet 75), j’ai défini de même une notion de potentiel P pour une production économique, comme étant le potentiel de Gibbs associé au volume V de la production (2). J’ai montré l’analogie entre les cycles de production d’une entreprise et les cycles de Carnot d’un gaz de volume V, de pression P et de température T. Nous allons poursuivre ici l’analogie entre les échanges économiques et ceux entre les molécules d’un gaz.

On sait que que pour un gaz dit «parfait», les variables P, V et T sont liées par la relation PV = RT, appelée équation d’état. R est la constante des gaz parfaits. L’analogue économique d’un gaz parfait serait une ensemble d’agents indépendants procédant à des échanges commerciaux au cours de rencontres fortuites. De même que les molécules d’un gaz parfait ne sont pas liées entre elles, de même les agents d’une telle économie agissent indépendamment les uns des autres.

Appliquée à la production économique, la relation des gaz parfaits implique un potentiel économique P d’autant plus grand que le volume V de la production est plus faible. C’est le cas des produits de luxe. Une robe d’un grand couturier a d’autant plus de valeur que peu de gens peuvent se l’offrir. Cette robe est d’autant plus économiquement intéressante, qu’elle ne coûte pas excessivement cher à fabriquer, c’est-à-dire que la température économique est suffisamment élevée (i.e. que l’économie est plus prospère). On n’achète pas des robes de grand couturier dans une économie de pénurie. De même que l’équation d’état des gaz parfaits s’applique aux températures élevées, de même elle s’applique aux économies d’abondance.

On sait que l’équation d’état des gaz réels diffère de celle des gaz parfaits d’autant plus qu’on se rapproche des températures auxquelles le gaz se condense et devient liquide. Dans ces conditons, les molécules suffisamment proches peuvent s’attirer, créant des liaisons temporaires. Diverses expressions analytiques ont été proposées pour tenir compte de ces liaisons. La plus utilisée est l’équation de van der Waals dont l’équation d’état s’écrit:

(P + a/V2)(V-b) = RT

Comparée à l’équation des gaz parfaits, l’équation de van der Waals contient deux termes correctifs. Le premier a/V2 est le terme correctif sur la pression. Le second b est le terme correctif sur le volume.

Dans ce modèle, l’attraction entre les molécules crée une pression interne supplémentaire inversement proportionnelle au carré du volume. Quant au volume du gaz, il ne saurait être inférieur au volume b de ses molécules. L’importance de ce modèle est que, dans le plan (P,V), ses isothermes rendent bien compte de l’existence d’un point critique en dessous duquel le gaz peut devenir instable et se condenser en une phase liquide et une phase vapeur (3).

Appliquée à la production économique, l’équation de van der Waals implique l’existence d’un potentiel économique supplémentaire de la forme a/V2. Pour un gaz réel il est spécifique à certaines molécules. Pour une production économique, il serait spécifique à certaines productions. Comme tout potentiel a/V2 est une grandeur intensive, c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas du volume de la production. Cela implique que le coefficient «a» croit comme le carré du volume V de la production. Il s’applique à des denrées dont le potentiel est d’autant plus grand qu’elles sont produites en grande quantité.

On peut donner comme exemple le téléphone portable. Celui-ci est d’autant plus utile que les autres en sont aussi équipés. Loin d’être un produit de luxe, il est devenu aujourd’hui une nécessité, par exemple pour ceux qui cherchent un domicile ou un emploi. De même, l’équation de van der Waals implique un volume de production minimal «b» que l’on pourrait qualifier de volume de survie.

Le cas général est intermédiaire entre l’économie d’abondance et l’économie de pénurie. Les économistes associent souvent à un même produit deux valeurs différentes, sa valeur d’échange et sa valeur d’usage. On peut considérer ces deux valeurs comme deux termes différents de leur potentiel économique. Un bon exemple est la propriété immobilière. Dans une économie d’abondance, la propriété immobilière est considérée comme un placement: sa valeur d’échange domine. Dans une économie de pénurie, c’est sa valeur d’usage qui est importante.

On peut représenter l’état d’un fluide quelconque par un point dans l’espace des trois variables P,V,T. Ces trois variables étant liées par une relation d’état, le point représentatif du fluide se trouve sur une surface, représentée sur la figure ci-dessous. Au voisinage du point critique C, cette surface peut être retrouvée à partir de l’équation de Van der Waals (3). Les zones sombres indiquent les régions de la surface pour lesquelles deux phases différentes subsistent en présence l’une de l’autre: solide et liquide (S+ L), solide et gaz (S + G), ou liquide et gaz (L + G). Projetée dans le plan (P,T), cette surface redonne la figure 1 de mon livre (4).

Point-critique

Si on applique ce résultat à une production économique, les trois variables sont alors le volume V de la production (quantités produites), le potentiel P de la production (exprimant la demande) et la température T de l’économie (exprimant d’offre). Au voisinage du point critique, le résultat est représenté sur la figure ci-dessous:

Point-critique1b

La zone pour laquelle le volume V de la production est faible, mais la demande P est élevée correspond à une économie de pénurie. Celle pour laquelle le volume V est élevé, mais la demande P est faible correspond à une économie d’abondance, voire de surproduction. Enfin, celle pour laquelle la température de l’écononomie est la plus haute (offre élevée) est une zone de forte croissance économique.

Comme pour la figure précédente, la zone sombre est une zone à l’intérieur de laquelle deux phases co-existent en présence l’une de l’autre. Ici une économie de pénurie subsiste en présence d’une économie d’abondance. On sait qu’au point critique C, la distribution des richesses suit une loi de puissance appelée loi de Pareto (5). Lorsqu’on pénètre dans la zone sombre, la classe moyenne s’effondre, laissant en présence deux économies distinctes, celle des gens riches et celle des gens pauvres. Comme le liquide se sépare de la vapeur, ces deux économies tendent à se séparer l’une de l’autre. Dans notre prochain billet, nous montrerons que c’est la région à l’intérieur de laquelle les sociétés s’effondrent.

(1) François Roddier. De la nécessité d’une décroissance. Dans: Agnès Sinaï, Économie de l’après-croissance, Politique de l’Anthropocène II, chapitre 10. Éditions SciencesPo (2015).

(2) François Roddier. La thermodynamique des transitions économiques. Dans: Res-Systemica, vol. 14, article 01 (septembre 2015).

(3) Voir Wikipedia: Équation d’état de van der Waals.

(4) François Roddier. Thermodynamique de l’évolution. Édit. Parole (2012), figure 1, p. 40.

(5) François Roddier. Thermodynamique de l’évolution. Édit. Parole (2012), section 13.5, p.123.


http://www.francois-roddier.fr/
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 15/04/16, 20:53

90 – Les cycles économiques
15 avril 2016 Général

La seconde loi de la thermodynamique, appelée aussi « principe de Carnot », nous dit que l’on ne peut produire durablement de l’énergie mécanique que par des cycles de transformations extrayant de la chaleur d’une source chaude pour en rendre une partie à une source froide.

Par nature, une structure dissipative produit en permanence de l’énergie mécanique pour la dissiper. Cela implique qu’elle doit effectuer des cycles de transformations. Ainsi, pour dissiper l’énergie solaire, l’atmosphère terrestre produit des cyclones et des anticyclones, mais aussi des cycles comme le cycle de l’eau. Les éléments chimiques sont constamment recyclés grâce à des cycles comme celui du carbone, de l’azote ou du phosphore. Enfin la vie elle même ne subsiste que grâce à des cycles au cours desquels les plantes sont mangées par de petits animaux qui eux-mêmes sont mangés par de plus gros animaux, dont les déchets alimentent des bactéries qui produisent ainsi les engrais nécessaires aux plantes.

Parmi toutes les structures dissipatives terrestres, celles qui dissipent le plus d’énergie sont de loin les sociétés humaines. La science qui étudie la façon dont les sociétés humaines dissipent l’énergie s’appelle l’économie. On attribue généralement à un français, Clément Juglar, la première mise en évidence de cycles économiques auxquels il a attribué une période de l’ordre de 8 ans. Au début du XXème siècle, Kondratiev a mis en évidence des cycles plus longs de l’ordre du demi-siècle.

Dans ce blog, je parle moi-même des quatre saisons de l’économie (billets 72 et 73), dont chaque saison serait de l’ordre d’une génération. Il s’agit alors de cycles ayant une période de l’ordre du siècle. Dans leur livre intitulé « Secular cycles (1) » Turchin et Nefedov mettent en évidence des cycles historiques de périodes encore plus longues, de l’ordre de 400 ans (voir la liste de ces cycles en bas de ce billet). Pour chacun d’entre eux, Turchin et Nefedov identifient clairement quatre phases auxquelles ils donnent les noms de phase d’expansion, de stagflation, de crise et de dépression.

Cycles séculaires

Les cycles séculaires de Turchin et Nefedov

Il apparait naturel d’identifier les cycles économiques aux cycles des structures dissipatives. Le physicien danois Per Bak a montré que celles-ci oscillent autour d’un point critique. Les différentes parties d’une même structure oscillent à des fréquences différentes. Il s’agit donc de tout un spectre d’oscillations dont l’amplitude est d’autant plus grande qu’elles s’étalent sur une période de temps plus longue.

Dans mon exposé au Shift Project (2), j’ai identifié les cycles économiques à des cycles de Carnot décrits par les variables traditionnelles P, V, T, mais pour lesquels P représente un potentiel de Gibbs que j’ai appelé potentiel économique et qui mesure ce que les économistes appellent généralement la « demande ». La variable V représente le « volume » de la production (quantité d’objets manufacturés). Enfin la variable T mesure ce que j’ai appelé la « température » de l’économie (billet 49), et que l’on peut identifier avec ce que les économistes appellent « l’offre ».

À un instant donné, l’état d’un ensemble économique peut être représenté par un point dans l’espace (P, V, T). Dans mon billet précédent, j’ai montré que l’ensemble des points se trouvent sur une surface décrite par une équation d’état de l’économie. J’ai montré l’analogie entre cette équation d’état et celle des fluides condensables. J’en ai déduit que, comme un fluide, une économie peut se condenser en deux phases distinctes que j’ai identifiées à une économie de gens riches et une économie de gens pauvres. J’ai montré que ces deux économies se dissocient l’une de l’autre à l’intérieur d’un certain domaine représenté en sombre sur la figure.

La figure ci-dessous est identique à celle du billet précédent, mais tournée de 90° dans le sens direct. Les trois axes de coordonnées sont toujours P, T, V maintenant désignés sous leur appellation économique de demande, offre et production. La production économique étant une grandeur extensive, celle-ci est maintenant portée sur un axe vertical en fonction des deux grandeurs intensives que sont l’offre (vers l’arrière) et la demande (vers la gauche). Les courbes dites «isothermes» sont les lignes le long desquelles l’offre reste constante.

Point-critique4

Production économique, en fonction de l’offre et de la demande

Le circuit représente un cycle économique arbitraire autour du point critique. Projetée dans le plan production/demande, son aire représente l’énergie dissipée au cours d’un cycle. Celle-ci étant positive, la rotation a nécessairement lieu dans le sens des aiguilles d’une montre. Par analogie avec les fluides, la partie du cycle située dans la zone sombre a été représentée par une «isotherme» de condensation, ici un segment de droite verticale.

Cette zone sombre est dans un plan vertical. Il parait naturel de l’identifier à une zone d’effondrement de l’économie, zone baptisée «falaise de Sénèque» par Ugo Baldi (3). Dans cette zone d’instabilité, la production s’effondre verticalement, quelle que soit l’offre (température) et indépendamment de la demande (pression). Nous avons vu (billet précédent) qu’à l’intérieur de cette zone l’économie se sépare en deux phases, une économie de gens pauvres et une économie de gens riches sans interactions entre elles. L’effondrement de la production s’interprète alors par le fait que les gens pauvres ne peuvent plus acheter ce que produisent les gens riches. Peu à peu l’ensemble de la population s’appauvrit.

Le cycle économique de la figure peut être suivi et interprété de la façon suivante. Si l’on part du pied de la falaise, la production économique commence par passer par un minimum. Cette partie du cycle se caractérise par une pénurie de biens matériels et une demande grandissante. Elle est clairement identifiable à la phase de dépression de Turchin et Nefedov.

On arrive alors dans la partie gauche du cycle durant laquelle la production économique reprend. Cette partie se caractérise par des inégalités de richesses faibles et une absence quasi-totale de chômage. L’offre tend à satisfaire la demande et la production augmente. La paix et le bien-être s’étendent de sorte que la population tend à croître. C’est la phase dite d’expansion de Turchin et Nefedov.

Une fois satisfaite, la demande tend à décliner mais, liée aux investissements, l’offre se maintient. On arrive dans la zone chaude de l’économie de luxe. Celle-ci suit des lois proches de celles des gaz parfaits. L’offre y maintient la demande, de la même façon que la température maintient la pression dans une chaudière. Les gens riches sont de plus en plus nombreux, mais peu à peu la production stagne et le chômage s’installe. C’est la phase de stagflation de Turchin et Nefedov.

On arrive alors au bord de la falaise de Sénèque du haut de laquelle la production économique s’effondre. Les sociétés tombent en faillite, les populations se soulèvent et les gouvernements sont renversés. C’est la phase de crise de Turchin et Nefedov.

Semblables à Sisyphe, les civilisations supportent le fardeau de la production le long de leur ascension économique, jusqu’au sommet de la falaise d’où elles voient le fruit de leur labeur s’écrouler. Au pied de la falaise de nouvelles civilisations prennent le relais.

(1) P. Turchin, S. Nefedov, Secular cycles, Princeton (2009).
(2) Voir la vidéo du billet 75 et le texte publié dans Res-Systemica, vol. 14, article 01 (septembre 2015).
Voir: http://www.theoildrum.com/node/8317

Pour information, voici la liste des cycles décrits dans le livre de Turchin et Nefedov avec la période correspondante:

Le cycle Plantagenet (1150-1485)
Le cycle Tudor-Stuart (1485-1730)
Le cycle capétien (1150-1450)
Le cycle valois (1450-1660)
Rome: Le cycle de la république (350-30 av. J.C.)
Rome: Le cycle du principat (30 av. J.C.- 285)
Russie: Le cycle moscovite (1460-1620)
Russie: Le cycle Romanov (1620-1922)


http://www.francois-roddier.fr/
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Ahmed
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par Ahmed » 15/04/16, 21:22

Il écrit tout de même des choses assez surprenantes comme:
...une économie de gens pauvres et une économie de gens riches sans interactions entre elles.

Qu'est-ce que peut être une économie "sans interactions" entre pauvres et riches? Cela possède-t-il le moindre sens?

L’effondrement de la production s’interprète alors par le fait que les gens pauvres ne peuvent plus acheter ce que produisent les gens riches.

L'expression est assez maladroite: il s'agit plutôt de l'effondrement des échanges, quant à la "production des riches", l'expression est assez hasardeuse, comme si la valeur confisquée par les riches ne provenait pas des pauvres réels ou des pauvres virtuels du futur...

Les gens riches sont de plus en plus nombreux, mais peu à peu la production stagne et le chômage s’installe.

Cela reste à démontrer, certes, le nombre de riches croît et leur fortune également, mais la production dépendant de moins en moins de l'activité humaine fait coexister forte production et chômage de masse.
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Re: François Roddier, thermodynamique et société




par sen-no-sen » 15/04/16, 21:39

Ahmed a écrit :Il écrit tout de même des choses assez surprenantes comme:
...une économie de gens pauvres et une économie de gens riches sans interactions entre elles.

Qu'est-ce que peut être une économie "sans interactions" entre pauvres et riches? Cela possède-t-il le moindre sens?


Je pense qu'il a voulu signifier la coexistence de secteur de l'économie pour les gens riches (fabrication de produits de luxe,automobiles,vêtements,immobilier) radicalement différenciés de celle des classes les plus défavorisés).

Cela reste à démontrer, certes, le nombre de riches croît et leur fortune également, mais la production dépendant de moins en moins de l'activité humaine fait coexister forte production et chômage de masse.


Par "gens riches" je pense qu'il faut ici comprendre "les habitants des pays industrialisés",qui se tournant vers les secteurs de service ne produisent plus assez,ce qui favorise le chômage à cause des délocalisations suscité par l'externalisation de l'industrie dans les pays en voie de développement.

Globalement la grille de lecture est correcte,maintenant, sur l'interprétation je diverge comme toi de l'opinion de François Roddier sur certain points.
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